Sophistiqué et en plein développement, le marché taïwanais offre toute une série de possibilités d’affaires, de l’agroalimentaire à l’aéronautique, en passant par la silver économy. Le point sur quelques secteurs à cibler absolument.
Curieux et ouvert à la nouveauté, mais exigeant, le consommateur taïwanais dispose de revenus élevés, avec un produit intérieur brut (PIB) par habitant de 39 600 US$ (contre 35 800 pour la France en parité de pouvoir d’achat/PPA). « Il faut penser à Taïwan comme à un élément du même ensemble que la Corée du Sud et le Japon, qui sont des économies riches, au pouvoir d’achat élevé, et où les consommateurs ont un comportement sophistiqué », résume Christophe Legillon, directeur Taïwan de Business France. Par conséquent, ce qui marche dans l’un de ces trois pays a de fortes chances de réussir également dans les deux autres. « Taïwan est le plus petit marché des trois, mais aussi le plus maîtrisable et, par certains côtés, le plus facile à aborder. »
De façon concrète, Taïwan présente une large palette de secteurs pouvant intéresser les entreprises françaises, explique-t-on chez Business France. D’abord, l’alimentation. Dans ce domaine d’excellence de la France, la sécurité sanitaire et la traçabilité sont de réels atouts pour les producteurs français. La position des sociétés tricolores est, toutefois, différente selon les segments de marché. Ainsi, climat et habitudes alimentaires asiatiques font que les spécialités fromagères françaises n’ont pas encore une clientèle importante bien qu’on trouve du fromage pasteurisé d’importation dans tous les supermarchés.
En revanche, la France est le premier fournisseur de Taïwan pour les glaces importées, avec 50 % de parts de marché, et pour la crème fraîche, le 2e pour le beurre et les matières grasses, des produits dont la demande est en forte croissance. Quant à la récente ouverture du marché taïwanais aux produits porcins et à la volaille (y compris les foies gras) provenant de l’Hexagone, on s’attend à ce qu’elle se traduise par de belles commandes de charcuterie française. La France fait toutefois face à la concurrence d’autres pays européens – l’Espagne surtout, qui a bénéficié des mêmes autorisations.
Autre secteur phare, celui des vins et spiritueux : la part de marché de l’Hexagone dépasse la barre des 50 % pour les vins tranquilles (non effervescents), malgré la nette progression des vins du nouveau monde. Les PME françaises du secteur « univers de l’enfant » trouveront eux aussi à Taïwan une clientèle avide de qualité. De la layette à la poussette, en passant par les jeux éducatifs, les couples taïwanais dépensent en effet d’autant plus qu’ils font en général le choix de se limiter à un enfant, et que cet enfant, souvent arrivé tard, est l’objet de toutes les attentions. Enfin, dans les arts de la table, il faut savoir que les Taïwanais reçoivent presque exclusivement au restaurant, souvent sur le mode des banquets – familiaux, d’entreprises, de mariage, etc. C’est donc plutôt du côté des grands hôtels qu’il faut regarder. Justement, conséquence de l’augmentation considérable des arrivées touristiques (10 millions en 2014, dont 4 millions de Chinois), ces cinq dernières années, l’hôtellerie a connu une forte expansion et l’offre s’est diversifiée. Une grosse poignée d’hôtels de grand standing a ainsi été ouvert à Taipei par des marques internationales telles que Four Seasons, Le Méridien, Okura ou encore W.
Boissons alcoolisées La montée de la mousse et des bulles
On les savait grands amateurs de whisky (Taïwan est le troisième marché dans le monde pour le single malt) et de grands crus, on découvre aujourd’hui l’intérêt des Taïwanais pour les bières d’importation et les vins pétillants. L’île a bien changé depuis son entrée en 2002 dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui a sonné le glas du monopole sur la distillerie des bières et alcools et entraîné la libéralisation des importations. Les consommateurs disposent ainsi aujourd’hui d’un vaste choix de boissons alcoolisées à leur disposition. C’est dans ce contexte que l’île a importé 144 millions de litres de bière de malt, en vrac ou conditionnée en 2012, selon les douanes taïwanaises. Le premier fournisseur de l’île était les Pays-Bas (77 millions de litres), devant la Chine (30 millions), les États-Unis (10 millions), le Japon (6,9 millions) ou encore la Thaïlande (5 millions). Les bières françaises restent confidentielles, mais les importations ont affiché une progression impressionnante de 173 % entre 2013 et 2014.
« Dans les brasseries que nous gérons, explique Roy Chen, directrice des relations publiques chez Taihu Brewing, nous avons constaté que le client aime la nouveauté. Le degré d’alcool n’est pas déterminant dans ses préférences, et il ne rejette pas les bières très fortes d’Europe de l’Est, en revanche il a moins d’appétence pour les bières amères. » Outre la mousse, les Taïwanais sont aussi de plus en plus attirés par le champagne, les mousseux et les vins pétillants, même si le marché reste dominé par le vin rouge (la couleur du bonheur). C’est le constat fait par Catherine Machabert, responsable Asie de la filière vin chez Sud de France Développement, alors qu’elle était de passage à Taipei en avril 2015 pour un événement promotionnel, et qui suit le marché taïwanais depuis huit ans. Un marché, dit-elle, « de plus en plus qualitatif ». Le buveur de bon vin est à Taïwan souvent un amateur éclairé, et il cherche toujours à en apprendre davantage sur ce qu’il achète, un comportement qu’on retrouve dans de nombreux autres secteurs de la consommation. Attention, il n’est pas possible de vendre directement aux bars, restaurants et cavistes : il faut obligatoirement passer par une centrale d’achat ou un importateur disposant d’une licence spécifique.
La « silver economy » Une économie en devenir
La part de la population âgée de plus de 65 ans était de 12 % en 2014. D’après les projections du ministère du Développement national, elle devrait atteindre 20 % d’ici 2025. Cette évolution est à coupler avec l’effritement du modèle familial traditionnel dans lequel trois générations vivaient sous le même toit. L’État a récemment fait quelques pas timides pour accompagner cette évolution, en créant une assurance dépendance ainsi qu’un fonds d’aide aux familles ayant une personne dépendante à charge. Infrastructures d’accueil, équipements médicaux, médecine à distance…
L’ensemble des services et équipements destinés aux personnes dépendantes ou à mobilité réduite devraient connaître une demande en hausse. C’est toute une industrie transversale qui se met en place, commente Christophe Legillon, directeur Taïwan de Business France. Dans les logiciels, en particulier, un domaine où les Taïwanais sont moins bons que dans le hardware, les Français ont des cartes maîtresses à jouer pour proposer par exemple des solutions de télécommunication pour personnes âgées, dont des smartphones. Taïwan est au deuxième rang dans le monde pour les fauteuils roulants et les scooters électriques pour personnes à mobilité réduite, selon l’Institut de recherche en technologies industrielles, avec des marques leaders comme Shoprider, Merits et Karma. Certains fabricants dépendent toutefois de fournisseurs étrangers par exemple pour les boîtiers de guidage les plus sophistiqués. « Là aussi, les entreprises françaises qui excellent dans ce domaine peuvent venir compléter l’offre taïwanaise », relève Christophe Legillon.
Aéroports La piste des services
Les deux premiers terminaux du plus grand aéroport international de Taïwan, celui de Taoyuan, dans le nord de l’île, sont déjà saturés avec l’arrivée de 32 millions de passagers par an. On attend 43 millions de passagers annuels sur la zone en 2021, au moment où le terminal 3, actuellement en phase d’appel d’offres, sera mis en service. Comment accueillir au mieux ces flux ? Les besoins sont importants en équipements et technologies aéroportuaires, alors que la modernisation et l’extension des infrastructures actuelles se poursuivent. Selon les informations rassemblées à Taipei par Business France, les autorités taïwanaises ont prévu dans ce cadre 2,52 milliards d’euros d’investissements pendant la période 2014-2020. ADPI est très présent sur l’aéroport de Taoyuan (la filiale d’Aéroports de Paris a remporté en 2013 le contrat de rénovation des deux pistes pour permettre l’atterrissage des A380), mais de nombreux marchés restent à saisir pour la gestion des bagages, les véhicules de transport autonomes entre terminaux, les systèmes d’affichage électronique, les équipements de sécurité et de contrôle d’accès…
Aéronautique Des partenaires locaux pour l’envol de l’industrie chinoise
Pendant longtemps, Taïwan n’était qu’un débouché extérieur pour les appareils militaires ou civils, rappelle Charles Garnot, un consultant pour l’industrie aéronautique basé à Taipei et qui fait le lien entre donneurs d’ordres français et fabricants taïwanais. Mais « en travaillant ici à la fin des années 2000 pour une grande société française du secteur, je me suis aperçu qu’il existait à Taïwan une capacité de production, dans la mécanique et l’aéronautique, pour des pièces de qualité. Taïwan, en particulier l’avionneur AIDC, est fournisseur de rang 2 ou de rang 3 de grands fabricants de moteurs et de trains d’atterrissage comme Rolls-Royce et GE. Et les fournisseurs de rang 1 commencent à s’installer en Chine où Airbus dispose par exemple d’une usine d’assemblage, à Tianjin. » Dans le contexte de l’émergence en Chine d’une industrie aéronautique, commente Charles Garnot, cela a du sens de trouver des fournisseurs et des partenaires à Taïwan, où la chaîne industrielle est stable, fiable et performante. Au-delà des possibilités de sourcing, remarque pour sa part Christophe Legillon, directeur Taïwan de Business France, la capacité de production de sous-ensembles et de pièces aéronautiques offre d’intéressantes opportunités aux fournisseurs de machines et équipements dans ce secteur.
Laurence Marcout