« Le modèle économique chinois est en pleine transition », a indiqué Hubert Bazin, avocat associé, responsable du bureau de Pékin au sein du cabinet DS Avocats, lors d’une matinée d’information qui s’est tenue le 31 mars sur le thème « Actualité du droit et de la pratique des affaires en Chine ». Et cette transition pourrait avoir un impact sur les conditions d’investissements des entreprises étrangères, vers plus de souplesse. Mais le tableau dressé par les experts de DS Avocats est en demie teinte.
Les données macro-économiques de cette transition sont connues. Alors qu’elle était tirée par les exportations, l’économie chinoise se dirige dorénavant vers un modèle tiré par la consommation intérieure, elle-même soutenue par l’augmentation des salaires qui progressent en moyenne entre 10 % et 15 % et « parfois jusqu’à 17 % », informe Hubert Bazin.
Pour effectuer cette transition, passage d’un modèle tiré par les investissements et les exportations vers une économie reposant sur la consommation des ménages, le gouvernement de Xi Jinping a mis en place une politique d’innovation et de montée en gamme des entreprises chinoises. À cela s’ajoute une réévaluation du yuan suite à la volonté d’internationaliser le renminbi (voir notre article). L’appréciation de la monnaie pèsera sur la compétitivité des exportations chinoises. D’ores et déjà, le ralentissement de la croissance du PIB se confirme : celle-ci devrait atteindre 7 % cette année contre 7,7 % en 2012, d’après les prévisions de l’assureur-crédit Coface.
L’année 2015 est également marquée par la poursuite de la campagne anti-corruption à l’initiative de Pékin. Après avoir lancé une vaste campagne contre la corruption à tous les niveaux de la hiérarchie communiste, les autorités chinoises souhaitent désormais la mise en place d’un « État de droit ». C’est dans ce contexte que l’on assiste à un nouveau mouvement d’ouverture -réel mais encore bien timide- en direction des investisseurs étrangers.
Des signes d’assouplissement vis-à-vis de l’investissement étranger
La Chine s’est longtemps montrée fermée à ouvrir son marché aux investissements étrangers. Depuis quelques années, elle s’avère disposée à mettre ses traités en conformité avec les normes généralement admises en la matière. Ce gigantesque pays d’1,3 milliard d’habitants est ainsi devenu membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. « Des signes d’amélioration apparaissent, a signalé Hubert Bazin. Pour la première fois depuis 2001, date d’entrée de la Chine dans l’OMC, il y a de vraies avancées au niveau du marché chinois en termes d’accès et d’ouvertures ». Toutefois, des signes de raidissement apparaissent aussi : il existe de ce fait de nombreuses barrières non tarifaires dans certains secteurs comme les cosmétiques, à cela s’ajoute une politique de soutien aux champions nationaux.
Reste que côté investissements, les signes d’assouplissement seraient tangibles. « Depuis dix-huit mois, on a à faire à une véritable effervescence en matière de droits des investissements étrangers », a déclaré ainsi Anne Séverin, avocate associée au bureau de Shanghai du cabinet DS Avocats. Et de rappeler l’ouverture, le 1er octobre 2013, de la zone pilote de libre-échange de Shanghai, mise en place pour encourager les investissements étrangers en les rendant plus simples et plus attractifs.
Cette zone de libre-échange a été accompagnée de la publication d’une « negative list » ou liste négative (voir notre article) de secteurs interdits ou restreints aux investissements étrangers. Cette liste a pour but d’interdire ou de restreindre les investissements étrangers, réalisés dans la zone de libre-échange de Shanghai, dans certains secteurs. A contrario, les investissements étrangers sont permis sans restriction dans les secteurs non contenus dans la liste.
La « negative list » est une liste plus détaillée que le « Catalogue sur les investissements étrangers » mais elle reprend pour l’essentiel les mêmes secteurs interdits ou restreints que ceux prévus dans le Catalogue. Rappelons que cee catalogue, utilisé dans les processus d’approbation des investissements étrangers, permet de classer les secteurs économiques en trois catégories : « restreints », « encouragés », « interdits », selon le souhait des autorités d’y guider ou non les investissements.
Les avancées du nouveau guide des investissements étrangers
Le 4 novembre 2014, un projet de « nouveau guide des investissements étrangers » a été diffusé. Après une modeste révision, il a été adopté le 10 mars 2015. Dans ce nouveau guide dans lequel ne figure pas la « liste négative », le gouvernement chinois a fait savoir que les investissements dans les secteurs où les entreprises chinoises ont déjà une capacité de production relativement forte ne seront pas encouragés. À l’inverse, les secteurs dans lesquels la Chine a encore besoin de technologies étrangères ou de savoir-faire étranger seront libéralisés.
Exemples de secteurs libéralisés : l’exploration et l’exploitation de champs pétroliers, la fabrication de systèmes de contrôle du trafic aérien ou encore les technologies de recyclage des déchets et les établissements de soins pour les personnes âgées, deux filières nouvellement encouragées.
Le nouveau guide des investissements étrangers maintient les trois catégories de secteurs définis par le « catalogue ». Les projets « encouragés » sont soumis à un simple enregistrement auprès de la Commission nationale de réforme et de développement (NDRC), sauf s’il s’agit d’une co-entreprise (ou joint-venture en anglais) dont le partenaire chinois est majoritaire.
S’agissant des secteurs « restreints », le nouveau guide prévoit un processus d’approbation alourdi et des conditions supplémentaires imposées. Peut parfois même être imposé un partenaire chinois. Les secteurs « interdits » tels que l’industrie du tabac ou la sélection et la production d’OGM demeurent dans le nouveau guide.
Des libéralisations décevantes
Pour autant, la Chine n’est pas encore un eldorado libéral, loin s’en faut. « Depuis 2011, on constate une ouverture à de nombreux secteurs mais, a ainsi nuancé Anne Séverin, les libéralisations visent des secteurs dans lesquels il existe des barrières ou des surcapacités, et elles n’ont donc pas vraiment d’intérêt ».
La vente de produits audio et vidéo serait encore très réglementée. Quant aux secteurs en surcapacités, sont cités en exemple la fabrication de certaines fibres textiles ou celle de certains produits chimiques.
Enfin, dernier bémol : ces libéralisations concernent des secteurs dans lesquels la concurrence chinoise est prête; autrement dit où la concurrence locale est redoutable. C’est le cas notamment de la fabrication de composants automobiles et de composants et moteurs de bateaux ou encore la fabrication de bateaux de luxe ainsi que l’industrie pharmaceutique, secteur qui n’est plus restreint.
Le 19 janvier 2015, le ministère chinois du Commerce (MofCOM) a publié un nouveau projet de Loi sur les investissements étrangers qui prévoit d’en assouplir les conditions mais pour l’heure, « on ne sait pas si les secteurs « restreints » y figurent », a conclu l’avocate.
Venice Affre
Pour prolonger :
Consultez notre Guide business Chine 2014