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Guide business Côte d’Ivoire 2016

Le pays de l’Éléphant a repris sa marche en avant. Agriculture, construction, services y contribuent. En raison des échéances de sa dette, la Côte d’Ivoire va devoir, toutefois, compter sur la participation du secteur privé. Des opportunités pour les investisseurs étrangers, à condition que l’environnement des affaires, assombri par la corruption, s’améliore. Revue de détails.

 

Quatre ans après la fin de la crise politique en Côte d’Ivoire, Abidjan, la capitale économique, a bien changé. Si le quartier d’affaires du Plateau s’est plutôt vidé de ses commerces, d’autres, en revanche, sont devenus des lieux de vie courus de jour comme de nuit. Cinémas, restaurants, cafés, boulangeries-pâtisseries, grandes surfaces ont ainsi ouvert à Deux Plateaux, au nord du Plateau et de Cocody, ou à Zone 4, au sud d’Abidjan, signes d’une reprise sensible, après trois années de rattrapage. « On ne pensait pas que l’économie rebondirait si vite et les perspectives sont bonnes pour 2016 et 1017 », se réjouit ainsi le chef économiste de la Banque africaine de développement (Bad) pour la Côte d’Ivoire, Pascal Yembiline, qui cite les bonnes performances de l’agriculture (manioc, cultures vivrières, cacao avec, notamment le lancement du cacao Mercedes, « un produit à circuit court qui fait gagner quatre ans »), la construction de logements et le boom des services (téléphonie mobile, e-banking, commerce…).

« La Côte d’Ivoire est non seulement le premier producteur mondial de cacao, avec une part de 35 %, mais son taux de transformation global atteint aujourd’hui 30 % et elle est devenue également le premier producteur mondial d’anacarde devant l’Inde et le numéro trois africain pour le coton », note, de son côté, Frédéric Choblet, chef du Service économique régional (SER), basé à Abidjan.

L’engouement est réel autour de la première puissance économique de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), avec une part de 35 %. Les investisseurs reviennent. Preuve en est que le Maroc a dépassé la France en flux en 2015, d’après le Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire (Cepici), guichet unique pour les investisseurs. Les 16 et 17 mai prochains, un groupe consultatif avec les bailleurs de fonds sera réuni à Paris. Un enjeu bien supérieur à ce qu’il paraît au premier abord. L’Éléphant africain, présentera aux bailleurs de fonds ses priorités (la transformation industrielle…), les secteurs à privilégier (infrastructures, tourisme, formation professionnelle, secteurs sociaux…), et les projets qu’il entend entreprendre dans le cadre de son deuxième Plan national de développement (PND) 2016-2020. Il pourrait être représenté par son président, Alassane Ouattara, ce dernier ayant annoncé de longue date que son pays devait devenir une économie émergente à l’horizon 2020, date de la fin de son second et dernier mandat.

Pour faire tourner le moteur de l’investissement pendant la reprise, l’État n’a pas hésité à offrir des conditions avantageuses aux opérateurs, ce qui pèse évidemment sur le budget. « En fait, expose Pascal Yembiline, le problème n’est pas la dette – 40 % du produit intérieur brut (PIB) – ce qui est supportable, mais comme les échéances ont régulièrement été repoussées, le gouvernement va se retrouver avec une concentration de remboursements au milieu des années 20 ». Il est donc essentiel à Paris qu’Abidjan persuade les investisseurs privés d’accélérer leurs engagements. D’ailleurs, le gouvernement a prévu dans les orientations stratégiques du PND que le secteur privé devra contribuer à hauteur de 60 % du montant global de plus de 29 200 milliards de francs CFA (environ 45 milliards d’euros). Comment faire, quand la corruption est si élevée, « généralisée à tous les niveaux, trois fois plus élevée qu’avant la crise », selon un industriel, et que « l’éducation et la justice sont en déliquescence », selon un observateur économique ?

« La corruption n’est pas plus forte qu’avant, mais c’est certain que si nous ne la maîtrisons pas nous n’atteindrons pas les objectifs ambitieux du PND », tempère Jean-Marie Ackah, président de l’Union des grandes entreprises industrielles et vice-président chargé de l’industrialisation à la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI). D’après le baromètre conjoncturel 2015 de la Chambre de commerce et d’industrie française (CCIF CI), sondage réalisé entre le 6 janvier et le 11 février 2016 auprès de 145 entreprises (dont 70 % de PME/ PMI), 86 % constatent « une augmentation sensible du phénomène de la corruption » et 11 % seulement « pensent que l’État œuvre ardemment à sa répression ».

En privé, la communauté d’affaires, ivoirienne et étrangère, n’hésite pas à dénoncer « les pratiques douteuses » de certains ministres reconduits à leur grande surprise lors du dernier remaniement ministériel, sans doute pour des raisons politiques, à l’approche des élections législatives (octobre-novembre). Pour ses marchés, l’État aurait bien consenti un effort en adoptant la procédure des appels d’offres internationaux, mais, dans la pratique, confie-t-on chez un bailleur de fonds, si le nombre de marchés de gré à gré a diminué depuis 2012, leur poids en valeur a grandi, passant de 22 % en 2014 à 30,5 % des marchés publics l’an dernier.

Il est, toutefois, possible d’échapper à la corruption. Pour cela, « il faut réaliser pour chaque projet une cartographie des acteurs clés de décision et d’influence. Seul un correspondant local peut pallier le manque de transparence en recueillant à la source des informations fiables, actualisées et contextualisées pour s’appuyer sur les interlocuteurs utiles au cœur de l’exécutif et du législatif, être pris au sérieux et éviter les pièges, faire un état de la concurrence et de la règlementation », conseille Jean-Michel Lavoizard, directeur général d’Aris (Advanced Research & Intelligence Services), société privée d’intelligence économique et d’investigation basée à Abidjan et à Lagos, active en Afrique.

La corruption nuit aussi à la redistribution sociale dans un pays où 40 % des jeunes sont des chômeurs. Si à Abidjan « Dieu ne dort jamais », expression utilisée pour dire qu’il n’y a pas de hasard, il y a aussi « l’émergence m’a tout pris ». Malgré la forte croissance économique, le produit intérieur brut reste modeste (voir chiffres clés, ci-dessous). En outre, selon l’institut Audace, les populations s’appauvrissent dans les campagnes. Ce think tank basé à Abidjan vient de publier une étude sur le foncier rural. « Comme il n’y a que 4 % des terres rurales immatriculées, remarque la directrice Gisèle Dutheuil, nous proposons à l’État d’organiser les communautés villageoises et, de façon à sécuriser les investisseurs, de développer une contractualisation avec les propriétaires coutumiers ».

Outre les élections, 2016 devrait être marquée par la réforme constitutionnelle, qui aboutirait à la création d’un poste de vice-président, et par la tenue des procès de l’ancien couple présidentiel, Laurent et Simone Gbagbo et du « général » des Patriotes Charles Blé Goudé. « Retransmises à la télévision, les séances au Tribunal pénal international de La Haye sont forts suivies dans les quartiers populaires et certains Français commencent à constater un « certain ressentiment à l’encontre de la France », rapporte ainsi un opérateur français. Pour autant, les risques de déstabilisation du régime en place ne semblent plus exister. D’abord, parce que, malgré le malaise créé par les procès, l’opposition politique est aujourd’hui faible et fragile. Ensuite et surtout, le président de la République a réussi son pari de ramener globalement la paix et la sécurité.

« Le processus d’intégration des anciennes milices est aujourd’hui irréversible », soutient le général Clément-Bollée, qui a assisté le directeur de l’Autorité pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (Addr) de Côte d’Ivoire dans le cadre du programme DDR de trois ans soutenu par les bailleurs de fonds (Nations Unies, Bad, Union européenne, Japon, Belgique…). Le DDR a permis de former 70 000 ex-combattants et de leur trouver un emploi, notamment dans de grandes entreprises, comme Bolloré (formation de chauffeurs) et KPMG (comptables), mais surtout en leur permettant de s’engager dans une petite activité formelle, avec, au départ, un appui financier.

La véritable menace aujourd’hui pour Abidjan est la crise sahélienne. Après les attentats perpétrés au Mali et au Burkina Faso, la Côte d’Ivoire vient d’être touchée. Et après ceux de Grand Bassam (16 morts), il n’est pas certain que ces actes terroristes soient les derniers.

De notre envoyé spécial François Pargny

Chiffres clés

Superficie : 322 463 km2
Population : 23,7 millions d’habitants, dont 5,5 millions d’étrangers
Produit intérieur brut (PIB) : 32 milliards de dollars en 2015
PIB par habitant : 1 319 dollars
Croissance économique (*) : 8,6 % (e) en 2015, 8,5 % (p) en 2016
Inflation (*) : 1,2 % (e) en 2015
Importations (**) : 8,4 milliards d’euros en 2014, 9,4 milliards en 2015
Exportations (**) : 9,6 milliards d’euros en 2014, 11,3 milliards en 2015

Sources : Service économique, sauf (*) estimations et projection du FMI ; (**) GTA (groupe IHS).

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