Les chambres de commerce et d’industrie de région de Haute et de Basse-Normandie s’apprêtent à mutualiser leurs dispositifs de soutien aux entreprises exportatrices. Une démarche que les acteurs économiques appellent de leurs vœux. Car si la Normandie est administrativement double, elle ne fait qu’une à l’export.
Une bizarrerie administrative. Depuis le début des années 1960, la région, qui partage un même patrimoine historique est scindée en deux entités. À cette division s’ajoute une partition économique. D’un côté la Haute-Normandie et Rouen, une activité industrielle conséquente, deux ports importants et une richesse qui contraste avec les difficultés que rencontre la Basse-Normandie, région fortement agricole, où l’industrie semble se résumer à l’agroalimentaire et dont la capitale, Caen, n’est pas reliée au TGV.
Ce qui n’empêche pas les entreprises de la région de partir à la conquête de nouveaux marchés. « Nous avons organisé avec la CCI l’opération Tremplin en Amérique du Nord. Huit PME bas-normandes y ont participé, ce qui est beaucoup compte tenu du potentiel de la région, précise Didier Bourguignon, directeur interrégional d’Ubifrance ». Au total, en 2010, Ubifrance a réalisé 223 accompagnements de PME en Haute-Normandie (147 de janvier à septembre 2011), et 219 en Basse-Normandie (180 de janvier à septembre 2011).
En outre, les deux régions affichent des complémentarités qui ne demandent qu’à s’étoffer. Le secteur haut-normand de l’emballage complète l’agroalimentaire bas-normand. Les deux régions disposent de filières aéronautiques qui travaillent déjà sans se soucier des frontières administratives en organisant ensemble leur prospection à l’international. Récemment, un projet d’envergure a souligné la nécessité de penser la région dans son ensemble. Areva va en effet implanter au Havre un site d’assemblage de nacelles et de fabrication de pales d’éoliennes, destinés aux trois futurs parcs éoliens offshore de la région. L’un d’eux se situera en Basse-
Normandie (Courseulles-sur-Mer) et les deux autres en Haute-Normandie (Fécamp et Le Tréport). Pour éviter des complications administratives lors du lancement des appels d’offres, par exemple, une seule région est tout simplement plus pratique. Le site du Havre est également destiné à l’export. Comment expliquer à un client étranger les subtilités de notre découpage administratif ?
D’autant que ces dernières tranchent avec l’image de marque de la région à l’étranger. Dans le tourisme, les entreprises normandes s’affichent depuis 10 ans sous un seul et même label, la distinction entre Haute et Basse paraissant bien exotique à un touriste américain ou japonais. Dans les autres secteurs, les entreprises travaillent déjà ensemble. Et « réseautent » à l’international. « Je suis toujours agréablement surprise par l’esprit collectif des entrepreneurs qui n’hésitent pas à partager leurs expériences et leurs contacts, confie Michelle Vauclin, directrice du pôle international de la chambre de commerce et d’industrie de Basse-Normandie. Les Normands ont un esprit conquérant. »
« Quand le groupement interconsulaire a été créé, dans le monde économique, personne n’est venu me trouver pour dire qu’il s’agissait d’une bêtise, avance Jean-Pierre Désormeaux, président de la chambre de commerce et d’industrie de région (CCIR) Haute-Normandie et futur président de cet organisme. Pour les entreprises, ce regroupement est une évidence. » Pour concrétiser cette évidence, le premier service opérationnel de ce groupement interconsulaire (GIC, voir encadré ci-dessous) sera l’international. À compter du 1er janvier 2012, les entreprises normandes auront accès à l’ensemble des compétences des CCI normandes en matière d’accompagnement à l’international. Une liste de 40 missions à l’étranger est d’ores et déjà proposée. Sur les salons, les entreprises pourront se regrouper sous une même bannière « CCI International Normandie ». Un site et une revue communs existent déjà. De plus en plus de clubs pays haut-normands sont fréquentés par des chefs d’entreprises de Basse-Normandie. Sur le terrain les équipes des services à l’international des CCI des deux régions (7 personnes en Basse-Normandie et 26 en Haute-Normandie) travaillent déjà ensemble de manière informelle. Cependant, au 1er janvier 2012, les entrepreneurs haut et bas-normands bénéficieront toujours d’aides et de programmes de soutien à l’export différents. Et ce sera l’enjeu de cette mutualisation des ressources des services de soutien à l’export : harmoniser les deux systèmes, pour plus de simplicité dans l’organisation des opérations à l’étranger et pour plus d’efficacité dans l’accompagnement des entreprises dans leurs projets en dehors des frontières hexagonales. En attendant, alors que la réunion administrative des deux régions reste pour l’instant de l’ordre de l’incantation, le réseau consulaire a pris les devants de la réunification des deux Normandie.
Dossier réalisé par Sophie Creusillet, envoyée spéciale
Le contexte de la réforme des CCI
La création du groupement interconsulaire (GIC) normand s’inscrit dans le cadre plus large de la réforme des chambres de commerce et d’industrie en France, lancée en 2008. Elle comprend trois axes : la mutualisation des ressources, l’amélioration de la qualité des services, la réduction de la pression fiscale sur les entreprises. Alors que les chambres régionales n’étaient que des émanations des chambres locales, elles deviennent désormais le pivot du système. Cette réforme est elle-même le prolongement d’un mouvement plus ancien qui a conduit à une loi de 2005. Depuis cette date, une vingtaine de CCI locales ont fusionné, dont Nantes et Saint-Nazaire en Loire-Atlantique, Angoulême et Cognac en Charente, ou encore Arras Lens et Béthune dans le Nord-Pas-de-Calais.
S. C.
CCI International Normandie Du label au guichet unique
En 2010, les services à l’international des CCI normandes ont reçu le label CCI International, lancé par l’assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI) afin de pallier un manque de visibilité des actions menées par les CCI en faveur des PME. Depuis presque deux ans, la Haute et la Basse-Normandie ont déjà en commun un site Internet, un logo et une revue « CCI International Normandie ». Avant même la création du groupement interconsulaire (GIC), votée par les deux chambres de région en mai dernier.
Les domaines d’intervention du GIC comportent trois volets : le support (ressources humaines, systèmes d’information, comptabilité et finances…), l’expertise (intelligence économique, innovation, développement durable…) et des fonctions opérationnelles spécifiques, dont l’international et les affaires européennes. Ce dernier volet sera opérationnel en premier, dès le 1er janvier prochain. Ce rapprochement des deux chambres, via l’international, préfigure la création d’une CCI normande unique à l’horizon 2015.
S. C.