Un petit pays pauvre (405 dollars par habitant) et enclavé peut receler de vraies opportunités. Tel a été le message délivré sur le Niger par l’ambassadeur de France en poste à Niamey, Marcel Escure, aux 35 invités, dont Le Moci, du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), le 1er décembre. « A condition ne pas être une entreprise débutante et de cibler plutôt à court terme sur les fonds internationaux, en raison de l’endettement public », a précisé le diplomate tricolore.
C’est que, après avoir sérieusement baissée, la dette publique remonte et pourrait approcher 50 % à la fin de l’année. Du coup, la trésorerie se tend.
Le soutien des bailleurs de fonds
Niamey promet aujourd’hui de nouvelles mesures pour accroître les recettes publiques. Si cette option réussissait, alors les arriérés de paiement aux entreprises pourraient être remboursés. A la demande du nouveau ministre des Finances, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) soutiendraient l’embauche de nouveaux personnels pour aider à lutter contre l’inertie et la corruption. L’Union européenne (UE) apporterait également 100 millions d’euros d’aide budgétaire et la France 25 millions.
Les bailleurs de fonds soutiennent Niamey comme le montre encore la poussée sensible des engagements de l’Agence française de développement (AFD), passés de 10 millions d’euros en 2010 à 100 millions, et ce « pour au moins pour les trois ans à venir », selon Marcel Escure. La Banque mondiale a, pour sa part, annoncé le doublement de ses concours, ce qui tombe bien au moment où le président Issoufou, qui commence son deuxième mandat à la tête de l’État, engage un plan de développement de cinq ans d’un montant de 12 milliards de francs CFA.
Les priorités sectorielles sont multiples : agriculture, avec le financement de coopératives pour l’acquisition d’équipements ou la construction d’abattoirs à la frontière du Nigeria pour y exporter des carcasses plutôt que des animaux sur pied ; infrastructures, avec les routes, l’aéroport de Niamey, des hôtels à Agadez, à Niamey, avec l’espoir d’abriter le Sommet de l’Union africaine dans quatre ans ; énergie, avec la réalisation de barrages à court terme (privilégiée par le président Issoufou), de centrales solaires à moyen-long terme (deux-trois ans) et le développement de l’électrification rurale.
La Banque ouest-africaine de développement (Boad) envisagerait ainsi d’engager 41 millions d’euros dans le réseau routier et l’électrification rurale de 45 localités, avec l’utilisation de sources d’énergie renouvelable, notamment photovoltaïque. L’AFD et l’UE ont, pour leur part, lancé une mission d’expertise pour évaluer la possibilité de réaliser une centrale hybride photovoltaïque/diesel, d’une puissance de 11,2 mégawatts (MW), pour répondre aux déficits d’électricité récurrents dans cette région surpeuplée en raison de la poursuite des flux migratoires.
La France devance toujours la Chine
Malgré la montée en puissance de la Chine, la France demeure numéro un au Niger, avec une part de marché de 12 à 15 %. Son stock d’investissements, en outre, a triplé en cinq ans, en passant ainsi de 300 millions à un milliard d’euros, grâce, notamment à Orange, Sogea Satom, Veolia, Necotrans ou Bolloré, qui investit dans la boucle ferroviaire ouest-africaine et dans des entrepôts sous douane.
« La Chine n’a pas totalement saturé le marché, notamment dans les équipements », indiquait Marcel Escure. D’autant que ses grandes réalisations sur place ne se révèlent pas forcément des succès, à l’instar d’une centrale thermique ou d’une unité de traitement d’eau à Zinder dont le fonctionnement est déficient en raison de l’utilisation de matériels dépassés.
Lors de son premier mandat, le chef de l’État avait lancé le plan 3N « les Nigériens nourrissent les Nigériens », qui a permis de juguler les disettes. Pour autant, dans un pays semi-aride, où 50 % des sols pourraient être verdoyants, les investisseurs étrangers, malgré l’intérêt des bailleurs de fonds, sont absents, ignorant ainsi le potentiel de production et d’exportation. Or, si le plan 3N a généré de l’emploi, sans investissement et sans formation, l’emploi n’est pas pérenne et les Nigériens sont prêts à prendre des risques pour aller travailler en Libye.
La filière des mines et hydrocarbures offrent aussi des opportunités. Si le pétrole est entre les mains de la Chine, des projets d’oléoduc à l’intérieur du pays et vers le Nigeria sont évoqués. Dans l’or, les autorités nationales chercheraient des partenaires de façon à mettre fin à l’orpaillage clandestin, qui s’est largement répandu. Areva coopère avec des sous-traitants pour ses mines d’uranium d’Akouta et d’Arlit.
Le grand marché de l’armement et de la sécurité
L’urbanisation croissante crée aussi des besoins en matière de traitement des déchets, de transport en commun, de services. Enfin, l’armement demeure porteur. Les dépenses militaires sont élevées, constituant 15 % du budget national, l’armée, composée de 20 000 hommes, est de bonne qualité, bien dirigée et payée. La France est présente, notamment avec une base aérienne à Niamey qui sert de hub à l’opération Barkhane que mène son armée au Sahel.
Selon l’ambassadeur de France, la Chine n’a pas toujours fourni que du bon matériel et, si les Touaregs sont plutôt bien intégrés au Niger, en revanche, « on assiste à une addition de menaces importées », avec l’apparition de mouvements radicaux et des attaques djihadistes en provenance du Mali, de Libye et du Nigeria. Le marché de la sécurité est donc florissant pour les sociétés spécialisées.
« C’est vrai que Pékin fournit de l’armement bas de gamme, commente pour la Lettre confidentielle un familier du Niger, mais ce que n’a pas dit, en fin diplomate, l’ambassadeur, c’est que les technologies et les équipements tricolores sont deux fois plus chers et que dans toute la région, y compris en Côte d’Ivoire et au Sénégal, on voit arriver les Turcs, les Israéliens, voire les Indiens avec des prix compétitifs. C’est pourquoi un groupe comme Thales, qui est bien introduit, s’est quand même diversifié sur place dans le civil ».
« C’est d’autant plus regrettable, confie encore l’interlocuteur de la LC, que le président Issoufou fait des pieds et des mains pour que Paris ne parie pas seulement sur le Mali dans la crise du Sahel mais aussi sur le Niger, qui montre une capacité supérieure, même si il y encore beaucoup à faire, en matière de stabilité politique et lutte contre la corruption ».
Au Niger, le plus inquiétant est la bombe sociale que représente une démographie galopante. Dans ce pays de 19,9 millions d’habitants, le taux de fécondité est de 6,7 enfants par femme, et il augmente de 3,5 % par an. Mahamadou Issoufou voudrait que cette progression tombe à 2,5 %, mais les obstacles culturels sont réels.
Économie informelle et startups
Or, si le Niger connaîtra des croissances relativement élevées de son économie en 2016 et 2017, de 4 à 5 % et de 6 à 7 % respectivement, l’activité générale dans un pays rural – l’agriculture et l’élevage emploie 90 % de la population active – est conditionnée à pluviométrie et au climat, et donc peut chuter drastiquement. Ce qui serait dramatiquement pour cet État en voie de développement, qui restera un des pays les moins avancés du monde pendant encore longtemps, en raison de son niveau d’éducation très faible, qui lui vaut d’être classé au 188e et dernier rang à l’Indice de développement humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud).
En outre, le secteur privé est surtout informel. Il n’y a pas de grands groupes, à part de gros commerces informels, et le Niger doit surtout compter sur les quelques startups qui essaient d’émerger. Marcel Escure a ainsi participé à la deuxième édition des rencontres du Land of African Business (Lab), du 19 au 23 octobre à Paris. Deux entrepreneurs nigériens y avaient fait le déplacement : Yacouba Alfari de la société Yabe, primé l’année précédente, et Mariama Mamane, qui a reçu le Prix coup de cœur du jury. Sa société, Jacigreen, a pu produire un engrais naturel par compostage à partir de la jacinthe d’eau.
François Pargny
Pour prolonger :
–France / Afrique : Paris cherche à refonder une communauté de destin avec ce continent
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