Le « couac de com » franco-français à propos du sujet sensible du mécanisme d’arbitrage investisseurs/États ISDS (Investor-State Dispute Settlement) prévu dans le projet de Partenariat transatlantique (TTIP/Transatlantic Trade and Investment Partnership) en cours de discussions entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis a fait le bonheur des gazettes et des réseaux sociaux ces deux dernières semaines, et il continue à agiter les eurodéputés socialistes et Verts, malgré les mises au point du secrétaire d’État français au Commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux français de l’étranger, Matthias Fekl.
Petit retour en arrière. Fin février les eurodéputés français – tous partis confondus – recevaient une note du Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE), service rattaché au Premier ministre, présentant la position du gouvernement français sur le mécanisme d’arbitrage investisseurs/États, dit ISDS, prévu dans le projet de TTIP. Alors que Paris s’était jusqu’ici publiquement opposé à son inclusion dans les négociations pour ce projet de traité, le document adressé aux élus français est bien plus nuancé. « Une approche plus prudente sur ce sujet délicat pourrait être préférable en raison des risques de précédent, avec des États dont les standards juridictionnels ne correspondent pas à ceux qui prévalent aux États-Unis », peut-on lire dans la note.
« J’ai immédiatement envoyé un texto à Matthias Fekl », confie à la Lettre confidentielle Yannick Jadot, membre du groupe des Verts et vice-président de la Commission ‘Commerce international’ (INTA) au Parlement européen (PE). « C’est une note de technocrates », aurait répondu le secrétaire d’État français. Dans les rangs socialistes, la surprise fait place à la colère. « En France, c’est avec le gouvernement que nous fixons la ligne, pas avec l’administration », lance notamment l’eurodéputée Pervenche Berès dans un tweet daté du 27 février. Prétextant un « dysfonctionnement », Matthias Fekl promet un rectificatif.
Quelques jours plus tard, une nouvelle note, plus succincte, est effectivement envoyée aux élus français. « L’approche était cette fois plus politique et plutôt contre l’ISDS », confirme Yannick Jadot. Mais l’ambiguïté n’est pas totalement levée, le gouvernement français souhaitant visiblement éviter de fermer totalement la porte à un mécanisme d’arbitrage. « Un refus trop catégorique pourrait s’avérer contre-productif en cas d’accord avec un pays comme la Chine », explique une source française à Bruxelles.
Une prudence que les socialistes français au PE ne partagent pas. En mai prochain, ils apporteront, lors d’un vote en plénière, leurs voix à la résolution de Bernd Lange (Allemagne, S&D). Le président de la Commission INTA y préconise l’exclusion pure et simple de la clause ISDS du TTIP. « Il est inutile d’inclure un tel mécanisme avec des pays qui, comme en Europe, ont des systèmes juridictionnels robustes », explique l’eurodéputé allemand, résumant ainsi la position officiellement défendue par les sociaux-démocrates européens.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
Lire dans la LC aujourd’hui : TTIP : les lignes rouges du patronat français en matière de barrières non tarifaires
Et dans la précédente édition : TTIP/Ceta : Matthias Fekl explique la position française sur la clause d’arbitrage