Présenté mercredi 22 janvier à Bruxelles, le paquet énergie-climat à l’horizon 2030 effraie les industriels et déçoit les défenseurs de l’environnement.
Après d’âpres négociations en interne, la Commission a finalement décidé de fixer le seuil de 40 % pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030. La part des énergies renouvelables a été portée à 27 %, mais cette fois l’objectif n’est pas contraignant. Les Etats membres peuvent ou non décider de s’y conformer. Même chose pour le gaz de schiste.
Dans une communication annexe, l’exécutif européen laisse la voie libre à son exploitation en Europe à condition de respecter des « principes communs » minimaux, notamment sanitaires et environnementaux.
BusinessEurope dénonce la position de « leader solitaire »
Si la puissante organisation patronale, BusinessEurope reconnaît que la Commission a mieux pris en compte que par le passé les défis auxquels sont confrontés les entreprises, elle s’inquiète de la position de « leader solitaire » de l’UE. « Le niveau global d’ambition pour une cible 2030 de réduction des gaz à effet de serre n’est réaliste que si un accord international sur le climat peut être conclu en 2015 », souligne un communiqué de la fédération.
A la veille de la publication du paquet par la Commission, 14 dirigeants de grands groupes européens, fortement consommateurs d’énergie, avaient également formulé leurs recommandations dans un courrier directement adressé à José Manuel Barroso. Ces patrons d’entreprises – parmi lesquelles figurent Lafarge, Air Liquide, Solvay ou l’Allemande BASF – insistaient sur la nécessité de fixer des « objectifs réalistes » et suggéreaient de mobiliser toutes les énergies compétitives, « y compris le gaz de schiste ».
Au sein même de l’exécutif européen la bataille aura duré jusqu’au bout entre les défenseurs du climat – notamment la Commissaire Connie Hedegard – et ceux qui favorisent la compétitivité industrielle de l’Europe, à savoir Antonio Tajani et Günther Oettinger, en charge respectivement de l’Industrie et de l’Energie. Si les premiers l’ont finalement emporté c’est grâce au soutien des plus grands pays de l’UE – France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne – qui dans une lettre commune, envoyée il y a 10 jours à Bruxelles, avaient officiellement soutenu des objectifs « ambitieux » permettant à l’UE de préserver son leadership mondial sur le dossier.
Les « pro-défense de l’environnement » insatisfaits
Le compromis n’a pas pour autant satisfait les lobbyistes engagés dans la défense de l’environnement. S’ils estiment que le seuil minimum de réduction des GES devraient être fixés à 50 %, ils s’indignent des recommandations non contraignantes de la Commission quant à l’exploitation du gaz de schiste en Europe. «La proposition de la Commission ne fournit pas les règles solides que réclamaient la Commission elle-même, dans son évaluation d’impact, le parlement européen, les sondages et l’Agence internationale de l’énergie. Le manque de courage des dirigeants européens, incapables de résister à la pression de l’industrie, va galvaniser notre campagne en faveur d’une interdiction totale de la fracturation hydraulique », prévient Geert de Cock de Food & Water Europe. Les ONG accusent aussi le Royaume-Uni, la Pologne et la Roumanie d’avoir joué un rôle décisif pour saper tout projet de législation.
Lors du Forum économique de Davos, José Manuel Barroso a défendu le compromis désormais sur la table. « 2014 est en fait l’année clé ; si l’on veut être prêt pour 2015, pour la conférence de Paris où des décisions historiques vont être prises, c’est maintenant qu’il faut se préparer », s’est-il justifié. Faute de contenter tout le monde, le Président de l’exécutif européen a obtenu le soutien officiel de l’ONU et de la Banque mondiale : « Je félicite la Commission européenne pour son leadership (…) En septembre, j’accueillerai un sommet climatique à New York. Je demande aux gouvernements, aux entreprises et au monde de la finance de venir avec des annonces et des actions courageuses car la conclusion d’un accord mondial va requérir un leadership politique », a déclaré Ban Ki-moon.
K. L., à Bruxelles