Proche du Liban pour son goût pour les plaisirs de la table, la France y a une réputation très avantageuse dans l’agroalimentaire. À faire fructifier ! Pour autant, les opportunités ne s’arrêtent pas là. Le pays du cèdre se dote d’infrastructures dans les BTP ou encore les technologies de l’information et la communication.
En mars sur le blog du Fonds monétaire international (FMI), Annalisa Fedelino, chef de mission du FMI pour le Liban pointait le « très faible niveau de l’investissement public », alors qu’il est nécessaire de « mettre à niveau » des « infrastructures déficientes ». Une situation liée à l’ajustement budgétaire rendu indispensable par l’explosion de la dette publique représentant dorénavant « près de 140 % du PIB (produit intérieur brut) ».
Du coup, selon elle, l’investissement public ne compterait que pour 1,5 % dans le PIB. Si l’on ajoute à cela, la lourdeur des processus de décision, qui transforment les grands projets nationaux en serpents de mer, il y a de quoi effrayer les entrepreneurs étrangers, surtout ceux à la tête de petites structures, qui ont alors plus intérêt à se tourner vers le secteur privé. Quoi qu’il en soit, s’ils s’intéressent à des projets publics, les opérateurs de l’Hexagone devront se livrer à une veille, que seul pourra réaliser en général un partenaire local. Un support à ne pas négliger, surtout s’il possède un réseau et peut répondre efficacement aux appels d’offres.
Parmi les projets nationaux dont l’actualité est friande, figurent l’extension ou la réalisation d’une nouvelle centrale électrique à Jiyeh ou encore la construction pour l’aéroport de Beyrouth de l’enceinte de l’aéroport et la modernisation du tapis de transport des bagages. Pour sa part, Annalisa Fedelino exhorte le gouvernement à accroître l’implication du secteur privé dans les infrastructures en légiférant sur les partenariats public-privé (PPP). Malgré l’atonie de l’économie, le secteur privé conserve un certain dynamisme, concrétisé par des investissements de renouvellement d’équipements ou d’unités de production dans les embouteillages ou le mobilier. Mais c’est aussi dans la demande de biens courants que les entreprises françaises pourraient répondre. D’après Coface, « la consommation devrait se maintenir en 2016 », ce qui « bénéficiera aux importations qui comptent pour plus de 70 % du PIB ». Et ce, en dépit du fait que « les moteurs de croissance habituels que sont les services financiers, le tourisme et l’immobilier continueront de souffrir de la détérioration de la confiance des ménages et des entreprises ». L’an dernier, les importations libanaises s’établissaient à 18,1 milliards de dollars, dont 19 % d’hydrocarbures.
Dans le contexte mouvementé du Liban, tant national que régional, les entreprises françaises, pense-t-on chez Business France, devraient plutôt se concentrer sur quelques secteurs d’activité : agriculture-agroalimentaire, santé, BTP-second œuvre. Ce qui n’exclut pas le reste, notamment les biens de consommation. Les Libanais sont toujours très friands d’innovation de l’Occident et les supermarchés libanais, mais aussi Monoprix ou Carrefour implanté depuis trois ans, proposent des produits de l’Hexagone. De même, le luxe à la française a toujours la cote. Parfums, cosmétiques et prêt-à-porter sont toujours recherchés par une population à 86 % urbanisée. Dans les biens de consommation, 70 % des produits sont importés. Dans les parfums et cosmétiques, la France est numéro un avec une part de marché de 30 %. La santé est encore un secteur florissant. Le Liban possède de nombreux spas. Le savoir-faire de la France, leader également dans le bien-être de la personne, est reconnu.
Comme L’Oréal, dans la pharmacie, Sanofi a choisi le Liban comme base régionale. Tous les grands laboratoires français opèrent, au demeurant, sur place. Nombre de médecins libanais étant formés dans l’Hexagone, ils sont dans leur pays des prescripteurs privilégiés de produits tricolores.
Agriculture-agroalimentaire
De la modernisation des équipements aux niches alimentaires
« L’agriculture a beau ne plus représenter que 5 % du produit intérieur brut, 30 % des acteurs en tirent des revenus et la modernisation du secteur est lancée », note Henri Castorès, conseiller commercial et directeur de Business France Liban. De façon concrète, la demande augmente en ce qui concerne les équipements pour améliorer les rendements, la productivité et la qualité des produits dans l’élevage, la production laitière, fruitière, mais aussi en aval dans le stockage ou l’emballage.
« Dans l’agroalimentaire, la France possède également une bonne image. Mais comme la plupart des produits finis sont déjà présents sur le marché, il faut viser des niches », explique encore Henri Castorès. C’est le cas de la société Cur’Caraïbes, originaire des Antilles. Ce fabricant de sirops à base de gingembre ou de curcuma était l’un des 385 exposants du dernier salon de l’hôtellerie et de la restauration à Beyrouth Horeca (5-8 avril). « Les Libanais aiment la cuisine occidentale, les produits français. Malgré les événements, les restaurants à Beyrouth sont toujours pleins, les Libanais boivent du vin et pas seulement local. S’agissant des vins étrangers, la France est leader avec une part de marché variant entre 50 et 60 % », souligne le directeur de Business France Beyrouth. Tous les ans, au salon Horeca, un espace France est monté par le Mouvement des entreprises et représentations économiques françaises au Liban (Meref).
Biens de consommation
Le succès du bio et des franchises
Produits allégés, fromages, boulangerie-pâtisserie, le consommateur libanais est curieux de tout. Preuve en est l’explosion du bio, qui se caractérise par l’émergence de franchises à l’instar de La Vie Claire qui possède un magasin de 70 m2 à Beyrouth, vendant épicerie fine, fruits et légumes, pain frais et produits sans gluten bio, écoproduits et articles de bien-être et santé. Les franchises françaises ont, au demeurant, le vent en poupe dans les biens de consommation. Tout secteur confondu, elles seraient une centaine, allant de Paul et Ladurée à Celio et Jacadi, en passant par BHV.
BTP-second œuvre
Un salon spécialisé pour se construire une place
« Faute d’une économie florissante au Liban, beaucoup de grands projets sont mis à mal. Le tourisme a aussi baissé, mais le BTP représente quand même 10 % du produit intérieur. Actuellement, ce sont surtout des petits projets résidentiels ou de taille moyenne qui sont exécutés », souligne Henri Castorès, conseiller commercial et directeur Business France Liban, qui monte chaque année un Pavillon France à Project Lebanon, le plus ancien salon des BTP de la région qui se tient à Beyrouth (prochaine édition : 31 mai-3 juin). En 2015, 487 exposants de plus de 20 pays ont présenté leurs derniers produits et services à plus de 20 000 visiteurs.
À vocation internationale, le Salon des matériaux et équipements de la construction au Liban et au Moyen-Orient (Project Lebanon) accueille ainsi en moyenne une trentaine de sociétés de l’Hexagone, des PME comme de grandes entreprises (Somfy…) qui composent le stand collectif le plus important du salon. « C’est un secteur très demandeur de produits français, justifie Henri Castorès, et qui s’inspire de notre réglementation, par exemple en matière de contrôle technique et de la qualité, ce qui est favorable à nos spécialistes de la conformité et la certification ».
TIC
De nouvelles connexions pour l’écosystème numérique
Le marché des technologies de l’information et la communication (TIC) est en pleine expansion. D’après les derniers chiffres disponibles, il aurait représenté 400 millions de dollars en 2013, un chiffre englobant autant les équipements que les logiciels et services. En 2010, le ministère des Télécommunications avait envisagé le remplacement de la fibre cuivre par la fibre optique et l’élargissement de la couverture téléphonique à la 4 G.
L’installation toute récente de nouveaux centraux devrait maintenant permettre le développement du très haut débit d’ici 2020 dans tout le pays. Aujourd’hui la situation est encore un peu paradoxale car, si 80 à 85 % de la population possède un téléphone portable, la 4G ne fonctionne qu’à Beyrouth.
Le Liban possède des ingénieurs de qualité, lesquels travaillent en partie aux Émirats arabes unis ou en Jordanie. Le 17 mars dernier à Paris, la Chambre de commerce franco-libanaise a organisé un séminaire de rencontres d’entreprises numériques françaises et libanaises avec Investment Development Authority of Lebanon (Idal). « Les partenariats sont souhaitables entre entreprises avec des développements complémentaires et à la recherche de services. Et, pour les sociétés françaises plus particulièrement, l’intérêt de passer par le Liban est, par exemple, de pouvoir y travailler en arabe », pointe Henri Castorès, conseiller commercial et directeur de Business France Liban.
Le pays du cèdre dispose, déjà depuis 2001, avec Berytech, d’un incubateur et de centres de développement des entreprises innovantes. Fondé par l’Université Saint-Joseph de Beyrouth il est accrédité Business Innovation Center (Bic) par l’Union européenne. En matière de capital-risque, le Berytech Fund finance les startups et les PME. En septembre 2012, Berytech a contribué à l’avènement de Beirut Digital District (BDD), un ensemble de bâtiments intelligents qui accueillent les entreprises innovantes. L’objectif final est de construire une communauté d’affaires des sociétés numériques et que BDD devienne un hub pour ces entreprises d’ici fin 2018. Tout récemment, l’application française de transport eCab, start-up internationale fondée par G7 à Paris, s’est alliée à la compagnie libanaise Allo Taxi pour sa commercialisation sur place. À Beyrouth, l’École supérieure des affaires (Esa), qui dépend de la CCI Paris Ile-de-France, lance un incubateur pour aider une dizaine de jeunes entreprises numériques pendant une période de neuf mois et un accélérateur pour celles encore au stade de l’idée et du concept. L’incubateur, appelé Smart Esa, qui représente un investissement de cinq millions de dollars sur cinq ans, s’inscrit dans le prolongement de la French Tech, label lancé par le gouvernement en 2013 afin d’encourager le développement d’un écosystème favorable à la création d’entreprises.
François Pargny