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Entreprises : la Chine a changé de modèle… pour le meilleur ?

La Chine change à grande vitesse et il est parfois difficile de distinguer entre ce qui la fragilise et ce qui la renforce, ce qui crée des risques ou des opportunités. Pour un homme d’affaires français, voici quatre points à prendre en compte.

1/ Un marché en voie de maturation

20 à 25 % d’augmentation de salaire en moyenne chez les cols bleus du Guangdong et de Shanghai en moins de 18 mois. Malaise social dans les zones industrielles côtières et inflation qui pousse à des augmentations des salaires minimaux. L’an dernier, ceux-ci ont connu une progression moyenne de 22 % (après 24 % en 2010) et le gouvernement chinois envisage de les augmenter de 13 % par an jusqu’en 2015 pour compenser la hausse des prix. De nombreux « smic » locaux ont par ailleurs été revalorisés en début d’année. Il est désormais de 1 500 yuans (+ 14 %) à Shenzhen, de 1 260 yuans à Pékin (+ 9 %) tandis que dans la province intérieure 
du Sichuan (Sud-Ouest), les hausses de salaire atteignent au moins 23 %. 

La Chine, longtemps réputée « low cost », est-elle encore intéressante pour une entreprise française ? « Oui », assure Isabelle Fernandez, directrice Chine chez Ubifrance. « La Chine a changé de modèle », c’est donc normal qu’il y ait impact sur les salaires. « L’image “usine du monde”, c’est terminé. Désormais, le pays veut se recentrer sur la consommation intérieure tout en visant à être le centre de l’innovation du monde. Ça tombe bien, nous, Français, sommes très bons… » La Chine, selon elle, « se normalise » (loi sur le contrat de travail, nouveau programme – en cours – de couverture santé universelle, ingénieurs haut de gamme, etc.), et son marché devient « mature », un atout notamment pour les PME étrangères. Aujourd’hui, quelque 1 500 sociétés tricolores sont implantées sur le territoire (hors Hong Kong et Macao), dont « 50 % sont des petites et moyennes entreprises ».

P. T.


2/ Un accès au marché encore pavé d’obstacles

Le climat d’affaires entre la France et la Chine, sévèrement mis à mal en 2008 (cf. Jeux olympiques à Pékin) est aujourd’hui « bon, très bon même », se réjouissait Jean-Pierre Raffarin en 2011 lors d’une rencontre avec le comité France-Chine à Pékin. Le vice-président du Sénat avait estimé que les deux pays regardent aujourd’hui « dans la même direction », insistant toutefois sur la nécessité, pour le gouvernement chinois, de stabiliser l’État de droit alors que nombre d’acteurs étrangers se plaignent en Chine du non-respect des règles juridiques.
 
L’État de droit dans le domaine du business. Un credo repris régulièrement par la Chambre de commerce européenne (CCE) à Pékin. Dans son dernier « position paper » de 2011, elle épinglait le manque de transparence des autorités locales dans l’accès aux marchés publics. Les progrès en Chine à l’égard des entreprises étrangères sont encore « modestes », est-il écrit dans ce document de 300 pages. « Toutes les entreprises qui investissent en Chine, qu’elles soient étrangères ou nationales, privées, publiques […], grandes ou petites ont un accès identique au marché et doivent être toutes traitées équitablement. » 

P. T.


3/ Beaucoup d’espace pour les PME étrangères

Reste, comme le souligne David Cucino, président de la CCE, « beaucoup d’espace en Chine pour les industries européennes ». Et françaises bien entendu. À condition qu’elles sachent s’adapter au contexte local qui fait de la deuxième puissance économique mondiale un pays dans son ensemble très attractif pour une PME et les donneurs d’ordres internationaux. « L’écart entre le SMIC français et le salaire minimum de Shenzhen – le plus haut de Chine – est toujours très important (huit fois plus élevé en France) », note par exemple Sébastien Breteau, P-dg d’Asiainspection. « Pour éviter les mauvaises surprises, car les enjeux en Chine sont trop importants aujourd’hui, complète Jean-Michel Hébrard, d’Erai, il faut que les décideurs viennent sur place pour mieux appréhender la réalité. » Une chose est sûre pour Jean-Bernard Antoine, directeur technique de Konaxis-Tech, basé à Shanghai : « Les PME chinoises vont se mettre progressivement à optimiser leurs opérations, et abandonner une approche purement low cost. » Aujourd’hui, « l’organisation et l’optimisation par l’application de méthodes d’organisation type 6 Sigma, etc. sont le cheval de bataille de la Chine ». 

P. T.


4/ Prospecter la Chine de l’intérieur


Autre point important pour réussir : viser la Chine de l’intérieur, ces régions qui forment la plus grande partie du territoire et qui sont devenues des pôles d’investissement et de consommation majeurs (Shanghai concentre pourtant et toujours 41 % des implantations françaises). Il en est ainsi de la ville de Chongqing, 34 millions d’habitants, véritable poumon économique du centre du pays. « Chongqing est le laboratoire de la Chine de demain », confirme un observateur étranger sur place. C’est là, en effet, où le salaire mensuel moyen plafonne encore à 1 500 yuans (180 euros), que tout se tente, tout se crée et que sont appliquées en direct les grandes réformes dictées depuis Pékin visant à pousser les investisseurs au cœur de l’empire. Au point que Bo Xilai, ancien ministre du Commerce (2004-2007) y a été parachuté en 2007 pour chapeauter le plan de développement en cours, visant à faire de Chongqing, d’ici à 2015, « le nouveau moteur » du grand Ouest chinois.

Ford, Intel, HP, Ericsson, Lafarge, IBM, Honda, CMA-CGM… Tous font le pari de cette ville immense de 80 000 km2 en y installant des centres de production et R&D. Idem à Chengdu (Sichuan) mais aussi à Wuhan (Hubei), à Xi’an (Shaanxi), à Qingdao (Shandong)… Ces cités offrent des viviers de techniciens et d’ingénieurs et un environnement fiscal favorable – quand Shanghai, Shenzhen ou Pékin sont devenues « très chères », note Jean-Michel Hébrard. À Dalian, par exemple, ville au bord du golfe de Bohai, dans le Liaoning, plusieurs PME tricolores se sont installées avec succès, à l’instar d’ODC Marine, concepteur et fabricant de bateaux. Cette ville, quasi inconnue en France, compte plus de 20 universités et plus de 300 instituts de recherche…

« Il faut miser sur la Chine de l’intérieur », insiste le même observateur étranger à Chongqing. Sur de nombreux secteurs, les opportunités sont énormes. D’après une étude de HSBC, ces régions dites « périphériques » vont tripler, voire quadrupler leur PIB par habitant d’ici à 10 ans seulement (il sera alors compris entre 10 000 et 30 000 dollars).
 
Et Isabelle Fernandez de rappeler dans un document de présentation à destination des investisseurs français que « 276 villes chinoises abritent plus de 1 million d’habitants, constituant autant de nouvelles opportunités… ». 

P. T.

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