Le Burkina Faso recueille les fruits de sa bonne gestion économique et budgétaire, comme le montre la hausse de son produit intérieur brut, de 7 à 9 % entre 2012 et 2014. Une croissance qui a aussi bénéficié de l’appui croissant des bailleurs de fonds internationaux et du boom de la production aurifère.
Fait notable en Afrique, la Chine est absente du Burkina Faso. Le « pays des hommes intègres » accueillant une ambassade de Taïwan, « province rebelle » de l’ex-Empire du Milieu, Pékin n’entretient aucune relation avec cette nation du continent. Débarrassée de la menace chinoise, bien présente dans toute l’Afrique, la France domine avec une part de marché de 15 % dans les importations burkinabés.
D’après le Service économique (SE) à Ouagadougou, « entre 2012 et 2013, « les exportations françaises à destination du Burkina Faso sont passées de 262,5 millions d’euros à 331,9 millions, enregistrant une progression de 26,4 % ». Outre la livraison exceptionnelle de deux Falcon d’occasion, ce qui compte est le fait que les projets de mines et d’infrastructures, qui génèrent de la croissance, portent l’activité des équipementiers français.
Par ailleurs, si la France ne dispose pas de champions pour opérer dans les mines, en revanche, elle est présente dans tous les grands programmes d’infrastructures, comme le montre le projet du nouvel aéroport de la capitale, sur le site de Donsin, pour lequel plusieurs sociétés françaises (Vinci, Aéroport de Marseille-Marignane…) devraient soumissionner. Seule entreprise non française ayant marqué son intérêt, le canadien SNC Lavalin devrait faire les frais d’une affaire de plagiat agitant aujourd’hui le groupe dans son pays d’origine.
D’après les Perspectives économiques 2014 en Afrique, publiées conjointement par la Banque africaine de développement (Bad), l’OCDE et le Pnud, « les grands travaux pour la réalisation des pistes d’atterrissage devraient commencer en 2014 et le chantier devrait être totalement achevé en 2017 ». Les institutions rappellent, au passage, que, dans le cadre du programme d’infrastructures intégré à la stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD), « les réalisations portent sur les travaux de construction (bâtiments-routes) dans le cadre des festivités de l’indépendance du pays et le bitumage des routes (Dedougou-Nouna-frontière du Mali, Ziniaré-Zitenga, Boromo-Sakoinsé) ».
Ouagadougou reçoit environ 1 milliard de dollars par an d’aide au développement, « une somme qui tend à augmenter et est bien décaissée », observe Pascal Carrère, le chef du SE. Le taux de retard des projets ne dépasserait pas un an, une performance par rapport aux pays voisins. Le Burkina Faso utilise les fonds internationaux pour financer ses infrastructures, alors que ses performances pourraient l’inciter à utiliser ses ressources propres. « Le pays est bien géré, le déficit budgétaire n’excédant pas 3 % du produit intérieur brut (PIB), et la croissance est élevé dans un cadre macroéconomique stabilisé », constate encore Pascal Carrère.
D’après les Perspectives économiques 2014 en Afrique, « en 2014, le pays va maintenir un rythme de croissance forte, de 7 % », après une hausse du PIB de 9 % en 2012 et de 6,9 % en 2013. Les grands bailleurs de fonds sont la Banque mondiale, l’Union européenne, la Bad et l’Agence française de développement (AFD). Ils financent routes, barrages, interconnexions ou centrales électriques.
S’agissant de l’aéroport de Donsin, les travaux d’infrastructure sont financés par la Banque mondiale. Le gouvernement burkinabé prévoit la fondation d’une société d’économie mixte (SEM) pour financer et réaliser la partie privée du projet, comprenant divers lots – bâtiments commerciaux, zone de fret, zone de stockage des carburants – les concessions pour 30 ans de l’actuel ouvrage ainsi que du nouvel ouvrage. L’idée de départ était qu’un investisseur privé international de référence prenne 60 % du capital de la SEM et le secteur privé national 25 %, l’État restant très minoritaire avec 10 % et l’organisme de navigation et sécurité aérienne Asecna complétant avec 5 %.
Une autre raison de la bonne tenue de l’économie burkinabé est la production aurifère. Valorisé depuis 2007, l’or est devenu le premier produit d’exportation. Dans les perspectives économiques en Afrique, il est indiqué que « sa part dans les exportations a représenté 72 % en 2013 ». La production est ainsi passée d’une tonne en 2000 à 42,8 tonnes l’an dernier.
Autre développement à suivre, le pôle de croissance de Bagré, un modèle de cluster cher à la Banque mondiale. Spécialisé dans l’agroalimentaire, Bagrépôle a été lancé en avril 2013. Ouvert en octobre de la même année sur le pôle de croissance, l’Institut de formation en développement rural (Foder) a été officiellement inauguré par le Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, le 27 janvier dernier. La première promotion compte 140 apprenants de 32 provinces, suivant une formation d’ouvrier qualifié ou d’agent de développement rural ou un programme dédié à l’enseignement des techniciens supérieurs.
Pour autant, le pays des hommes intègres demeure un État pauvre : chaque habitant dispose en moyenne de 1,5 euro par jour. Or, dès l’an prochain, le Burkina Faso devrait être confronté à un redoutable problème, avec l’instauration d’un nouveau tarif extérieur commun (Tec) dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), dont il est membre, élargi à la Communauté économique et de développement des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Jusqu’à présent, l’Ueoma fonctionnait correctement, avec des tarifs douaniers relativement bas, parce que tous les pays membres, partageant la même monnaie, le franc CFA, importent et exportent grosso modo les mêmes produits. Dans six mois, un géant, le Nigeria, puissant et peuplé, va faire irruption, risquant de déstabiliser l’agriculture et l’industrie balbutiante de ses voisins francophones, de menacer les services qui commencent à s’y développer.
Au siège de l’Uemoa, à Ouagadougou, « on est muet sur le sujet », confie-t-on au Moci, ou c’est un commentaire laconique qui vous est adressé sous couvert de l’anonymat pour assurer que ce Tec devrait être repoussé « de cinq ans ». Pour un petit pays comme le Burkina Faso, qui importe trois fois plus qu’il exporte, ce laps de temps serait indispensable, même si les droits de douane retenus dans l’Union élargie – cinq au total : 0 %, 5 %, 10 %, 20 % et 35 % –ont été conçus pour que les populations puissent bénéficier des importations à prix réduits, les tarifs douaniers ayant même été diminués pour les produits essentiels.
Le langage est différent du côté des bailleurs de fonds, qui pointent le fait que le Burkina Faso ne respecte pas le Tec de l’Uemoa, certains droits de douane étant différents, que des autorisations préalables à l’importation et des barrières non tarifaires sont aussi maintenues, notamment dans le transport routier (barrages illégaux…). En outre, ils espèrent que la mise en vigueur du nouveau Tec poussera le projet d’Accord de partenariat économique (APE) régional avec l’Union Européenne.
« Au plan politique, le climat social est resté tendu en 2013 à cause de la cherté de la vie et de la volonté politique des autorités en place de réviser la Constitution du pays pour permettre au président actuel de briguer un cinquième mandat », notent dans les perspectives économiques en Afrique les bailleurs de fonds, qui estiment que « la perspective de la prochaine élection présidentielle de 2015 constitue une période à risque pour le pays » et que « le principal défi » sera alors « de réussir une transition politique apaisée ».
Selon un observateur étranger, « les tensions sociales ne sont pas politiques », mais résulteraient plutôt du déséquilibre démographique du pays des hommes intègres, les moins de 25 % qui constituent 70 % de la population, contestant de plus en plus une société traditionnellement dirigée par les anciens et où ils ne trouvent pas de travail. Il ne pense pas que les relations puissent s’envenimer « entre le pouvoir du chef de l’État Blaise Compaoré et son opposition au point de provoquer un embrasement »… « sauf, si l’élection sert de défouloir à la population », nuance-t-il prudemment.
François Pargny
Chiffre clés
Superficie : 274 500 km²
Population : 16, 8 millions d’habitants (FMI, 2013)
Croissance démographique : 3,1 % (Banque Mondiale, 2013)
Classement Transparency International : 83e sur 177 pays (2013)
Produit intérieur brut (PIB) : 12 milliards de dollars (FMI, 2013)
PIB par habitant : 729 dollars (FMI, 2013)
Source : Perspectives économiques 2014 en Afrique.