Cet article sur le séminaire « Bercy Financements export » a fait l’objet d’une Alerte diffusée le 17 février à 8H00 auprès des abonnés de la Lettre confidentielle.
Le volontarisme du gouvernement en matière de soutien aux exportations ne se dément pas. Lors du séminaire Bercy Financements export 2016, qui a fait salle comble le 16 février avec plus de 400 personnes, les ministres financiers de Bercy, Michel Sapin et Emmanuel Macron, de même que Matthias Fekl, secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, ont multiplié les signaux positif à l’adresse des entreprises françaises, pour les inciter à aller saisir les opportunités de l’export. Leurs arguments ? Un arsenal de soutiens publics musclé, notamment en matière de financements export, que vient compléter une réforme des règles de part française réclamée de longue date par les exportateurs.
Les grandes réformes engagées l’an dernier, réalisées ou en cours, pour simplifier les instruments de financements export et développer l’arsenal des soutiens financiers ont été rappelées par les ministres et ont été commentées lors de tables rondes. Elles sont en effet nombreuses, nous les avons présenté en détail dans nos différentes publications ces derniers mois (voir en fin d’article) :
–refinancement des crédits export mis en place par la Sfil (pour les grands contrats supérieurs à 70 millions d’euros) ;
-lancement d’une activité de crédits export par la Bpifrance pour les petits montants (en prêteur seul de 5 à 25 millions d’euros, en cofinancement jusqu’à 75 millions d’euros) ;
-lancement de prêts du Trésor non concessionnels (montant de l’ordre de 10 à 70 millions d’euros) ;
-création d’un dispositif subsidiaire d’assurance-crédit export court terme pouvant être activé en cas de défaillance du marché privé sur des pays hors zone UE et OCDE ;
-lancement du chantier de transfert de la gestion des garanties publiques de Coface à Bpifrance pour simplifier le dispositif…
Réduction de 50 à 20 % de la part française exigible pour les garanties publiques
Ce qui n’a pas empêché le ministre de l’Economie, de l’industrie et du numérique de faire une nouvelle annonce qui devrait réjouir les exportateurs : le fort assouplissement des règles de part française dans les projets sollicitant un soutien public, une demande récurrente des entreprises depuis des années. « Nous avons décidé de réduire de 50 à 20 % le seuil d’éligibilité des projets aux garanties publiques » a précisé Emmanuel Macron, qui a ouvert la matinée.
Autrement dit, pour être éligible à une assurance-crédit export publique française, un projet de contrat d’exportation n’aura plus besoin de justifier d’au moins 50 % de contenu français (biens ou services) mais de seulement 20 %. Un abaissement de seuil substantiel qui, pour le ministre, doit permettre de soutenir « davantage de projets » dans un contexte marqué par l’internationalisation des chaînes de production de bon nombre d’entreprises françaises, en particulier à l’échelle européenne.
« Pour nous qui avons des lanceurs français et européens, plus les critères sont souples, mieux c’est » s’est réjoui Stéphane Israël, P-dg d’Arianespace, qui témoignait après le ministre de l’Economie. Si plus de la moitié d’Ariane 5 est fabriquée en France, le reste est ainsi réparti entre plusieurs pays d’Europe dont l’Allemagne, la Suisse, l’Italie, etc. Mais pour le lanceur Vega, autre engin sur lequel Arianespace intervient, la maîtrise d’œuvre est italienne, ce qui réduit la part française au-dessous de 50 %. Et Soyouz est russe. Pour Stéphane Israël, pas de doute : le renforcement de l’offre de crédit export français « renforce Arianespace dont le siège est en France » face à ses concurrents américain ou russe.
Une approche plus flexible dans l’instruction des dossiers
Précision importante, d’autres instruments ont également vu les seuils de part française exigible abaissés : de 60 à 50 % pour les prêts non concessionnels du Trésor et de 70 à 60 % pour les prêts concessionnels du Trésor.
Charles Sarrazin, sous-directeur du financement international des entreprises à la direction générale du trésor (DG Trésor) a pour sa part insisté sur le fait que ces modifications de seuil s’accompagnent de la mise en œuvre d’une approche plus flexible, au cas par cas, lors de l’instruction des dossiers de demande, avec « prise en compte de l’intérêt industriel pour compléter l’analyse », en incluant des paramètres tels que la R&D et la marge brute dégagée en France, par exemple, ainsi que la « possibilité de moduler le soutien en fonction de l’effort déployé en matière de sous-traitance en France ».
En matière de soutien à l’export, « avec Emmanuel, nous avons été je crois à l’écoute, le plus réactifs possible et je dirais même créatifs » a estimé le ministre des Finances et des comptes publics, Michel Sapin, en clôture de la matinée. L’année 2016 sera celle de la « consolidation de notre organisation publique » avec le transfert des garanties publiques de Coface à Bpifrance a-t-il indiqué, transfert qui est désormais annoncé pour le deuxième semestre, dès septembre selon les plus optimistes.
La PAC s’ouvre sans condition sur 6 nouveaux pays, dont l’Iran
Des signaux positifs ont également été adressés par le gouvernement aux exportateurs à travers la carte 2016 de la politique d’assurance-crédit export publique (PAC), marquée par des ouvertures et assouplissements en faveur de 14 pays émergents.
La PAC 2016 propose ainsi une « ouverture sans condition » sur six pays dont l’Iran, une destination prioritaire de la politique commerciale française depuis la levée des sanctions. Il s’agit en fait d’une réouverture après un accord sur les arriérés de dettes iraniens trouvée entre Coface-Direction des garanties publiques et la Banque centrale iranienne*. Cette réouverture, a tenu à préciser Charles Sarrazin, est effective « tant pour les acheteurs souverains que pour les acheteurs non souverains ». Reste à trouver des banques pour y aller…
Outre l’Iran, le Cambodge, les Fidji, Madagascar, le Mali et le Salvador bénéficie également de cette ouverture de la PAC sans conditions.
Sur la carte de la PAC 2016 mise en ligne sur son site par la DG Trésor, ces pays sont colorés en vert (cliquez sur www.tresor.economie.gouv.fr/File/421290).
Pour huit autres pays, la PAC a été assouplie, bien qu’ils restent en jaune sur la carte de la PAC 2016 : Bénin, Cuba, Guinée, Libéria, Nicaragua, Rwanda, Sierra Leone, Ukraine.
Concernant Cuba, a précisé Charles Sarrazin, il s’agit également d’une réouverture, mais elle concerne uniquement les acheteurs souverains pour l’assurance publique moyen et long terme et fait suite à un accord de renégociation de dette à moyen et long terme conclu en décembre dernier**. « Cuba était déjà ouvert au court terme depuis 1991 » a rappelé le haut fonctionnaire.
Des restrictions ont toutefois été décrétées sur cinq pays pour 2016, dues à la dégradation de leurs finances publiques et du risque pays, avec ouverture «sous condition» : Azerbaïdjan, Ghana, Cameroun. Elle fait l’objet de conditions plus restrictives pour le Suriname et le Venezuela. Mais un seul pays a été fermé : le Sud-Soudan, pays jeune en proie à une instabilité chronique (désormais en rouge sur la carte de la PAC).
L’an dernier, lors de la 1ère édition du même événement, Emmanuel Macron avait lancé aux entreprises : «c’est le bon moment pour prendre des risques» ***. Sans nier les «incertitudes» planant sur l’économie et le commerce mondiaux, entre le choc pétrolier et le ralentissement chinois, le ministre de l’Economie a néanmoins persisté et signé, estimant qu’il y avait encore un «alignement des astres» favorables aux exportateurs français : euro faible, taux d’intérêt bas, prix du baril de pétrole bas, ouverture au commerce de certains pays comme l’Iran et Cuba. Pour Bercy, l’Etat, pour sa part, a fait sa part du chemin…
Christine Gilguy
*Iran / Crédit export : accord pour la réouverture des garanties publiques par Coface
**Cuba / France : les priorités cubaines pour les entreprises françaises et les accords conclus
***Financements export : “C’est le bon moment pour prendre des risques” selon Emmanuel Macron
Pour prolonger :
– Bpifrance / Financements export : comment le capitaine Dufourcq embarque les PME et ETI sur son bateau.
–Aides/Financements export : ce qu’il faut savoir du transfert des garanties publiques de Coface à Bpifrance
–Financements export : le retour des “protocoles” du Trésor pour doper l’offre française dans les infrastructures
–Financements export : Bpifrance signe son premier crédit export pour un contrat au Mozambique