Avec des ventes stables en volume (5,57 millions d’hectolitres) et en très légère baisse (-1,4 %) en valeur (4,24 milliards d’euros), bordeaux aura connu une petite année 2013. Mais chacun sait que ce maintien ne pourrait être qu’un sursis.
Bernard Farges (notre photo) s’attend ainsi à « de mauvais chiffres en 2014 ». Selon le président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), « la petite récolte 2013 » et le fait « que l’on ait vendu pendant trois ans plus qu’on produisait vont forcément se répercuter ».
D’où la création à la fin de l’année dernière du contrat pluriannuel (trois ans), « un poumon d’expiration et de contraction » pour la profession, engageant viticulteurs, courtiers et négociants dans la recherche d’un équilibre du marché, expose Alan Sichel, le vice-président du CIVB. Lors de la présentation du bilan 2013 du bordelais, le 13 mars à Paris, Bernard Farges estimait à une cinquantaine de ces contrats alors signés pour un volume global de 50 000 hectolitres (hl), dont 60 % en rouge, 30 % en blanc et 10 % en rosé.
Chine et Hong-Kong : le quart du volume total exporté
Seconde source d’inquiétude, l’export et plus particulièrement le marché de la Chine et de Hong-Kong, qui absorbe environ le quart des livraisons de bordeaux à l’étranger. Quand la commercialisation du bordeaux dans le monde a diminué de 2 % en volume (2,31 millions hl) et 6 % en valeur (2,14 milliards d’euros), les quantités livrées en Chine continentale, premier pays en volume (452 000 hl), ont chuté de 16 %. Leur valeur a aussi été réduite de 18 % dans ce pays, deuxième débouché quant au chiffre d’affaires (279 millions d’euros), derrière le Royaume-Uni (371 millions d’euros).
« Nous enregistrons depuis quelques mois une diminution de nos exportations. (…) Le net ralentissement vers la Chine est surtout lié au changement de politique du gouvernement, qui a la volonté d’encadrer plus sévèrement la pratique des cadeaux et repas d’affaires. Il s’explique aussi par l’incertitude liée à l’enquête anti dumping menée par la Chine sur les vins européens », affirme Bernard Farges.
Le premier atout du bordeaux : une gamme complète
En Chine, 80 % des produits commercialisés sont les bordeaux et bordeaux supérieur, les mesures engagées par Pékin depuis 2013 ayant pour effet de freiner la percée des grands crus. « Statistiquement, il y a encore de fortes chances qu’on soit pénalisé », pronostique Alan Sichel. Et comme « chacun est conscient qu’on ne peut continuer sur la pente ascendante de ces dernières années en Chine », il faut « plutôt resserrer l’identité, l’image ou le positionnement prix dans l’imaginaire du consommateur ».
En outre, s’il reconnaît que la nouvelle politique de Pékin à l’encontre des Européens « agit comme une épée de Damoclès », le vice-président du CIVB note que bordeaux possède une palette complète, allant de l’entrée gamme aux très grands crus, en passant par le moyen et le haut de gamme, et que le cœur de gamme continue à progresser en Chine. D’après lui, « le marché y a besoin de gagner en stabilité et la distribution en professionnalisme ».
Hormis en Chine, la quantité de produits expédiés à l’étranger a reculé en Belgique (- 6 %), au Japon (- 4 %), à Hong-Kong (- 23 %)au Canada (- 4 %), aux Pays-Bas (- 2 %) et en Suisse (- 4 %). A l’inverse, elle a progressé en Allemagne (+ 5 %), deuxième pays en volume (267 000 hl), au Royaume-Uni (+ 18 %), numéro trois (263 000 hl), et aux États-Unis (+ 3 %), sixième en volume (180 000 hl) et quatrième en valeur (200 millions d’euros).
États-Unis : le choix du bon partenaire, la défense des IG et de la mention château
« Les États-Unis sont un pays de culture avec un fort pouvoir d’achat où l’on fait de plus en plus un travail régional », a commenté à Paris Alan Sichel. Comme « il y a un manque de perméabilité entre divers États », le vice-président du CIVB conseille d’y travailler « moins avec des distributeurs nationaux qu’avec des importateurs plus régionaux ».
Répondant à une question du Moci sur le projet de partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (TTIP), en négociation entre les États-Unis et l’Union européenne, Bernard Farges a indiqué que la France lutte pour la reconnaissance des indications géographiques (IG) et de la mention château, qui désigne en France – comme en Italie et au Luxembourg -un vin d’appellation d’origine contrôlée issu à 100 % de raisins récoltés et vinifiés sur la propriété.
Ce n’est pas le cas aux États-Unis, où le produit peut provenir de nombreux fournisseurs.« Il ne s’agit pas d’interdire la mention château aux vins produits aux États-Unis et exportés en Europe, si elle n’est pas dévalorisée », précise le président du CIVB, qui demande donc à ce qu’elle soit « protégée ». Pour lui, c’est dans l’air du temps. « Avant 2008, la tendance était aux cépages, au concept industriel en provenance de l’hémisphère sud. Aujourd’hui, il y a un retour vers le terroir ».
François Pargny