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Trois questions à Jean-Michel Piveteau, président de la section Chine des Conseillers du commerce extérieur de France (CCEF)

Le Moci. Depuis plusieurs années, la Chine semble devoir passer d’un modèle de développement centré sur l’export à une économie plus orientée vers la consommation intérieure et les importations. Qu’en est-il exactement ?

Jean-Michel Piveteau. La Chine est devenue la deuxième puissance économique mondiale en termes de produit national brut et, dans quelques années, elle retrouvera le rang de numéro un qu’elle occupait au XVIIIe siècle. Elle comptera alors 1,5 milliard d’habitants. Il n’y a pas de changement brutal entre une société qui a mis le cap dans le passé sur la production et maintenant. La productivité s’est accrue et la Chine continuera à exporter. Alors, certes, les coûts de production ont augmenté, mais la hausse des salaires, en particulier, est favorable à la consommation. Depuis trois ans, les salaires ont décollé de 10 à 12 % et cette année on prévoit + 8 % en moyenne comme en 2014, ce qui est élevé. C’est le gouverneur de la Banque centrale chinoise, il y a quatre-cinq ans, qui estimait qu’avec la montée des classes moyennes il était logique que les Chinois veuillent consommer plus de biens, étrangers et locaux.

 

Le Moci. Que faut-il penser des investissements croissants de la Chine à l’étranger, en particulier en France dans le vin, le lait infantile ou l’automobile ?

J-M.P. La Chine a des ambitions mondiales. Elle dispose de réserves financières importantes, d’un nombre croissant de groupes publics ou semi-privés susceptibles de devenir des champions et un équilibre se formera entre investissements directs étrangers (IDE) entrants et investissements chinois hors du pays. Déjà aujourd’hui, si les flux des IDE en Chine se sont élevés à environ 120 milliards de dollars l’an dernier, on note que les engagements chinois à l’étranger se rapprochent de ce chiffre. Nous ne nous trouvons pas dans un pays autarcique comme l’Inde. Et le marché chinois demeure très attractif. Il faut relativiser ce que vous appelez souvent le ralentissement de la croissance économique. La Chine, c’est encore 6 à 7 % de plus chaque année d’un PNB important. Même plus tard 3 à 5 % de ce qui sera devenu la première puissance mondiale, ce sera considérable.

 

Le Moci. Dix-septième fournisseur de la Chine à fin février, avec une part de marché de 1,38 %, la France est devancée notamment par l’Allemagne, avec 5,34 %, et même en Europe par la Suisse, avec 2,07 % ? Comment l’expliquez-vous ?

J-M.P. De fait, la France, sixième puissance économique mondiale, n’a pas la place en pourcentage qu’elle devrait avoir. Dans l’industrie, nous avons des pans entiers qui ont disparu chez nous, contrairement à l’Allemagne. Dans les biens de consommation par contre, la France a bien performé, notamment dans le luxe, les arts de vivre, de la table. Les grandes marques de luxe, comme Hermès et LVMH, y sont réputées, l’Oréal réussit aussi brillamment. Toutefois, c’est encore insuffisant et nous avons longtemps souffert de l’absence de l’un de nos deux constructeurs automobiles sur place, alors que des équipementiers comme Faurecia et Valeo marchent bien et accentuent leurs positions. Ce n’est que maintenant que Renault va démarrer. PSA, le premier, a conclu un bon accord avec Dongfeng et Renault, à son tour avec le même partenaire chinois, devrait produire ses premières voitures dans les mois à venir.

 

Le Moci. Le CAC40 est représenté en Chine. Mais que conseilleriez-vous aux PME intéressées par ce gigantesque marché ?

J-M.P. D’être actives et prudentes à la fois. Les petites et moyennes entreprises (PME) françaises, à l’inverse de leurs concurrentes italiennes ou allemandes, n’ont pas pris la mesure de l’enjeu et de l’intérêt pour elles. On note, toutefois, quelques percées remarquables, mais qui demandent du temps. La charcuterie française va bientôt être autorisée à vendre en Chine, c’est une bonne nouvelle, notamment pour les entreprises à taille intermédiaire (ETI) françaises de ce secteur. Le marché domestique est ici compliqué et risqué. La prudence est de rigueur et un préalable est de posséder une expérience de l’international, au minimum de l’Union européenne ou de la Suisse, au mieux de nations émergentes. Ensuite, il est impératif de protéger ses marques et brevets. La reconnaissance internationale d’une marque n’est pas suffisante, il convient aussi de déposer une demande de protection spécifique auprès des autorités chinoises.

 

Le Moci. À travers la vente en ligne et les réseaux sociaux, on se rend compte que les marques sont recherchées à la fois par les jeunes et moins jeunes…

J-M.P. Les marques sont, effet, très appréciées des consommateurs chinois. Les jeunes, bien sûr, mais pas seulement ! N’oublions-pas qu’un nombre croissant de Chinois voyagent à l’étranger, notamment à Paris, ville lumière et capitale au centre de l’Europe. Chez les conseillers du commerce extérieur de la France – la section Chine est la plus importante au monde, avec 110 CCEF, hommes et femmes bénévoles – nous avons créé un répertoire d’expertises (sur notre site http://www.cce-chine.com, onglet « s’entourer ») par des CCEF et non CCEF qui peuvent aider en matière de marques ou de contrefaçons entre autres. Il faut savoir que le commerce en ligne est un bon outil en Chine pour vendre des produits, mais qu’il y a aussi le risque de se retrouver au milieu d’articles contrefaits et peut-être un jour de contrefaçons de ses propres produits. Enfin, après avoir protégé ses biens, il est utile de s’appuyer sur des distributeurs et puis de créer une structure en propre que vous détenez à 100 %, avec un encadrement local. Nous ne conseillons plus les partenariats pour les PME en joint-venture, c’est trop compliqué et source de conflits potentiels.

Propos recueillis par François Pargny

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