La visite de François Hollande, le 11 mai à Cuba, dans le cadre d’une tournée dans les Caraïbes, avait d’abord une portée diplomatique et géopolitique. Elle a à juste titre été qualifiée d’historique puisqu’ avant lui, aucun président de la République française n’avait foulé le sol cubain depuis la révolution castriste en 1959. Une visite, certes, éclaire, –le chef d’État devait faire escale le lendemain en Haïti– mais un passage obligé de sa tournée dans les Caraïbes, entamée le 9 mai avec la Martinique, très attendu depuis la reprise, cinq mois plus tôt, des relations diplomatiques entre La Havane et Washington. Son tête à tête avec Fidel Castro, dont le frère Raul est à la tête du pays depuis 2008, a d’ailleurs été un temps fort de ce voyage, largement relayé par la presse internationale.
Mais la diplomatie économique n’a pas été oubliée loin s’en faut, alors que la France attend du renforcement des liens avec Cuba de nouvelles perspectives aussi dans les Caraïbes et en Amérique latine, où les Cubains compte de nombreux pays amis. En témoigne la prolongation de l’avenant à l’accord régissant la ligne de crédit de 90 millions d’euros garantie par Coface, qui bénéficie notamment aux exportations de produits alimentaires français, notamment de céréales. En témoignent aussi les accords qui ont été signés par des entreprises françaises à l’occasion de cette visite, dans les domaines de la logistiques, de la santé, du tourisme, secteurs appelés à connaître une forte croissance.
Des accords dans la logistique, la recherche médicale et l’hôtellerie
Le groupe français CMA CGM, leader mondial du transport maritime par conteneur, a signé un accord sans précédent à Cuba en présence de François Hollande et de Matthias Fekl, secrétaire d’État au Commerce extérieur, qui s’était lui-même rendu dans l’île en mars (voir article de la Lettre confidentielle). Il porte sur la gestion et le développement d’une plateforme logistique dans la zone franche de Mariel, en partenariat avec Ausa, principale société logistique cubaine. La plateforme sera intégrée au projet de zone économique spéciale de l’île, Mariel ZEDM (Zona Especial de Desarrollo Mariel). Présente sur l’île depuis 2000 et étant l’une des trois seules compagnies maritimes à y faire escale, CMA CGM est la première entreprise internationale à signer un tel accord de développement logistique à Cuba, confortant sa présence dans la zone où elle a obtenu, début avril, la concession du terminal à conteneurs jamaïcain de Kingston.
La société tricolore de biotechnologie Abivax, spécialisée dans la mise au point et la commercialisation de vaccins thérapeutiques et de médicaments antiviraux pour le traitement des maladies infectieuses (VIH, l’hépatite B chronique, Ebola…), qui faisait partie de la délégation d’entreprises emmenée par le chef de l’État français à Cuba, a, elle, noué un partenariat avec le Centre d’ingénierie génétique et de biotechnologie (CIGB) de La Havane. Abivax avait noué des relations avec le CIGB depuis près de 5 ans mais grâce à cette collaboration, elle « bénéficie d’un accès privilégié aux travaux de R&D effectués à Cuba et aux sites de production de l’île. L’industrie cubaine des sciences de la vie s’appuie sur des technologies et des recherches scientifiques de pointe, au rayonnement international », a déclaré la société dans un communiqué.
Quant au groupe hôtelier Accor, présent à Cuba depuis 20 ans, il a signé un contrat avec la société locale Gran Caribe pour la gestion du futur hôtel Pullman Cayo Coco. Cet hôtel resort de 518 chambres proposera des services haut de gamme et sera notamment le premier établissement de l’île à équiper toutes ses chambres de wi-fi.
En dehors de ces accords, les liens économiques ont été renforcés, alors que la délégation française comportait plusieurs dizaines d’entreprises. Après avoir inauguré le Palacio Gomez, nouveau site de l’Alliance française à La Havane, le président de la République française s’est rendu dans le quartier de la Vieille Havane, où il a participé au Forum économique franco-cubain dans l’enceinte de l’hôtel Sevilla, « un lieu chargé d’Histoire », comme il l’a rappelé lors de son allocution qui clôturait le forum. L’occasion pour le chef de l’État de réaffirmer la position de la France qui a toujours été favorable à la levée de l’embargo américain et de rappeler les opportunités pour les entreprises françaises dans le cadre du nouveau processus d’ouverture de l’économie cubaine.
Renforcer les secteurs dans lesquels les entreprises tricolores travaillent déjà
Outre le contexte historique dans lequel s’inscrit le déplacement de François Hollande, la dimension économique est forte. Accompagné par plusieurs ministres, représentants de groupes d’amitié ainsi que de chefs d’entreprises, le président français a ouvert son discours en expliquant qu’« il s’agissait de renforcer les secteurs dans lesquels les entreprises tricolores travaillent déjà ».
Dans le tourisme, « il y a une excellence française (…), et ici, elle se vérifie », a ainsi indiqué François Hollande. Et de citer, outre Accor, l’opérateur de grands projets Bouygues Bâtiment International qui « construit plus de 30 % des chambres d’hôte du pays ». Des réalisations sont d’ailleurs prévues dans les mois qui viennent. « Mais pour faire venir des touristes comme pour faire venir des voyageurs, des hommes d’affaires, il faut des transports », a souligné François Hollande, rappelant qu’Air France-KLM est la plus importante compagnie aérienne étrangère desservant le pays.
Dans le domaine maritime, outre l’accord signé avec le groupe CMA CGM, la France a une carte à jouer dans le secteur des navires de plaisance. Plusieurs constructeurs français de catamarans, à l’instar de Fountaine Pajot et Nautitech, sont présents sur l’île, « et font de la France le premier exportateur mondial de navire de plaisance », a indiqué François Hollande.
Dans le domaine ferroviaire, « nous souhaitons répondre à toutes les sollicitations que nous présentera Cuba », a déclaré le chef de l’Etat. Dans le secteur « décisif » de l’énergie -où la principale centrale thermique alimentant la capitale a été construite par Alstom-, la France souhaite avoir une politique énergétique fondée sur la diversité des sources d’énergie et un plus grand recours à l’exploitation des énergies renouvelables. Cuba doit à cet effet développer toutes les sources renouvelables (la biomasse, l’éolien, la géothermie, le solaire). Dans l’agroalimentaire, secteur où les échanges pourront être développés, le chef d’État français a cité l’exemple du succès de l’entreprise, mondialement connue, Havana Club, marque du groupe français de vins et spiritueux Pernod Ricard. Les produits de la marque sont ainsi vendus à l’extérieur de Cuba grâce au partenariat avec le groupe français.
Parmi les secteurs « les plus prometteurs » François Hollande a aussi cité « la médecine et les biotechnologies ». La France envisage de multiplier les coopérations en matière de santé en particulier dans la recherche médicale, domaine qui vaut à Cuba sa renommée mondiale. Dans les télécommunications, les Français sont également déjà présents à Cuba. Alcatel (qui vient de passer dans le giron de Nokia) installe le câble de fibre optique qui relie déjà Cuba au réseau Internet et Orange a signé l’an dernier un accord avec l’opérateur cubain Etecsa pour développer les communications à Cuba.
François Hollande a été reçu par son homologue Raúl Castro (notre photo). Son déplacement intervient quelques semaines après la visite officielle en France, les 20 et 21 avril, du ministre cubain des Affaires étrangères, Bruno Rodriguez Parrilla. Il avait été préparé par une visite l’an dernier de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international, qui y avait aussi dépéché deux secrétaire d’Etat successifs, Fleur Pellerin et Matthias Fekl.
Le potentiel d’échanges économiques entre la France et Cuba est important, même s’il reste limité par des problèmes de paiement, Cuba étant freiné par les restrictions américaines qui persistent dans le domaine financier. Le montant des exportations françaises vers Cuba a atteint 157 millions d’euros en 2014 (source : base GTA-GTIS). Les céréales ont compté pour presque la moitié des ventes (72,5 millions d’euros), suivi par les produits divers des industries chimiques (15,5 millions d’euros).
Venice Affre
Pour prolonger :
– Cuba-France : entente cordiale en vue d’une visite “historique” de François Hollande
– France-Cuba : 17 entreprises accompagnent Matthias Fekl à La Havane
– France-Cuba : Paris veut pousser les entreprises françaises à prendre leurs marques