Les premiers Jeux européens de l’Histoire se tiendront du 12 au 28 juin prochains à Bakou en Azerbaïdjan. Plus de 6 000 athlètes de 50 pays vont ainsi y participer, à l’initiative des Comités olympiques européens. « Une bonne occasion de faire venir des entreprises d’Ile-de-France dans ce pays », confiait ainsi au MOCI un responsable francilien, en marge du 2e Forum d’affaires France-Azerbaïdjan, organisé, le 13 mai à Paris, par Business France et European Azerbaïdjan Society (Teas).
Bakou accueillera encore en 2016, pour la première fois, un grand prix de Formule 1, le Grand prix d’Europe automobile. Et en 2017, ce seront les Jeux de la solidarité islamique, puis, en 2020, un quart de finale de l’Euro de football. Dirigé d’une main de fer par Ilham Aliev, 53 ans, qui a succédé à son père, ce voisin stable de l’Iran, de l’Arménie, la Géorgie, la Russie et la Turquie cherche, notamment à travers le sport, à se faire connaître. Personne ne doute que, malgré l’échec de ses candidatures aux Jeux olympiques de 2016 et 2020, il retentera sa chance pour les JO de 2024.
Alors plus expérimentée et dotée d’infrastructures flambant neuves (stade, piscine olympiques…), l’ancienne république soviétique ne veut pas voir son rêve olympique se briser. Ce qui devrait séduire de nombreuses sociétés internationales, notamment celles qui ont déjà décroché des contrats pour juin prochain, comme Iveco, qui a signé une commande de 151 bus Crealis fonctionnant au gaz naturel, d‘une valeur de 50 millions d’euros, ou le spécialiste de l’ingénierie et de la logistique événementielle GL Events, qui équipe les Jeux européens de la capitale azerbaïdjanaise. Ce sera aussi l’occasion de donner un coup de fouet au tourisme d’affaires. Aujourd’hui, si les palaces ne manquent pas, il y aurait de la place pour des hôtels 3 et 4 étoiles. Autre créneau, les services liés au tourisme de montagne. En particulier, dans son arrière-pays, l’Azerbaïdjan a construit deux stations de ski.
« Bakou se voit comme la Dubaï de la Caspienne », selon Pascal Meunier, ambassadeur de France en Azerbaïdjan. Un objectif ambitieux, mais riche en gaz et en pétrole (94 % des exportations), le petit État de moins de 10 millions d’habitants fait preuve de résilience et diversifie son économie en investissant dans diverses infrastructures : transport, énergie, chimie. Son produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 3 % en 2014, « mais 7 % hors énergie », s’est félicité Elchin Amirbayov, l’ambassadeur d’Azerbaïdjan à Paris. D’après son homologue français à Bakou, le PIB aurait encore progressé au premier trimestre de cette année, « avec + 5 % et + 7 % hors énergie ».
Cinq milliards d’euros de contrats potentiels pour des sociétés françaises
Certes, avec la chute des cours de l’or noir, les recettes pétrolières ont été divisées par deux, mais la monnaie nationale, le manat, a été dépréciée de 30 % par rapport au dollar et la république du Caucase peut aussi recourir au Fonds souverain d’Azerbaïdjan (Sofaz). Malgré une certaine prudence à l’heure actuelle, le gouvernement semble décider à poursuivre les investissements dans les infrastructures de transport, dans le développement urbain ou encore les technologies de l’information et de la communication (TIC).
Par ailleurs, dans le cadre de sa vision et de sa stratégie de diversification à l’horizon 2020, le pouvoir, depuis 2010, sélectionne un secteur prioritaire. Cette année, il s’agit de l’agriculture, domaine « où la France est en retard par rapport aux Pays-Bas, à l’Allemagne, à l’Autriche », regrettait Pascal Meunier.
Globalement, les exportations françaises demeurent modestes, inférieures à 210 millions d’euros l’an passé, malgré le poids des postes liés au transport (A 340 d’Airbus, Falcon de Dassault, locomotives Alstom…). Mais, si le gouvernement décide d’ouvrir « les vannes du budget » et « si les MOU (memorandum of understanding) et les partenariats déjà passés sont validés », livrait l’ambassadeur de France, ce serait « 5 milliards d’euros de contrats » qui pourraient être remportés par des entreprises françaises.
Une quarantaine d’entreprises françaises (Bouygues, Thales…) se trouve en Azerbaïdjan, dont la plus importante est Total, qui « y a investi 1,15 milliard de dollars en quinze ans », selon Nathalie Komatitsch, vice-présidente Azerbaïdjan de Total Exploration & production. Après son retrait du champ de Shah Deniz et de l’oléoduc du Caucase Sud pour des raisons de stratégie mondiale du groupe, les investissements ont été poursuivis sur le champ gazier d’Absheron. Au demeurant, Total reste actionnaire à hauteur de 5 % de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), qui traverse donc la Géorgie jusqu’au terminal turc.
Opérateur avec 40 % des parts à Absheron, la major française a constitué en 2009 une société mixte pour explorer ce champ, situé à 7 000 mètres sous la mer Caspienne. Son principal partenaire est la Société d’État des pétroles de la République d’Azerbaïdjan (Socar), les 20 % restant étant détenus par GDF Suez devenu Engie, entré plus tard dans l’association. Les étapes à venir seront la validation à l’automne du plan de développement et la mise en place en 2016 d’une société mixte 50/50 Total-Socar pour développer et exploiter Absheron.
Comme il n’y a pas d’appareil de forage disponible dans la région, la Sofaz va devoir injecter 1,1 milliard de dollars pour acquérir l’équipement nécessaire. « L’entrée en production est prévue au second semestre 2021, 5 milliards de mètres cubes de gaz devraient ainsi être exploités pendant une première phase de sept ans et six milliards de dollars investis », a détaillé à Paris Nathalie Komatitsch.
Les lacunes d’un environnement des affaires plutôt attractif
Dès son indépendance, l’Azerbaïdjan a pratiqué une politique d’indépendance vis-à-vis de la Russie et d’ouverture de son économie. Toutefois, malgré des efforts, des comportements et des procédures hérités de l’ère soviétique ralentissent encore la bonne marche des affaires. La corruption est aussi un handicap. Dans le rapport de la Banque mondiale Doing Business 2015, l’ex-république soviétique a progressé de 8 places en un an, se hissant ainsi au 80e rang sur 189 nations recensées. Toutefois, dans certains domaines, sa position est très lointaine, comme « dans le commerce transfrontalier, où elle est 166e », pointait James Hogan, associé gérant du cabinet Dentons pour l’Azerbaïdjan (notre photo).
Son classement est aussi mauvais en matière de raccordement à l’électricité (159e) et d’octroi de permis de construire (150e). Même si, globalement, l’environnement est jugé plutôt attractif, Jane Amilhat, chef adjoint de l’unité Russie-CEI à la Commission européenne, exhorte l’Azerbaïdjan, membre de la Communauté des États indépendants (CEI), à renforcer ses efforts pour construire une économie de marché, libre et compétitive. Or, l’activité est aujourd’hui largement dominée par la sphère publique.
« Si vous voulez que les investissements se développent dans des domaines non énergétiques, il faut un cadre légal pour le commerce et l’investissement. L’Union européenne développe ainsi une politique de voisinage avec les pays de l’Est depuis 2009, poursuit aussi l’objectif d’un accord de libre échange avec l’Azerbaïdjan, avec des règles de marché, et l’encourage à adhérer à l’Organisation mondiale du commerce, mais c’est lent », observait la responsable à la Direction générale du commerce à Bruxelles.
Selon Elchin Amirbayov, en 2014, l’Azerbaïdjan a enregistré 27 milliards de dollars d’investissement, dont 41 % en provenance de l’étranger. Les entreprises étrangères sont, notamment, attirées par les zones économiques spéciales (ZES), mais, selon James Hogan, ce serait plutôt les techno parcs qui les intéressent. Les exonérations y sont nombreuses : droits de douane, TVA, etc. Et de citer le parc technologique de Sumgait (STP), dévolu à la chimie. D’autres reçoivent des entreprises ou sont en cours de construction, comme le parc éco-industriel Balakhani et le QUTechnopark de l’université Quafqaz à Bakou.
François Pargny