Organisé le 30 mars dernier à Bruxelles, pour la première fois depuis quatre ans, le sommet entre l’Union européenne (UE) et l’Inde a jeté les bases d’un « partenariat revigoré » entre les deux blocs, se félicite-t-on au sein des instances communautaires. Après des années de crispation, le dialogue a donc été renoué avec un agenda « qui dépasse de loin les seules sphères commerciales et politiques », analyse Gauri Khandekar, directeur du Global Relations Forum, un think-tank indo-européen basé à Bruxelles.
Un prêt de 450 millions pour le métro de Lucknow
Les trois leaders – Narendra Modi, le Premier ministre indien et, côté européen, Donald Tusk et Jean-Claude Juncker, respectivement président du Conseil et président de la Commission européenne – ont adopté, à l’issue de ce sommet, une feuille de route d’ici à 2020 fixant un nombre limité de priorités susceptibles de relancer le partenariat stratégique moribond scellé en 2004. Les objectifs affichés sont ambitieux : 41 volets au total sont recensés dans la déclaration finale en vue de renforcer la collaboration entre les deux géants dans une vaste gamme de domaines, allant de la lutte contre le terrorisme à l’agenda numérique en passant par une meilleure synergie entre les entreprises des deux blocs, y compris les PME.
Au delà des ambitions, cette réunion bilatérale a aussi permis plusieurs avancées concrètes comme la signature d’un prêt de 450 millions d’euros par la Banque européenne d’investissement (BEI), afin de financer la construction du métro à Lucknow, une ville du nord de l’Inde. Des accords dans les domaines des énergies renouvelables ou de l’eau ont également été signés, prévoyant notamment une aide européenne pour la dépollution du Gange, projet pharaonique lancé par le Premier ministre indien.
Quid de l’accord de libre échange ?
Mais si la déclaration finale du sommet atteste d’une volonté politique forte de relancer des projets communs, elle fait peu mention de l’accord de libre-échange dont les négociations ont été lancées en 2007 avant d’être interrompues en 2013. Les deux parties reconnaissent pourtant les avantages potentiels d’un pacte commercial bilatéral. Pour l’UE, il ouvrirait les portes à un marché de 1,250 milliard d’habitants dans un pays qui a connu une croissance forte au cours de ces dernières années. « En 2015, l’Inde a détrôné la Chine en devenant la grande économie à la croissance la plus rapide. L’augmentation du PIB ayant connu un boom de 7,6 % », souligne Gauri Khandekar.
Côté indien, le plan de relance économique, lancé par Narendra Modi à son arrivée au pouvoir en 2014, nécessite l’apport de capitaux étrangers. Or l’Europe est le premier investisseur étranger en Inde, avec des stocks d’investissements évalués à 38,5 milliards de dollars en 2014. L’Inde a besoin de ces investissements autant que de l’expertise européenne, notamment dans les domaines de l’urbanisme et de l’énergie propre.
Autant de raisons objectives qui n’ont cependant pas permis de dissiper les désaccords entre les deux blocs. Alors que New Delhi veut protéger son secteur automobile, les Européens exigent la réduction des tarifs douaniers sur ses voitures « Made in EU ». Les entreprises européennes se plaignent aussi des obstacles rencontrés dans l’accès au marché indien des technologies de l’information et de l’électronique. De leur côté, les Indiens dénoncent les normes européennes qui limitent l’entrée de produits « Made in India » dans le marché unique. L’Inde est également préoccupée par les restrictions à la mobilité des travailleurs qualifiés indiens au sein de l’Union.
Aplanir les différends
Au delà de ces obstacles, « le niveau d’ambition » diffère lui aussi à New Delhi ou à Bruxelles, relève Gauri Khandekar. « Alors que l’UE vise un accord complet et global qui permettrait la levée des droits de douane sur 95 % des biens, l’Inde semblerait se contenter d’un accord imparfait susceptible d’être amélioré au cours du temps », explique le chercheur. Celui- ci estime néanmoins que le sommet bilatéral et la relance du partenariat global entre les deux blocs constitue une étape déterminante en vue de la reprise des pourparlers.
Même son de cloche à la Commission européenne où l’on rappelle les récentes réunions, au niveau technique, pour aplanir les différends et envisager la relance du processus de négociation. Même si jusqu’ici peu de progrès ont été accomplis, le contexte est désormais jugé plus favorable, comme l’a souligné Tomasz Kozlowski, l’ambassadeur de l’UE à New Delhi , dans une interview accordée au quotidien indien The Hindu, « Nous avions besoin de ce signal politique fort et de ces engagements clairs des deux côtés pour mieux définir les axes prioritaires de notre coopération », se félicite le diplomate.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles