« Des arbitrages politiques doivent être faits, j’avoue qu’on est impatient ». En visite à Paris la semaine dernière, Jean-François Lisée, ministre québécois des Relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur, ne cachait pas pas son impatience de voir signé l’accord de libre échange entre le Canada et l’Union européenne, dans un entretien exclusif accordé à la Lettre confidentielle le 12 avril. D’autant plus que « nous sommes totalement partie prenante », insistait le ministre québécois, rappelant non sans une pointe de fierté que c’est à l’initiative du Québec que la Confédération canadienne s’était rapprochée de l’Union européenne pour lancer des pourparlers il y a quelques années.
Aujourd’hui, alors que la conclusion de l’accord entre Ottawa et Bruxelles, promis pour fin décembre 2012, est reportée de mois en mois, le lancement en février 2013 des pourparlers UE / Etats-Unis pour un partenariat transatlantique rend urgent un aboutissement. « Le début des discussions avec les Etats-Unis doit être vu comme une pression sur les négociateurs » admet Jean-François Lisée. Mais, remarque-t-il aussi, « nous avons réussi à nous entendre sur une formulation pour le respect de l’exception culturelle qui pourra être utilisée par les Européen dans leurs négociation avec les Etats-Unis.
Les derniers points de blocage dans les négociations entre Ottawa et Bruxelles – la question du boeuf, du matériel roulant, l’ouverture des marchés publics dans les provinces canadiennes…- ne concerne pas directement le Québec aujourd’hui si l’on en croit le ministre. « Les marchés publics au Québec, c’est environ 10 milliards de dollars par an. Nous avons eu des difficultés avec des sociétés qui essayaient de s’entendre et nous voyons d’un oeil favorable l’arrivée de compétiteurs étrangers », explique-t-il, ajoutant qu’il faut toutefois mettre en place un mécanisme permettant de prouver l’intégrité des compétiteurs et qu’au Québec, « la langue de travail est le français ».
Des produits québécois subissent entre 6 et 14 % de droits de douane
« C’est un très gros enjeu pour nous car de nombreux produits exportés
par le Québec comme les meubles, la confection, l’aluminium, subissent
des droits de douanes de 6 à 14 % dans l’Union européenne, estimait encore le ministre québecois. Cet accord doit nous permettre de renforcer nos parts de marché. On a tout à gagner ». Le Québec mène depuis quelques années une politique de diversification de ses exportations dans l’objectif de réduire sa dépendance aux Etats-Unis, dont la conjoncture est morose. « En 10 ans, entre 2002 et 2012, la part des Etats-Unis est passée de 84 % à 68 %. Si nous n’avions pas aussi bien diversifié nos exportations, nous irions plus mal, souligne Jean-François Lisée. Depuis 2008, 40 % de la croissance de nos exportations se fait dans les BRICS ».
Dans ce contexte, un accord de libre échange avec l’Union européenne serait le bienvenu. En attendant, la province francophone, dont le gouvernement actuel est proche, politiquement, des socialistes français, continue à tisser sa toile dans l’Hexagone en s’appuyant sur les Régions. Quelques six « ententes de coopération » avec des régions françaises, axés sur les échanges universitaires et technologiques, sont actuellement en cours : Alsace; Aquitaine (tout juste renouvelé); Île-de-France; Midi-Pyrénées; Poitou-Charentes; Rhône-Alpes.
Avec la régionalisation de l’action économique en France, ils pourraient prendre un tour encore plus économique. A cet égard, Jean-François Lisée n’a pas manqué de citer en exemple le partenariat existant entre l’agence rhône-alpine Erai et Expansion Québec en matière de réseau d’incubateurs à l’étranger : Erai met ses 28 bureaux à l’étrangers à la disposition d’Expansion Québec tandis que l’agence québécoise s’est engagée à se doter d’un réseau de bureaux à l’étranger qui pourront être utilisés par Erai. « Nous nous sommes engagés à ouvrir 15 bureaux qui seront à la disposition d’Erai : le premier a été inauguré à New-York l’an dernier, on va ouvrir en Californie et au Brésil et nous regardons en Afrique » a précisé le ministre.
Christine Gilguy