Rarement un round de négociations du TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) n’avait été si peu commenté et si peu médiatisé, se terminant sans tambour ni trompette de part et d’autre de l’Atlantique. À Bruxelles, le rendez-vous traditionnel avec la presse, avant le début de la 15ème session de pourparlers, qui s’est tenu la semaine passé à New York, a tout simplement été rayé de l’agenda de la Commission. Et durant la conférence de presse finale, à l’issue de cinq jours de discussions, les négociateurs en chef – Ignacio Garcia Bercero, côté européen, et Dan Mullaney, côté américain – ont passé plus de temps à rappeler les vertus potentielles d’un accord de libre-échange transatlantique, plutôt qu’à détailler la teneur des discussions entre leurs équipes respectives.
Consolidation des propositions existantes
Ce nouveau round de pourparlers s’est notamment concentré sur la consolidation des propositions existantes, sur les 30 chapitres environ, figurant dans le traité. « De nombreux progrès ont été réalisés sur plusieurs volets du texte », a précisé Ignacio Garcia Bercero citant de « longues discussions » sur le pilier consacré à la « coopération réglementaire » et ses chapitres relatifs aux entraves techniques au commerce ou aux normes sanitaires et phytosanitaires. Les neuf secteurs identifiés lors du lancement des pourparlers ont également été abordés.
De « nettes avancées » auraient été enregistrées en matière de convergences des normes dans le domaine pharmaceutique où les deux parties seraient désormais proches d’un accord. Des progrès ont également été signalés dans l’automobile et les appareils médicaux. Dans les six autres secteurs, par contre – les produits chimiques, les cosmétiques, l’ingénierie, l’informatique, les pesticides et les textiles – les pourparlers sont encore à la traîne.
Rien de neuf sur les indications géographiques, les marchés publics, le tribunal indépendant …
Les questions sensibles semblent, quant à elles, avoir été soigneusement évitées. Le seul point contentieux où des débats ont été initiés concerne le volet relatif aux règles d’origine, pour lequel Bruxelles et Washington maintiennent des approches très différentes. Les discussions sur le chapitre sur les indications géographiques, intérêt offensif des Européens, « ont été très brèves », confiait un négociateur européen.
Même chose pour le volet consacré aux marchés publics, aux biotechnologies ou à l’accès aux données. Les États-Unis et l’UE maintiennent aussi des positions diamétralement opposées sur le dossier lié à la protection des investissements, en particulier le mécanisme de règlement des différends investisseurs / États. La proposition européenne de créer un tribunal indépendant continue à se heurter à l’hostilité affichée des Américains.
Depuis le 14ème round, organisé à Bruxelles en juillet dernier, les deux camps ont revu leurs ambitions à la baisse, reconnaissant de part et d’autre de l’Atlantique, que les pourparlers ne pourraient pas aboutir, comme prévu, d’ici à la fin de l’année. « Cette nouvelle session, à New York, s’est concentré sur les détails techniques et la résolution de différends conceptuels et linguistiques », déplorait un membre européen de l’équipe de négociations. Pour lui, l’absence de nouvelles « impulsions politiques », pèse sur le travail technique.
Aux États-Unis, les députés ont aussi leurs lignes rouges
Outre l’opposition de la France, la méfiance de l’Allemagne et de l’Autriche, l’hostilité croissante de l’opinion publique européenne freinent toute tentative de progrès tangibles. Selon le dernier Eurobaromètre, publié avant l’été, une majorité des citoyens reste favorable à un accord mais cette proportion serait en chute libre dans tous les États membres hormis la Suède. Aux États-Unis, les députés ont eux aussi clairement affichés leurs lignes rouges.
Dans une lettre adressée à Michael Froman, le représentant au Commerce, des membres du Congrès ont rappelé leur opposition catégorique à l’ambition européenne d’inclure les indications géographiques dans l’accord. Ils trouvent « également inquiétant le manque apparent de volonté de l’UE pour l’inclusion d’un mécanisme adéquate pour la résolution efficace des disputes liées à l’investissement ». Si la Commission à Bruxelles assure que « les échanges et discussions techniques de poursuivront jusqu’à la fin de l’année, aucune date n’a été arrêtée pour le prochain cycle de pourparlers.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles