Que faire quand on est une organisation professionnelle et que ses membres, des importateurs, finissent pas préférer à la France d’autres pays en Europe comme les Pays-Bas, à la fiscalité plus accueillante et à la logistique plus développée ? Faire de l’export ou plus exactement de la réexportation, répond la Fédération des entreprises internationales de la mécanique et de l’électronique (Ficime), qui rassemble 420 entreprises importatrices au chiffre d’affaires global de 45 milliards d’euros en 2014. Mais pas sur n’importe quel continent. « C’est l’Afrique que nous visons, explique à la Lettre confidentielle la déléguée générale Laurence Fauque, parce que les sociétés étrangères qui s’implantent dans l’Hexagone savent que d’être en France c’est un plus pour aborder l’Afrique ».
Au demeurant, un certain nombre de leurs filiales françaises sont déjà chargées du Maghreb. Alors, pourquoi ne pas pousser l’expérience un peu plus au sud, sachant que les groupes étrangers sont plus susceptibles de sortir de l’ancien pré-carré de l’Afrique francophone pour opérer sur l’ensemble des zones de marché du continent. « Enfin, il ne s’agit pas de concurrencer des marques françaises, mais de commercialiser des produits sous le label Trade by France, en offrant de la valeur ajoutée », précise Laurence Fauque à la LC. De façon concrète, cette valeur ajoutée peut-être un centre de conditionnement, une unité de réparation ou un volet de formation et être porteur de nouveaux emplois. « Il y a quelques temps, révèle la dirigeante de la Ficime, un directeur chez Bosch France me confiait les possibilités de cette filiale du groupe allemand de réexporter en Afrique ». Or, regrette-t-elle, « çà n’a pas été fait et le projet a été récupéré par la maison mère outre-Rhin, qui a finalement ouvert elle-même plusieurs bureaux en Afrique ».
Business France confirme son intérêt pour le projet Afrique de la Ficime
« Nous avons approché Business France et nous attendons toujours un retour », explique encore la représentante de la Ficime. Pour cette fédération, qui s’est sentie longtemps marginalisée parce que « l’importation était montrée du doigt », travailler au réexport est une véritable mutation culturelle. Mais il n’y a pas d’autre choix. L’effectif moyen des membres de la Ficime était de 160 salariés il y a dix ans ; il n’est plus de 120 aujourd’hui. Un groupe comme Sony a supprimé sa filiale en France, y conservant juste une succursale, au profit de sa filiale au Royaume-Uni.
Enfin, « le marché est flat en Europe et encore plus en France », s’inquiète Laurence Fauque. C’est en juin 2014, lors d’un comité stratégique de la fédération, membre du Medef, que les présidents des syndicats sectoriels qui la composent ont décidé d’opérer ce tournant. A l’époque, la Ficime s’est saisie de la question de l’attractivité de la France auprès des investisseurs étrangers, saluant ainsi les propositions du Conseil supérieur de l’attractivité en matière de simplification et de meilleure visibilité. Selon son président, Alain Rosaz, le projet Trade by France en Afrique doit justement servir à l’attractivité de la France
A l’époque également, l’équipe dirigeante de la Ficime entretenait des liens avec son homologue à l’Agence française pour les investissements internationaux (Afii). Et c’est l’Afii pour le projet export en Afrique qui a orienté la Ficime vers Ubifrance, l’agence publique en charge de l’accompagnement des entreprises dans le monde. Depuis le 1er janvier 2015, l’Afii et Ubifrance sont fusionnés au sein de Business France, qui a confirmé à la Lettre confidentielle son intérêt pour le projet de la Ficime. « A condition évidement, y fait-on valoir, qu’il y ait de la valeur ajoutée sur le territoire national, de la maintenance de machine outil ou de la recherche et développement par exemple ».
Chaque projet devra être évalué en fonction de sa valeur ajoutée
Sur le plan du principe « il n’y a pas de problème » et « c’est logique », dans la mesure où « 10 % des clients de Business France sont déjà des sociétés avec au moins 50 % de capital étranger et qu’un tiers du total des exportations de l’Hexagone est aujourd’hui réalisé par des filiales de sociétés étrangères implantées sur place », rappelle-on à Business France.
En revanche, ce que ne veut pas l’agence publique, c’est « le négoce ou le commerce pur ». C’est pourquoi, si le partenariat souhaité par la Ficime est bien mis en place avec Business France, « ce ne sont pas les membres de la fédération qui seront évalués, mais chacun de leurs projets, en fonction de leur valeur ajoutée », insiste-t-on chez Business France.
Pour mettre toutes les chances de son côté, la Ficime a encore formulé plusieurs propositions en matière de financement : fonder un guichet spécifique Bpifrance Réexport, donnant accès aux services de Coface, Business France et Bpifrance, un prêt Bpifrance Développement réexport et des garanties Coface Réexport, telles que les assurances prospection et caution. Enfin, la fédération demande que l’obtention de visas pour les chefs d’entreprises soit facilitée.
François Pargny