Alors que les nouvelles instances européennes ne sont pas encore en place, près de 800 représentants du monde consulaire de l’Union européenne (UE) et hors UE (Islande, Russie, Israël, Amérique latine…) se sont retrouvés à Bruxelles, les 15 et 16 octobre, pour la troisième édition du Parlement européen des entreprises (après 2008 et 2010). Objectif : faire bouger les lignes en faveur des PME. Mais comment ? La Lettre confidentielle a enquêté dans les coulisses de l’imposante délégations française…
Car pour les Chambres de commerce et d’industrie (CCI), représentées à l’échelon européen par Eurochambres, ce type de rassemblement est d’abord l’occasion de faire passer des messages aux dirigeants européens, députés, membres de l’exécutif, fonctionnaires. CCI France, pour l’Hexagone, pilotait la plus importante délégation nationale (120 délégués). Et malgré une actualité hexagonale marquée par la grogne des CCI vis à vis du gouvernement français en raison de nouvelles ponctions financières sur leurs recettes et leurs réserves, au sein de la délégation française, le message qu’on désirait porter était davantage orienté sur les questions de soutien au développement des entreprises, particulièrement des PME. Avec l’esquisse d’une approche beaucoup moins «défensive» vis à vis des institutions européennes qu’il y a quelques années.
« Dans une UE faite pour le consommateur, soutenant peu son industrie et ne la protégeant pas de l’extérieur, nous n’avons pas d’autre choix, nous représentants de PME, que de nous faire entendre avec nos chambres et de faire du lobbying », a ainsi confié à la LC, Gilles Curtit, président de la CCI de Franche-Comté et directeur général d’Epau-Nova SAS, un fabricant d’épaulettes et d’accessoires textiles à Mathay, comptant 40 salariés et réalisant 50 % de son chiffre d’affaires à l’export.
« Oui, mais il faut que ce lobbying soit constructif », justifiait, de son côté, Bruno Hug de Larauze, président de la CCI des Pays de la Loire, selon lequel « on parle sans arrêt de la complexité à faire bouger les lignes, sans que rien ne change fondamentalement ». P-dg d’Idea, une société de logistique d’une trentaine d’employés à Montoir en Bretagne, il observait que « seuls les puissants parviennent à faire bouger les lignes, ce qui est un vrai problème pour les PME ».
Pour faire entendre la voix des PME à Bruxelles, CCI France entend mobiliser les fédérations consulaires de l’UE. « Il nous faut nous appuyer sur Eurochambres qui est reconnu pour faire remonter les idées de la base », insistait ainsi son président André Marcon devant quelques journalistes, sous l’œil amusé de Pierre-Antoine Gailly, président de CCI Paris Ile-de-France.
Un accord serait ainsi intervenu entre CCI France et ses homologues allemande et autrichienne pour travailler au sein de l’association européenne des chambres sur la normalisation et le protectionnisme déguisé. Ce résultat peut être considéré comme un bon début, mais cette association devra rapidement faire d’autres émules, dans la mesure où elle repose sur l’engagement de deux personnalités déjà très impliquées dans le lobbying européen et international, d’une part, l’Allemand Richard Weber, président d’Eurochambres et de la CCI de la Sarre, et, d’autre part, Christoph Leitl, à la tête de la Fédération autrichienne des chambres (WKÖ) et de la Plateforme globale des chambres (GCP), qui regroupe 16 organisations consulaires nationales et transnationales.
CCI France a bien l’intention de « faire bouger les lignes » en incitant également les chefs d’entreprises à accroître leur présence à Bruxelles. « Constituer un staff de 10 à 20 entreprises ? Non », répond sans ambages André Marcon, qui ne veut pas de responsables devenant des « aficionados du système ». Ce que veut le monde consulaire de l’Hexagone, ce sont des groupes de travail capables d’émettre des propositions très précises, comme sur les normes, y compris sociales et environnementales.
« Ce que je ressens, c’est que l’Europe, c’est très important, mais qu’en même temps on est déjà très concentré sur nos boutiques. Il faut maintenant appuyer sur la pédale européenne » et dépasser le fait que dans l’Hexagone « faire du lobbying, c’est encore très mal vécu », assure le patron des chambres françaises. A cet égard, se félicite-t-il, les comportements évoluent doucement. « La crise a du bon, selon lui. Si les entreprises ont vécu seules, souvent confortablement », maintenant « elles demandent, parce qu’elles en ont besoin, à travailler en équipe ». C’est le cas quand « elles opèrent au sein des pôles de compétitivité » ou « se rassemblent en grappe ».
De notre envoyé spécial à Bruxelles
François Pargny