Avant l’ouverture du World Retail Congress, le 7 octobre à La Défense, le cabinet d’audit et de conseil Deloitte a dévoilé un rapport de son Centre de recherche international et de la société spécialisée Planet Retail sur la distribution mondiale à l’horizon 2020, visant à montrer qu’au-delà des BRIC (Brésil-Russie-Inde-Chine) d’autres marchés méritent l’intérêt des distributeurs et producteurs de biens de consommation (lire le communiqué de presse sur l’étude en fichier joint).
En l’occurrence, dix pays ont été sélectionnés, présentant des opportunités soit à court terme – Allemagne, Japon, Mexique – soit à moyen terme – France, Italie, Espagne, Royaume-Uni, Brésil – ou encore, plus étonnant, à long terme – Iran et Pakistan.
Ainsi, en Allemagne, Deloitte parie sur la fin de l’austérité gouvernementale, avec une augmentation des dépenses et des salaires. « La hausse de pouvoir d’achat va alors se faire dans un contexte de reprise de l’économie, la croissance devant réellement décoller à partir de l’an prochain », selon Antoine de Riedmatten, associé chez Deloitte, responsable mondial du pôle Consumer business (notre photo).
Japon : des magasins pour les seniors et les actifs
Quant au Japon, les auteurs du rapport estiment que la distribution va y connaître un début de reprise. Les causes de ce rebond seraient diverses : les mesures du gouvernement pour stimuler la demande et l’économie, sa politique monétaire agressive, dont profitent aujourd’hui les exportations et la Bourse, et l’élan donné à l’économie par les Jeux Olympiques d’été en 2020.
« Au Japon, les personnes âgées, de plus en plus nombreuses dans l’archipel, font leurs courses le matin, alors que la population active se déplace plutôt le soir. Les magasins sont obligés de s’adapter à la demande et se transforment ainsi en conveniences stores », constate Antoine de Riedmatten. En particulier, comme les horaires des banques (10h-15h) sont inadaptés au besoin de leur clientèle, certains distributeurs ont équipé leurs magasins de guichets automatiques permettant aux clients d’effectuer des opérations bancaires, comme le paiement des factures d’électricité.
Enfin, le Mexique, où selon le rapport de Deloitte et de Planet Retail, la distribution s’est rapidement consolidée depuis 2022, grâce à son dynamisme économique et sa population jeune (45 % âgée de moins de 25 ans). « Ce pays redevient l’usine des États-Unis, car on y trouve une main d’œuvre qualifiée. Il y a aussi un rapprochement politique entre Mexico et Washington et des gains de compétitivité enregistrés par rapport à la Chine.
Enfin, le gaz de schiste permet d’obtenir une énergie moins chère, ce qui se traduit par de la création d’emplois, donc une hausse du pouvoir d’achat, notamment d’une population jeune qui est très acheteuse », explique Antoine de Riedmatten.
Brésil : la consommation doit dépasser 6 %
Autre nation d’Amérique latine, le Brésil offrira des opportunités aux investisseurs, une fois réglée toute une série d’obstacles conjoncturels (inflation, dépréciation de la monnaie, ralentissement de la croissance économique, etc.), estime les auteurs du rapport Horizon 2020. A moyen terme, comme il n’y a pas de risque de retour à l’hyperinflation et qu’il y a un fort accroissement de la population en âge de travailler, le géant sud-américain offre aussi des opportunités, « à condition que la croissance économique dépasse la barre des 6 % pour que soient accueillis les jeunes qui arrivent sur le marché du travail », tempère Antoine de Riedmatten.
En Europe, « comme l’euro va gagner, soutient le responsable de Deloitte, la France, deuxième marché européen après l’Allemagne et première destination touristique mondiale, offrira aussi des opportunités, une fois le marché du travail libéré ». En Italie et en Espagne, la fin prochaine de la politique d’austérité budgétaire permet d’imaginer une hausse de la consommation à moyen terme. Il en est de même au Royaume-Uni, où les conditions de reprise sont déjà visibles : création d’emplois dans le secteur privé, normalisation des conditions d’accès au crédit, augmentation des salaires.
Les choix effectués par le cabinet international ne signifient pas que d’autres marchés ne sont pas aussi porteurs pour les exportateurs et les investisseurs. A cet égard, son responsable mondial pour les produits de consommation cite le Vietnam, un État peuplé de 100 millions d’habitants, « certes, encore handicapé par les incertitudes politiques, mais où, assure-t-il, il faut, dès maintenant, occuper des positions ». « Il y a peu d’acteurs aujourd’hui, mais pour ceux qui attendront que le marché soit mâture, prévient Antoine de Riedmatten, le ticket d’entrée sera bien plus élevé ».
Iran : la situation va changer dans cinq ans
L’intérêt pour les distributeurs occidentaux de s’intéresser à des marchés peu prospectés est qu’ils ne sont pas confrontés à une concurrence de plus en plus vive de champions locaux dans les marchés émergents. Or, aujourd’hui, leur croissance ne peut venir que des marchés extérieurs.
C’est ainsi qu’à long terme Deloitte table sur l’Iran, un État de 77 millions d’habitants. « La situation géopolitique peut changer et la diplomatie américaine peut apporter des surprises. Le marché est fermé parce que Washington en a décidé ainsi, mais rien ne dit que demain Satan ne devienne pas un allié », avance Antoine de Riedmatten, qui prévoit une ouverture du pays d’ici à cinq ans. Le terreau est favorable à la consommation et à la distribution de masse, avec l’existence de zones urbaines significatives et d’une classe moyenne. Déjà de nombreuses entreprises américaines auraient pris des contacts sur place.
Peuplé de 190 millions d’âmes, le Pakistan possède également de grands centres urbains susceptibles d’abriter des hypermarchés, des centres commerciaux et des magasins de proximité. Même si la sécurité est un handicap réel, Deloitte estime que le véritable obstacle au développement de ce pays est sa relation conflictuelle avec le voisin indien.
Le cabinet international ne nie pas non plus les difficultés (pauvreté, croissance faible, inflation élevée, infrastructures déficientes, démographie galopante…), mais il pense aussi que le Pakistan possède de grands atouts (qualité de l’éducation, faibles salaires à l’export) qui le rendent attractif.
La classe moyenne peut encore croître et l’instabilité être éliminée. Comme en Iran, Antoine de Riedmatten conseille de regarder avec attention l’évolution diplomatique dans le pays et la région.
François Pargny