Dans un communiqué adressé dans la soirée du 23 mars à la Lettre confidentielle, Boris Lechevalier, vice-président de l’OSCI (Opérateurs spécialisés du commerce international) indique souhaiter « réagir à la ‘déclaration d’amour‘ que Philippe Richert aurait faite aux représentants des CCI le 23 février, tout comme à la revendication de position dominante assumée en retour par André Marcon ». S’exprimant au nom des sociétés privées d’accompagnement à l’international (SAI), de gestion export et de commerce international membres de l’OSCI, celui qui est aussi le cofondateur de la SAI française leader, Altios International, n’a ainsi pas apprécié les propos du nouveau président de l’Association des régions de France (ARF) et de la grande Région Alsace Champagne-Ardenne Lorraine, et ceux du président de CCI France, prononcés en clôture de l’assemblée générale de l’organisation consulaire, le 23 février dernier, et dont la Lettre confidentielle avait rendu compte dans son édition du 25 février (voir Régions / International : Philippe Richert pour une coopération renforcée avec les CCI).
Pour rappel, Philippe Richert avait notamment appelé à « un renforcement des coopérations » entre les régions et les organismes consulaires sur les dossiers du développement économique, de l’innovation et de l’internationalisation, et le second avait positionné le réseau consulaire en partenaire privilégié des Régions dans ce domaine, souhaitant notamment, en matière d’internationalisation, « que le maximum d’implantations qui seront faites avec le soutien des régions le soient par CCI International ».
«L’heure est à notre avis davantage à la spécialisation et aux synergies…»
Boris Lechevalier s’étonne de ces propos : « On ne peut en effet qu’être surpris par une si étrange et symétrique ignorance des pôles de compétences majeurs disponibles en France, tant au sein des acteurs publics (Business France, BPI France) que des acteurs privés (Fédérations professionnelles, les entreprises membres de l’OSCI) ; en effet, on imagine mal aujourd’hui vouloir aider les entreprises françaises à exporter en ignorant la mise en réseau de différentes compétences que le principe d’efficacité commande d’organiser. Car l’heure est à notre avis prioritairement à la spécialisation et aux synergies, pour couvrir tout le spectre des services et aider chaque producteur français à devenir un exportateur, plutôt qu’à l’exclusivité avec un réseau particulier. On aurait ainsi pu espérer de la part de Monsieur Richert l’affirmation d’une volonté politique de mobiliser ces compétences et de créer des synergies, plutôt qu’un appel suranné au seul ‘renforcement des coopérations entre les Régions et les organismes consulaires sur les dossiers liés à l’internationalisation‘ des entreprises. »
Le vice-président de l’OSCI, qui affirme que ses membres -SAI, sociétés de commerce, sociétés de gestion export- contribuent « chaque année à plus de 120 milliards d’Euros d’exportations » et proposent aux entreprises qui s’internationalisent « une offre complète de services opérationnelle sur près de 130 pays », estime que « beaucoup de régions l’ont déjà compris, et depuis longtemps ».
Et de citer quelques exemples : « La Région Champagne Ardennes a pu ces 6 dernières années s’appuyer aussi bien sur les compétences des acteurs privés qu’elle a pris la peine de référencer, que sur celles de Business France ou des CCI; l’objectif étant d’arbitrer de façon intelligente et efficace le choix des intervenants (public, consulaire, privé) en fonction des besoins des entreprises et des compétences avérées des uns et des autres. L’Aquitaine, La Bretagne, Paris Région Entreprises (PRE), ont aussi développé leurs modèles sur ce même principe, comme pourraient le faire la grande Région EST ainsi que les nouveaux exécutifs des nouvelles grandes Régions ».
Pour cet acteur privé de l’accompagnement à l’international, « il s’agit d’une position de bon sens, qui s’appuie sans exclusive ni a priori sur l’ensemble des forces vives du dispositif de l’accompagnement à l’international », « la valeur ajoutée des services des Régions consistant dès lors à comprendre les besoins des entreprises, créer la confiance avec ces dernières, les orienter vers les réseaux de compétences qu’ils auront validés et référencés, faire le suivi de la qualité des services et de l’efficacité des démarches ».
« Comment peut-on justifier que les CCI soient à la fois juge et partie … »
Concernant le président de CCI France et le réseau consulaire qu’il représente, la charge de Boris Lechevalier est encore plus vive. « M. Marcon explique pour sa part que les CCI doivent ‘occuper leur place toute leur place ‘. C’est clair que les CCI ont leur place ; mais laquelle ? » interroge-t-il.
Avant de détailler : « S’agit-il de verrouiller le marché de l’accompagnement export comme on l’observe dans la Région Nord Pas de Calais depuis quelques années ? Dans cette région, en effet, le dispositif régional est à ce point phagocyté par la CCI qu’une société exportatrice qui souhaiterait s’assurer le concours d’une société privée d’accompagnement international (SAI) et bénéficier du soutien financier prévu à cet effet par la Région se verrait dans l’obligation de signer une Convention avec la CCI qui placerait cette SAI en sous-traitant de la CCI. Aucun opérateur privé ne peut accepter cela : si vous avez gagné un client, ce n’est pour l’apporter à la CCI et en devenir le sous-traitant ! »
Le vice-président de l’OSCI ne mâche pas ses mots : « C’est un exemple flagrant – parmi bien d’autres – où les CCI ont instrumentalisé les processus de subvention des Régions au profit de la vente de leurs services, en captant des clients des autres prestataires, parfois par exemple en incluant des formations ou des audits dans les processus de subvention, lesquels sont autant d’occasions de détourner le client de son intention initiale de travailler avec un opérateur privé », assène-t-il avant d’interroger encore : « Comment peut-on justifier que les CCI soient à la fois juge et partie dans ces processus, et s’immiscent ainsi dans les relations opérationnelles entre des sociétés privées ? Comment ne pas voir, en même temps, qu’un tel parcours imposé écarte d’entrée de jeu les entreprises les plus mûres, celles qui détiennent les plus forts potentiels de croissance à l’international et donc d’emploi, mais qui évidemment n’ont plus besoin de se former ou de se faire auditer par les CCI ?»
Au final, Boris Lechevalier n’hésite pas à ressortir le chiffon rouge de l’Autorité de la concurrence, que l’OSCI avait déjà saisie en 2013, à l’époque avec en ligne de mire les anciennes agences nationale Ubifrance et rhônalpine Erai*. « Une éventuelle hégémonie des CCI dans une région donnée, outre qu’elle est manifestement contre-productive, serait également probablement illégale » estime l’OSCI, ajoutant : « M. Richert ne peut ignorer l’Avis de l’Autorité de la Concurrence du 31 juillet 2014, qui précise que les services d’accompagnement international des entreprises constituent un marché, que le droit de la concurrence s’y applique, que les alliances qui créent des positions dominantes y sont strictement interdites, que les prestataires de services ne peuvent être instructeurs de subventions, etc. »
Et de conclure, en veillant à tendre une main néanmoins avenante aux exécutifs des Régions dans la perspective de l’élaboration des futurs Schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) : «L’OSCI a la culture du résultat, car ce sont les ventes de nos clients qui conditionnent l’essentiel de nos revenus ; elle souhaite assurer Mesdames et Messieurs les Président(e)s de Région de notre disponibilité pour contribuer de façon moderne et efficace aux réflexions menées dans le cadre de la rédaction des SRDEII ».
A suivre…
C.G
*Aides à l’export : l’Autorité de la concurrence épingle Ubifrance, Bpifrance et Erai