« Il ne s’agit pas de remettre en cause l’attrait du grand export, mais de ré-explorer l’actualité des risques pays sous leurs aspects les plus critiques », a averti d’entrée Christine Gilguy, rédactrice en chef du Moniteur du Commerce International (Moci), qui introduisait la cinquième édition du forum Moci sur « les risques et opportunités à l’international », consacrée aux « nouveaux risques du grand export », le 27 juin, à l’Hôtel des arts et métiers, à Paris.
Plusieurs risques classiques liés à l’export (de change, de non-paiement, politique) ont ainsi été abordés lors du débat d’ouverture de ce forum, notamment, le risque de faillite qui a diminué. « Certains pays ont fait des efforts pour baisser le risque de faillite », a expliqué Ludovic Subran, chef économiste de l’assureur-crédit Euler Hermes, qui table cette année sur une baisse de 8 % des défaillances d’entreprises au niveau mondial.
En revanche, le risque de non-paiement et le risque de change n’ont pas tout à fait disparu. Plusieurs pays émergents ont dévalué leur monnaie début 2013, augmentant le risque de change pour les pays de la zone euro. Pendant la crise, en 2009, « le dollar facile et pas cher disparaissait et beaucoup de pays ont déprécié violemment leur monnaie », commente Ludovic Subran. Mais, souligne-t-il, « la plupart des pays ont stabilisé le choc de change dû à cette possible pénurie en dollars ». Et de citer l’exemple de la Turquie qui a connu une forte dépréciation de sa livre. « Il y a un risque massif de change dans ce pays ». Néanmoins, nuance-t-il, « les entreprises turques sont plus résilientes que l’État turc lui-même ! ».
S’agissant des risques politiques, « aujourd’hui, il y a encore des zones rouge », a précisé l’économiste. Dans ces zones « rouge » (Bolivie, Ukraine, Égypte, Soudan, Irak etc.) le risque pays est significatif. « En 2014, a-t-il poursuivi, 46 % de la population mondiale va voter pour une élection importante (législative ou présidentielle) ou a déjà voté (Colombie, Inde, Égypte). C’est une année de tournant électoral ».
Outre le risque politique, le risque de politiques publiques entre en jeu à l’export. « Au Brésil, les Jeux olympiques de 2016 vont rapporter plus d’inflation (+ 0,5 %) que de croissance (+ 0,2 %) », a signalé Ludovic Subran, se référant à une étude publiée par la société d’assurance-crédit dix jours plus tôt. « Beaucoup de pays continuent à être impactés par cette inflation importée, qui pour l’instant n’est pas gérée », souligne l’économiste. Les politiques publiques au Brésil, champion du protectionnisme, ont fait le choix de produire localement. Il revient ainsi beaucoup plus cher aux Brésiliens d’acheter un iPhone manufacturé sur place.
Les marchés émergents, risqués mais porteurs
Jean-Claude Asfour, consultant en commerce et financements internationaux, co-auteur du guide Moci « l’Atlas des risques pays 2014 – 110 États à la loupe » a, quant à lui, pointé la frilosité des entreprises à l’export. Les PME ne savent pas toujours que les pays à risque présentent des opportunités.
« Où exporter en 2014 ?« , tel est l’intitulé d’un guide sur l’agroalimentaire publié par Ubifrance en début d’année. La réponse, a ironisé Jean-Claude Asfour : Cuba, Argentine, Venezuela, Serbie, Irak. Une énumération de pays outsiders qui a suscité des sourires parmi l’audience, mais qu’il faut prendre au sérieux comme de possibles marchés de prospection. « L’Égypte, l’Éthiopie, le Togo ou encore le Ghana sont des marchés porteurs, mais qui ne supportent pas l’amateurisme », a prévenu Jean-Claude Asfour, déplorant que dans les zones à risques « les PME ne pensent pas l’export sur le long terme ».
En développant une stratégie à long terme, Saint-Gobain Desjonquères, spécialiste des flacons pour l’industrie pharmaceutique et des cosmétiques, exporte dans des zones difficiles mais à forte croissance comme le Moyen-Orient. « Dans cette région, on a gardé l’euro (comme monnaie d’échange) », a informé Eric Latreuille, credit manager de l’entreprise de flaconnage. « Il faut aller dans les pays émergents, mais le grand export, ça ne s’improvise vraiment pas !, a-t-il averti. C’est un travail de longue haleine. Il faut développer les bonnes techniques ».
« L’Île Maurice, ce n’est pas seulement une île, c’est une place financière pour l’Afrique et l’Asie », a rappelé, pour sa part, Richard Arlove, P-dg de la société de gestion financière Abax Corporate-Services, dont le siège est implanté à Maurice. « Nos clients ont investi dans les pays émergents où les risques sont élevés, mais où les opportunités sont aussi importantes », a affirmé Richard Arlove. « Et les risques, on peut les relever », a-t-il renchéri, rappelant au passage l’existence de risques systémiques dans les pays développés. « Le plus grand risque, c’est de ne pas être là où il y a des opportunités. Le plus grand risque, c’est de ne pas être en Afrique ! », a encore martelé le dirigeant mauricien, qui encourage à privilégier les partenariats d’affaires « pour minimiser les risques ».
Venice Affre