Dans l’histoire du microcosme français du commerce extérieur, la signature d’un accord de partenariat entre l’agence publique Ubifrance et l’assureur-crédit privé Euler Hermes, le 25 juillet 2013, est à marquer d’une pierre blanche. Car c’est bien la première fois que Coface voit ainsi ce qu’il faut bien appeler son pré-carré entamé.
L’accord porte sur deux aspects : la mise en place par Euler Hermes d’une offre de recouvrement international dédié aux « clients » d’Ubifrance, et la promotion réciproque par les deux organismes des services d’accompagnement à l’international de chacun.
« Il ne faut pas voir les choses forcément sous cet angle, se défend Jocelyne de Montaignac, directeur Commercial et marketing d’Euler Hermes France. Ce partenariat est pour moi naturel car j’ai beaucoup travaillé par le passé avec Christophe Lecourtier, l’actuel directeur général d’Ubifrance et Denis Tersen, l’actuel directeur de cabinet de la ministre du Commerce extérieur au début des années 2000, dans le cadre des réflexions qui étaient menées à l’époque, à Bercy, sur comment aider les PME à aller à l’export. La survenance de la crise nous a empêchés de le faire plus tôt. »
Dans les milieux d’affaires,
l’expression « contrat cofacé » était passée dans le langage courant
Il n’empêche, dans l’esprit de beaucoup de dirigeants d’entreprises françaises, l’assurance-crédit à l’export, peu importe qu’elle soit proposée dans le cadre de ses activités privées ou pour le compte de l’Etat, c’est Coface. A tel point que dans les milieux d’affaires, l’expression « contrat cofacé» était passée dans le langage courant.
Jocelyne de Montaignac le reconnaît : « C’est un peu le poids de l’histoire. Il y a encore 15 ans Coface était le seul assureur-crédit sur l’export. Et il y a eu longtemps une confusion entre ce que Coface fait pour son compte propre et ce qu’elle fait pour le compte de l’Etat : moi-même avant de rejoindre Euler Hermes en 2006, je ne faisais pas forcément la différence. Puis les choses ont évolué : notre groupe s’est internationalisé dans les années 90-2000 et réellement structuré à partir de 2006, les gens ont commencé à reconnaître notre expertise sur l’export, de son côté Ubifrance s’est modernisée. »
Historiquement en effet, la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface), créée en 1946 par l’Etat pour soutenir les exportateurs français, a eu un quasi-monopole de l’assurance crédit export les quarante années suivantes dans un contexte où l’offre privée était rare. Coface a d’ailleurs longtemps été en partenariat avec la Sfac–devenue depuis Euler Hermes France- gérant les volets export des polices de ses clients.
Euler Hermes veut renforcer
sa légitimité et sa visibilité sur l’export
Puis, avec la création du marché unique européen et l’instauration de la libre circulation des services tout cela a volé en éclat dans les années 2000 : Coface, privatisée et entrée en bourse, s’est attaquée au marché domestique français ; la Sfac, passé dans le giron du pôle assurance-crédit du géant allemand de l’assurance Allianz, s’est attaquée au marché export.
Mais Coface, aujourd’hui contrôlée à près de 100 % par le groupe bancaire français Natixis, qui prépare sa mise en bourse, a continué à gérer les aides d’Etat destinées aux exportateurs sous la forme d’assurance-crédit et de garanties dans le cadre d’une convention tri-annuelle avec l’Etat. C’est elle qui gère, notamment, l’assurance prospection, le produit phare pour les PME.
A défaut de lui ravir cette activité historique, Euler Hermes veut donc renforcer sa légitimité et sa visibilité sur le marché de l’assurance-crédit export auprès des entreprises françaises. Le partenariat avec Ubifrance –qui cherche, elle, à diversifier ses offres de services aux entreprises dans le cadre sa nouvelle mission d’accompagnement sur mesure des PME et ETI – tombe à point nommé.
« Nous espérons toucher plus de PME », confirme Jocelyne de Montaignac, qui veut croire que son groupe a conquis sa légitimité sur l’export. « Notre groupe a aujourd’hui un vrai poids en France et à l’export : Euler Hermes détient une part de marché de 36 % au plan mondial et en France, elle atteint 54 %. Notre agence grands compte, Euler Hermes World Agency, a également atteint, en 4 ans seulement, 34 % de part de marché sur les multinationales. En France, l’international représente plus du tiers de notre production nouvelle aujourd’hui et il augmente de près de 40 % depuis plusieurs années. »
En restera-t-elle là ? D’autres partenariats avec des organismes publics sur l’export sont-ils envisagés, par exemple avec Bpifrance ? « Bpifrance, pourquoi pas ? Mais il faut d’abord faire vivre les partenariats signés. Je crois énormément dans celui qui vient d’être signés avec Ubifrance. »
Christine Gilguy