A Berlin, on ne peut pas le manquer. Construit à l´angle de la Französischestrasse et de la Friedrichstrasse, l’immeuble des Galeries Lafayette est le seul à angle arrondi du quartier. Symbole de la « French touch », le grand magasin dessiné par Jean Nouvel surprend par ses formes rondes et ses façades en verre.
Malgré la crise économique et financière et la concurrence acharnée des grandes enseignes de distribution (Zara, Esprit… ), les « Galeries » attirent « entre 60 000 et 80 000 personnes par semaine », affirme la directrice du marketing, Ulrike Möslinger. La consommation, semble-t-il, se porte encore bien dans la capitale. Une bonne nouvelle, si l’on considère que le pouvoir d’achat est bien moins élevé à l’Est qu’à l’Ouest.
En fait, dans les grandes villes de l’Ouest comme à Berlin, le niveau de consommation se maintient. « Attendons, néanmoins, le résultat des ventes en décembre et à Noël avant de nous prononcer sur l’avenir ! », avance prudemment Odile Limpach, directrice de Blue Byte, la société de production du spécialiste des jeux vidéo Ubisoft. De son côté, Dejan Loncaric, gérant de la filiale commerciale de L’Occitane, affiche un bel optimisme. « A Noël, les affaires seront sans doute un peu moins fructueuses, mais les Allemands continueront à acheter », prédit le jeune responsable, qui prévoit de tripler en trois ans le nombre des boutiques de cosmétiques outre-Rhin.
Il est vrai que les projections des instituts de conjoncture sont plutôt favorables. Malgré une chute de la croissance économique à 0,2 % l’an prochain, la consommation privée resterait soutenue en raison du recul de l’inflation. Le point noir, ce sont les exportations. Pour la première puissance exportatrice de la planète, la chute de 12 % des commandes de mécanique à l’étranger de juin à août 2008 par rapport à la période correspondante de 2007 est un signe qui ne trompe pas. L’industrie aura du mal à compenser la déprime de grands marchés, comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou l’Espagne par des ventes dans les pays émergents.
En revanche, l’industrie, qui contribue à plus de 85 % aux exportations allemandes, continue à vendre en France. Globalement, les importations françaises en provenance d’Allemagne ont grimpé de 8 % au cours des sept premiers mois de l’année en cours, atteignant ainsi un montant de 74,1 milliards d’euros. Dans l’autre sens, la France n’a enregistré qu’une hausse de 2,7 % de ses exportations, lesquelles se sont élevées au total à 56,8 milliards d’euros. Le commerce bilatéral a ainsi connu un nouveau record, après celui de 2007 (131 milliards d’euros).
Parallèlement, des deux côtés du Rhin, des investissements importants sont consentis. « L’an dernier, rappelle Didier Boulogne, directeur général d’Invest in France Agency (Agence françaises des investissements internationaux – Afii) en Allemagne, ce pays a été en France le quatrième pourvoyeur d’emplois, soit 3 850, et le deuxième apporteur de projets, à savoir 106, derrière les États-Unis (150) ». Moins de dossiers dans l’industrie, plus de services dans les grandes agglomérations et de projets dans les énergies renouvelables, notamment dans le secteur éolien !
De son côté, la France se classait en Allemagne au quatrième rang en nombre d’emplois en 2007 (331 000) et occupait le troisième place entre 2003 et 2007 pour celui des projets (104 au total, dont 47 en 2007). D’après Invest in Germany, les entreprises françaises investissent surtout dans les logiciels, les technologies de l’information et les services.
Début octobre, son directeur général, Michael Pfeiffer, et son homologue de l’Afii, Philippe Favre, ont décidé de promouvoir ensemble le continent européen auprès des investisseurs de Californie. « Hors d’Europe, la France et l’Allemagne apparaissent comme des destinations proches. Et les deux dirigeants en ont surtout profité pour mettre en avant le potentiel des deux États en matière de recherche et développement », justifie Didier Boulogne. Ce déplacement n’était, au demeurant, pas une première, puisque un voyage similaire a été organisé l’an dernier en Chine.
Outre-Rhin, la majorité des industries de pointe se trouvent à Nuremberg et dans la région de Stuttgart-Munich. Le grand bassin industriel de la Ruhr devient lui aussi un centre de haute technologie. L’industrie se déplace. En particulier, l’automobile, qui était concentrée sur l’axe Munich-Cologne, s’est étendue vers l’est. Quant à l’aéronautique, de Hambourg à Munich, en passant par Brême, Francfort et Berlin, cette industrie du futur est largement développée sur tout le territoire. Les entreprises françaises doivent retenir qu’à l’instar de ces grands secteurs, l’industrie irrigue l’ensemble de l’Allemagne.
François Pargny, envoyé spécial en Allemagne