Comprendre la politique économique de Pékin n’a jamais été chose aisée et les milieux d’affaires français s’interrogent sur plusieurs de ses volets. « Aujourd’hui, la Chjne est à un carrefour entre deux modèles », expliquait à la Lettre confidentielle Christophe Cheyroux, représentant en Chine du groupement d’intérêt économique (GIP) des ports du Havre, de Rouen et de Paris (Haropa), en marge d’une rencontre sur les échanges internationaux, organisée par Horopa, à Paris le 30 septembre.
Le premier modèle, c’est le soutien à l’exportation, celui qui a fait son succès, le second, celui à la consommation. Mais il semble que Pékin hésite encore entre les deux.
Aujourd’hui, certains pensent que la demande intérieure peut prendre le relais avec une classe moyenne qui augmente, au moment où la croissance économique n’atteint plus la barre des 10 % depuis plusieurs années. « 7,7 % comme en 2012 et 2013, 7,5 % comme le prédit cette année le gouvernement, c’est bien. On considère qu’il faut entre 7 et 8 % pour absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail. Pour autant, avec 7,5 % on ne va pas dans la bonne direction », constate Christophe Cheyroux.
Donner un second souffle aux exportations
Pour donner un second souffle aux exportations, Pékin envisage de créer une zone de libre échange à Shanghai. « Mais le projet semble encore très flou, indiquait récemment à la LC un industriel qui suit le dossier. De ce que nous savons, ajoutait-t-il, c’est qu’il s’agirait de donner le même type d’avantages que dans les autres zones de libre échange dans le monde, mais qu’une partie de la production sur place serait réservée pour le marché local ».
Mais le plus important à résoudre sera le sort de la monnaie nationale, le renminbi (RMB). Dans le projet, le RMB serait convertible, une option, selon l’interlocuteur de la LC, à laquelle la Banque centrale « est fortement opposée, craignant une envolée du RMB qui est à l’heure actuelle sous-évalué ».
Christophe Cheyroux fait remarquer, pour sa part, que la Chine « n’est plus un pays low cost » et que « son développement passe obligatoirement par une montée en gamme ».« Les salaires augmentent de 10 % par an et les entreprises se délocalisent vers le centre et le centre-est, préférant maintenant éviter la côte est devenue très chère, également avec des coûts de matières premières élevés », précise ce Français établi depuis une vingtaine d’années dans le pays. De nombreuses entreprises françaises se sont ainsi installées dans le sillage de PSA du côté de Wuhan ou encore Foxconn, le sous-traitant taïwanais d’Appleet de Sony, s’est implanté dans le centre de la Chine.
Inquiétudes sur les arrières-pensées de la campagne anti-corruption
Alors que ce mouvement est loin d’être achevé – seul l’ouest du pays ne semble pas devoir présenter un intérêt en raison de la grande distance le séparant des ports de l’est – la communauté d’affaires étrangère ne cache plus son inquiétude face aux arrières-pensées prêtées aux autorités chinoises à travers la campagne anti-corruption lancée ces derniers mois. Car depuis, les amendes commencent à pleuvoir sur des groupes internationaux, comme le géant pharmaceutique GSK, condamné récemment à payer 378 millions d’euros pour corruption.
« Ce que l’on soupçonne derrière ces attaques, c’est la volonté de l’Etat de protéger des sociétés locales résistant mal à la concurrence internationale ou d’appuyer l’émergence de champions nationaux », lâche à la LC un fonctionnaire européen. Pourtant, la Chine doit pouvoir compter sur les investisseurs étrangers pour monter en gamme.
François Pargny