La 10e édition des Entretiens de Rungis sur le thème « exporter des produits frais », le 30 octobre – la première délocalisée à Paris – avait tout pour plaire. D’abord un invité de marque, le secrétaire d’État au Commerce extérieur Matthias Fekl, « un fin gourmet », selon Stéphane Layani, P-dg de Semmaris, société gestionnaire du marché d’intérêt national de Rungis. Ensuite, trois tables rondes bien alimentées en orateurs d’intérêt international… Jusqu’à ce qu’à la fin de la matinée, le directeur général de Lactalis, Michel Nalet, également président de la commission Export de l’Ania (Association nationale des industries alimentaires), s’empare du micro pour pousser un véritable « coup de gueule » à l’encontre des représentants de la filière des transports et la logistique encore présents à ce moment sur la scène. La Lettre confidentielle du Moci y était, voici ce qui s’est dit.
« Ça fait 25 ans que je travaille à l’export, ça ne bouge pas ! »
Les représentants des sociétés de transport et de logistique présents étaient Jean-Yves Gras, directeur Supply Chain de Bolloré Logistics, Jean-Pierre Sancier, directeur général de Stef, Thierry Le Guilloux, président de VIIA, Hervé Cornede, directeur commercial et marketing d’Haropa, et Eric Devin, directeur général de Cemafroid. Ils venaient de conclure la troisième table ronde sur le thème : « comment acheminer les innovations aujourd’hui ? ».
Lâchant effectivement les chevaux, Michel Nalet, qui avait lui-même participé à une table ronde, a qualifié le transport routier en France de « catastrophique ». Et, maniant les gestes autant que la parole, d’accuser « chacun d’y aller de sa petite solution » alors qu’il faudrait « arrêter de travailleur seul ». Et d’enfoncer le clou en concluant sans fioritures : « ça fait 25 ans que je travaille à l’export, ça ne bouge pas ! ».
Dans la conclusion générale de la matinée, Stéphane Layani lui a répondu fort habilement – d’autant que tous les transporteurs qui participaient aux Entretiens sont des clients de son entreprise.
Construire des « relations fortes pour résoudre les problèmes d’exportabilité »
Rappelant ainsi que la logistique est « le nerf de la guerre », le patron de Semmaris a incité à construire des « relations fortes pour résoudre les problèmes d’exportabilité » des produits. « Ça nous permettra de travailler en meute et de s’adresser à des clientèles différentes », a-t-il poursuivi, avant de reprendre, à l’adresse des exportateurs français, une expression utilisée par Pedro Novo, directeur Financement export de Bpifrance, pendant la première table ronde : « il faut se détendre ». En d’autres termes, il faut avoir « confiance en soi, même si l’export, c’est difficile ».
Revenant sur le thème de la logistique, Stéphane Layani a estimé qu’il ne faut « pas éluder » la question du transport. « Le camion est incontournable, a-t-il précisé, mais, en même temps, la voie fluviale va être essentielle ». Et d’annoncer qu’il « souhaite faire une zone de transport combiné avec la Sogaris à Rungis pour remplir un gros besoin sur le Nord de la France ». Ce serait notamment l’occasion pour les camions reliant directement le sud et le nord du continent « de faire une petite halte à Paris ».
« L’Ania peut être le lieu de rencontres entre transporteurs et industriels », a ajouté le P-dg de Semmaris, avant d’aborder le sujet des normes sur le froid et les produits frais. « On a l’impression que les grands accords internationaux sur le bon usage de la chaîne de froid ne sont pas suffisamment respectés ». Selon lui, « il ne faut rien lâcher ». Il ne croit donc « pas à un désarmement français » avant la bonne application des normes internationales.
François Pargny
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