Dernier
épisode du conflit que se livrent Airbus et Boeing : l’organisation
mondiale du commerce (OMC) a confirmé dans un rapport rendu public lundi 12
mars son premier jugement, estimant que Boeing a bel et bien reçu plusieurs
milliards de dollars d’aides illégales. Une décision qui a réjoui Airbus. Mais
également l’avionneur américain !
Dans ce
rapport de 600 pages, les juges de l’OMC ont notamment confirmé que les aides
versées à la Nasa, l’agence spatiale américaine, avaient servi au développement
du Boeing 787 Dreamliner, causant ainsi un préjudice grave à Airbus. Sont
également épinglées les subventions et incitations fiscales consenties par les
Etats de Washington, du Kansas et de l’Illinois, ainsi que les aides versées
pour l’implantation de la première chaîne d’assemblage de 787, près de Seattle.
Ce qui n’a pas empêché Ron Kirk, le représentant au Commerce américain de qualifier la décision
de l’OMC de « fantastique victoire »
pour les Etats-Unis, ni Boeing de se réjouir de ce jugement.
En effet, en l’absence de chiffrage précis du montant de ces
aides et du préjudice subi, les deux parties se sont engouffrées dans une querelle
de chiffres. L’avionneur européen estime que l’organe d’appel a revu à la
hausse le montant estimé des subventions (au moins 5,3 milliards auxquels
s’ajouteraient « quelques autres milliards ») tandis que lui-même n’aurait
à rembourser que 1,7 milliard d’euros et aurait subi un préjudice de 45
milliards d’euros. Les Etats-Unis assurent quant à eux que leur champion
industriel a reçu quatre à six fois moins de subventions publiques que son
concurrent européen. Boeing accuse ainsi Airbus d’avoir touché quelque 18
milliards de dollars d’aide, et d’avoir ainsi perdu l’équivalent de 342
commandes.
Le débat est loin d’être clos puisque l’OMC a donné six mois
aux Etats-Unis et à l’Union européenne pour se mettre en règle avec ses
prescriptions. Ce qui donnera certainement lieu à une autre passe d’armes, nouvel
épisode d’une guérilla juridique entamée en 2004 et dont l’issue demeure
incertaine. L’OMC n’est pas un tribunal et n’a pas vocation à demander un
quelconque remboursement à une entreprise ou un pays. En attendant, les
avionneurs des pays émergents, à commencer par la Comac, financée à fonds perdu
par l’Etat chinois via la holding Avic, peuvent se frotter les mains. D’une part
parce que les dossiers de la procédure à l’OMC leur fournissent de précieuses
informations sur les stratégies et les technologies d’Airbus et de Boeing. D’autre
part parce que personne n’ose reprocher à la Chine, pourvoyeuse de juteux
contrats, de subventionner à outrance son industrie aéronautique.
Sophie Creusillet
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