Les consommateurs sont-ils désenchantés ? Plus qu’avant, certainement, les scandales alimentaires de ces dernières années les ayant rendu méfiants et parfois sceptiques. « Les consommateurs sont de plus en plus persuadés que l’alimentation peut engendrer des risques pour la santé. Il s’agit de l’évolution la plus massive que nous constatons depuis la première étude que TNS Sofres a réalisée sur le comportement des consommateurs en 2012 », a exposé Pascale Grelot-Girard (sur notre photo avec Nicolas Trentesaux, directeur du Sial), directrice Innovation et compréhension des marchés de TNS Sofres, le 6 septembre lors de la conférence Sial Innovation organisée un peu plus d’un mois avant la tenue, du 16 au 20 octobre à Paris Nord Villepinte, du Salon international de l’alimentation (Sial).
Chine et Russie : chute de la confiance dans la qualité des produits
De façon concrète, en 2012, « la moitié des consommateurs nous parlait d’un risque de nuisance. Ils sont maintenant les deux tiers », a précisé la responsable de la société de marketing et d’étude. Il s’agit de sa troisième enquête exclusive pour le Sial portant sur des consommateurs de 14 pays : France, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Russie, États-Unis, Chine, Indonésie, Malaisie, Emirats arabes unis, Arabie Saoudite, Bahreïn, Oman et Qatar. La connaissance de ces différentes nations est essentielle (voir le détail dans le fichier en pdf), car les différences d’un État à l’autre peuvent être considérables.
Ainsi, pourrait-on penser que les consommateurs ont moins confiance dans la qualité des produits, puisque le taux entre la première et la troisième étude de TNS Sofres est passé de 85 à 83 %. En vérité, il a progressé au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne ou encore au Moyen-Orient, mais deux pays à eux seuls expliquent la baisse générale, la Chine et la Russie qui ont enregistré de forts reculs (respectivement – 9 et – 6 points).
Risque sanitaire croissant, confiance plus ou moins forte dans la qualité de l’offre selon les pays, les consommateurs sont donc aspirés par des produits qui leur donnent des garanties, comme le bio (53 % des consommateurs au lieu de 48 % en 2012 essaient d’en consommer) et les « sans », notamment « sans antibiotiques » (73 %) et « sans huile de palme » (56 %).
Pour autant, il n’est pas question de sacrifier le goût. La qualité gustative est le premier critère de choix pour 58 % des consommateurs et, dans certains États, ils sont prêts à s’offrir « un petit luxe », « un pur moment de plaisir », notamment en Russie (83 %), mais aussi au Royaume-Uni (77 %), en Espagne (76 %) et en Allemagne (75 %).
La demande croissante de produits naturels
58 % encore sont prêts à découvrir une nouvelle offre, les moins curieux étant les Allemands (45 %) et les plus à la recherche de variété les Moyen-Orientaux (71 %). Reste que les biens alimentaires à base d’algues ou les insectes ne se retrouvent pas dans les assiettes, sauf dans les régions où ils appartiennent à la culture de la table, en l’occurrence l’Asie.
« Manger mieux exige, au demeurant, des produits simples parce que s’ils sont pour les deux tiers des consommateurs synonymes de sécurité alimentaire », a souligné Pascale Grelot-Girard. Comme ils craignent les ingrédients suspects, ils sont aussi plus attentifs à l’origine et à l’information nutritionnelle. La naturalité gagne du terrain, avec des produits locaux, « sans », ayant suivi des circuits courts (ferme, coopérative…) ou issus de sa propre production.
« Les alicaments sont définitivement morts. Place à la naturalité, seafood, légumineuses ou protéines », a commenté Xavier Terlet, fondateur du cabinet XTC word innovation, qui a réalisé pour le Sial son traditionnel panorama mondial de l’Innovation. Et de citer, par exemple, parmi les innovations qui seront présentés au salon, Captain Kombucha une boisson aux probiotiques, naturellement pétillante, de la société slovaque Health Marine Kombucha, fabriquée à partir de feuilles de thé et de sucre de canne biologiques. « Ce produit, destiné au départ pour la Suisse, l’Allemagne et un peu les États-Unis, est adressé maintenant à tous », a expliqué Xavier Terlet.
Les Français plus raisonnables en raison de la situation économique
« Sur les 7 000 exposants en provenance de 104 pays cette année, 55 % seront européens, la France étant la première nation participante avec une part de 15 % », a détaillé Nicolas Trentesaux, le directeur du Sial. Par rapport aux autres nations de l’étude de TNS Sofres, l’Hexagone « présente trois particularismes », selon Pascale Grelot-Girard. Les consommateurs demandent du plaisir, mais la situation économique les incite à être plus raisonnables. Résultat : de 83 % à se permettre « un petit plaisir » en 2014, ils sont passés à 77 % deux ans plus tard.
Autre particularité, « une hypersensibilisation au risque alimentaire ». Ils sont 79 % à craindre pour leur santé, soit 20 points de plus qu’en 2014, « ce qui est un écart considérable et un niveau beaucoup plus élevé que dans le reste de l’Europe et aux États-Unis », a pointé Pascale Grelot-Girard. Troisième élément, le digital. A égalité avec les autres Européens et les Américains, en revanche, ils sont en retard dans l’utilisation d’Internet pour les achats et les interactions avec les marques alimentaires par rapport aux Asiatiques et Moyen-Orientaux.
François Pargny