« La part du Proche et du Moyen-Orient dans les exportations françaises de BTP est faible, de 2,7 % exactement en 2013, soit 876 millions d’euros, surtout comparée à celle de l’Union européenne, de 47,9 % », pointait Thierry Girard (notre photo), directeur commercial international de NGE, un spécialiste français des travaux publics avec une forte activité internationale dans le ferroviaire, lors d’un petit déjeuner débat sur le BTP dans le monde arabe, organisé, le 5 novembre, par la Chambre de commerce franco-arabe (CCFA).
En fait, si les grandes entreprises sont bien établies, à l’instar de Vinci, Degrémont, Eiffage, Bouygues, Veolia, GDF Suez, Total, Fayat ou Freyssinet, les PME tricolores ne parviennent pas, en revanche, à décoller . C’est surtout vrai dans la région du Golfe où la culture des affaires est anglo-saxonne, notamment en matière de contrat. Pour Thierry Girard, la solution pour les PME « n’est pas forcément d’aller avec un gros, la vie avec un major n’étant, juge-t-il, pas toujours facile, mais plutôt de s’appuyer sur son partenaire local, lequel au demeurant est souvent exigé ».
« Mais dans les BTP, affirme-t-il encore, le relation humaine est très importante et c’est encore plus vrai dans le Golfe. C’est pourquoi non seulement le partenaire local peut apporter la connaissance du pays, des autorités, voire contribuer à une partie des prestations, mais il permet aussi une implantation plus durable, alors que les majors répondant à un grand projet n’ont pas forcément cette intention et cette vision ».
Financement : sur fonds propres dans le Golfe, avec des PPP au Maghreb
Dans le Golfe, les États sont riches et capables de financer de grands chantiers sur fonds propres, ce qui est moins le cas en Afrique du Nord, où les ressources financières sont moins élevées. C’est pourquoi au Maghreb, une région plus familière des entreprises françaises, le partenariat public-privé (PPP) intéresse les autorités nationales. Le Maroc, par exemple, s’est doté d’un cadre légal sur les PPP, modèle que les sociétés françaises connaissent bien. Dans son plan d’investissement 2013-2016, figurent des programmes d’infrastructures portuaires ou d’alimentation en eau potable avec la création, principalement, d’usines de dessalement d’eau de mer.
De son côté, l’Algérie a adopté un plan quinquennal (2010-2014) d’un montant global de 286 millions de dollars, « dont 70 % consacrés aux infrastructures et au logement », rappelle la CCFA. S’y ajoutent 13,7 milliards de dollars de nouveaux projets, dédiés à l’habitat, la santé, l’hydraulique ou encore l’énergie. Alors que le rythme moyen de construction tourne autour de 170 000 à 220 000 unités par an, au total, 1,2 million de logements doivent être réalisés,.
Parmi les grands projets en Algérie, figurent la Grande Mosquée d’Alger, le nouveau centre de conférences du Club des Pins, l’opéra et la nouvelle aérogare de la capitale et six nouveaux stades. « Le gouvernement a aussi une politique très volontariste en matière de métro et tramway. En particulier, après les tramways d’Alger, de Constantine et d’Oran, l’extension à Oran pour 450 millions de dollars est prévue, tout comme d’autres projets dans d’autres villes », note Thierry Girard.
Malgré la proximité culturelle avec l’Algérie, les PME de l’Hexagone doivent s’entourer de précautions. Comme les règles en matière d’exécution de contrats sont parfois lourdes, elles doivent donc s’acclimater à un environnement des affaires spécifique. Dans la pratique, les procédures peuvent être longues, ce qui peut aboutir à des délais de paiement pouvant facilement atteindre deux ans. La règle du 51/49, qui oblige tout investisseur étranger à céder la majorité d’un projet à des intérêts locaux, doit aussi être respectée.
« NGE a été confronté à ce cas en Arabie Saoudite », relate Thierry Girard, selon lequel « un pacte d’actionnaires clair et précis permet de garder la main ». Comme la prudence s’impose, il faut recourir à des cabinets d’avocats spécialisés. Toutefois, assure Hervé de Charrette, qui préside la CCFA, « la meilleure garantie de travail, c’est encore la qualité de la relation humaine ».
Arabie Saoudite : 61 milliards de dollars pour Riyad
D’après la Chambre de Commerce franco-arabe, les pays du Golfe, sous la pression démographique, « prévoient la construction d’un million de logements sociaux d’ici 2018 et plus de 500 milliards de dollars d’investissements dans les travaux d’infrastructures ». Quelque 61 milliards de dollars doivent aussi être injectés pour doter la capitale d’Arabie Saoudite, Riyad, d’un réseau d’assainissement étendu ou d’infrastructures routières et aéroportuaires rénovées. C’est le projet Medstar, qui intègre aussi les différents modes de transport public, comme le bus, mais surtout le métro – six lignes doivent être construites d’ici 2020, représentant une longueur de 181 kilomètres (km).
Le Qatar a également bâti un méga projet ferroviaire, comprenant plus de 300 km de métro, une ligne à grande vitesse de 180 km, une ligne de fret, une autre ligne de grande distance. Un budget de 25 milliards de dollars a été annoncé. Mais c’est aussi la Coupe du Monde de football de 2022 qui retient l’attention de l’ensemble des investisseurs internationaux, comme le montre le récent Guide Business Qatar publié par Le MOCI (n° 1973 du 16 octobre 2014)
Les Émirats arabes unis présentent aussi de nombreuses opportunités : 7 milliards de dollars d’investissements seront injectés pour équiper Dubaï de bâtiments et d’infrastructures d’accès supplémentaires à l’occasion de l’Exposition universelle de 2020 ; 70 km de métro et 28 km de tramway sont encore annoncés à Abu Dhabi ; dans le secteur ferroviaire, un réseau de 591 km, réservé principalement au fret, doit relier l’ensemble des pays du Golfe. Oman, en particulier, est concerné. Pour réussir son plan Vision 2020, Mascate avance un montant de 15,5 milliards de dollars pour ses voies ferrées.
Le sultanat envisage encore de constituer un grand centre de commerce et d’industrie dans le port de Duqm, naturellement tourné vers l’Inde et l’Afrique de l’Est. Une ville nouvelle doit être érigée et toute une série d’infrastructures : un port en eau profonde, un port sec, etc. Une zone économique spéciale présente également des opportunités dans le raffinage, les mines, le tourisme ou la pêche.
François Pargny