Si le consommateur allemand est sensible au prix, il sait se laisser séduire par des produits et des services innovants et de qualité. Voici les retours d’expériences d’entreprises françaises qui réussissent.
L’Allemagne est le premier marché de consommation en Europe. Une situation, qui doit donner de l’espoir et du courage aux entreprises françaises. Car si le marché est très concurrentiel, il est aussi très porteur. Ainsi, en démontrant sa capacité d’adaptation, l’éditeur de jeux vidéo Ubisoft est devenu le numéro deux en Allemagne. De fait, sans attendre d’être concurrencé par l’e-commerce et les jeux numériques, son studio de production Blue Byte s’est lancé avec brio dans la fabrication et la vente de produits en ligne.
Même souci d’adaptation chez Comptoir des Cotonniers. Peu connue outre-Rhin, cette marque de prêt-à-porter féminin avance à pas comptés. Les points de vente sont rénovés, certains gérants sont renouvelés. L’enseigne tricolore met un soin particulier à la recherche des bons emplacements, notamment à Berlin, que d’aucuns considèrent comme la nouvelle capitale de la mode en Allemagne. Dans cette ville, Comptoir des Cotonniers a ouvert des boutiques dans des avenues réputées, comme la Friedrichstrasse, ou très animées, comme la Rosenthalerstrasse. Elle y dispose aussi de deux corners dans les grands magasins KaDeWe et Galeries Lafayette.
Enfin, Lorraine Spindler, une ancienne fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, a, pour sa part, choisi d’ouvrir un magasin de fleurs dans une galerie de la prestigieuse avenue Königsallee à Düsseldorf. En proposant à sa clientèle un nouveau type de fleurs – des roses « très qualitatives » originaires du Kenya – elle espère recueillir les fruits d’une belle innovation. Certes, le prix en Allemagne reste le premier critère d’achat, mais la qualité des produits séduit aussi les acheteurs. « Et puis surtout, déclarait-elle au Moci début septembre, les consommateurs apprécient les produits venus de l’étranger ».
Ubisoft lance Blue Byte dans les jeux en ligne
L’éditeur français de jeux vidéo Ubisoft opère avec deux sociétés en Allemagne, Blue Byte GmbH, studio de production acquis en 2001, et Ubisoft GmbH, seule filiale habilitée à distribuer les boîtes aux chaînes de distribution de produits électroniques Media Markt et Saturn.
Une séparation donc stricte, sauf que, depuis deux ans, Blue Byte s’est lancé dans le développement et la mise en marché de jeux en ligne, devenant au passage un studio pilote de l’éditeur français pour la vente de ces produits. Preuve en est le séminaire spécialisé qui vient de se tenir dans ses locaux, à Düsseldorf, pendant trois jours, en présence de représentants de vingt autres studios du groupe répartis dans le monde. « Le marché allemand était en avance. Les joueurs utilisant traditionnellement le PC, le passage sur le marché du on line s’est fait naturellement », relate Odile Limpach, la directrice générale de Blue Byte. Reste que les équipes du studio ont explosé, passant de 60 à 190 salariés en deux ans. Un changement radical aussi pour Odile Limpach qui ne connaissait « rien aux jeux en ligne à l’époque », avoue-t-elle. Très discrète sur les chiffres de Blue Byte, sa directrice générale met, toutefois, l’accent sur la croissance des ventes, qui a permis à l’entreprise de devenir numéro deux en Allemagne aux dépens de Blizzar-Activision et derrière l’américain Electronic Arts. « Nous doublons notre chiffre d’affaires tous les ans ».
Cette croissance n’est pas sans poser de nouvelles difficultés. D’abord, pour suivre, le studio de Düsseldorf doit recourir à des collaborations avec des homologues allemands et autrichiens et des studios d’Ubisoft dans le monde, comme en Inde (pour des raisons de coût) et au Canada (pour des raisons de compétences). Ensuite, la main d’œuvre qualifiée manque, obligeant Blue Byte à embaucher des Suédois, des Italiens ou encore des Roumains.
Le personnel est généralement jeune, entre 25 et 35 ans. Hommes ou femmes, ils gèrent les relations avec les clients, les différentes communautés de joueurs, travaillent sur les suites et les modifications dans le contenu des jeux ou encore sur les jeux de fitness qui vont être lancés sur la nouvelle console Nintendo Wii U.
« Je tiens à ce que nous nous diversifions. C’est pourquoi nous allons développer les jeux sur console. Tout comme nous allons nous étendre à l’international », indique, un peu mystérieuse, Odile Limpach. Blue Byte profite tous les ans de la tenue à Cologne, à vingt minutes de Düsseldorf en train, du salon spécialisé Games.com pour présenter ses marques (Blue Byte et Anno) et ses nouveaux produits. « Avec le on line, il n’y a plus de frontière et on peut attaquer facilement des pays où nous sommes absents ou insuffisamment implantés », souligne sa directrice générale. A l’instar de la Pologne, des Emirats Arabes Unis, de la Turquie ou encore des Etats d’Amérique du Sud. Avant Noël, Blue Byte lancera trois nouveaux jeux en ligne.
F. P.
Comptoir des Cotonniers table sur Berlin, nouvelle capitale de la mode
Implantée depuis 2005 en Allemagne, l’enseigne française de prêt-à-porter féminin Comptoir des Cotonniers y possède quinze points de vente dont quatre (deux boutiques et deux corners), se trouve à Berlin, alors que Düsseldorf notamment, une ville que l’on qualifie souvent de « cité de la mode », abrite une seule boutique dans la prestigieuse avenue Köningsallee.
« Düsseldorf était la cité de la mode, rectifie Tim Schippelbaum, le responsable Allemagne de la marque tricolore. Maintenant, c’est Berlin, la capitale fédérale, qui est une ville cosmopolite et de plus grande taille. La créativité et les loisirs y connaissent aussi un boom extraordinaire. C’est encore à Berlin que les grands salons de la mode comme Fashion Week et Bread and Butter se développent ». Seul inconvénient majeur, la montée en puissance de la capitale fédérale pèse sur les prix de l’immobilier. « S’installer à Berlin est plus coûteux qu’à Munich ou Düsseldorf », reconnaît Tim Schippelbaum.
« Quinze boutiques et corners, ce n’est pas assez compte tenu du potentiel de l’Allemagne », estime encore Tim Schippelbaum. Après dix ans d’activité dans la distribution, il a pris les rênes de la filiale allemande de la griffe française, basée à Cologne, il y a seulement huit mois. Son premier chantier – la rénovation des boutiques et le recrutement de nouveaux gérants – est en cours d’achèvement. C’est ainsi que le magasin, sis au 32 Rosenthalerstrasse à Berlin, vient d’être modernisé. Cette boutique doit servir de vitrine à la marque française dans la capitale fédérale. Elle est située dans le quartier très vivant de Hackescher Markt, une zone qui accueille le monde de la mode et la presse, en particulier pendant la Fashion Week et Bread and Butter.
Aujourd’hui, la collection automne-hiver est lancée et les premiers résultats sont positifs. Parmi les produits phares de l’enseigne française, le trench-coat est très apprécié de l’acheteuse. En général, la consommatrice est une femme active, moderne, entre 22 et 60 ans, qui recherche des vêtements sophistiqués, « mais qui ne sont ni du luxe ni de la frime », observe Tim Schippelbaum. Et le représentant en Allemagne de préciser : « Comptoir des Cotonniers est un luxe abordable. Comme la griffe n’est pas connue, vous ne payez par le nom ». Pour lui, il n’y a donc aucune raison que l’enseigne française ne se développe pas. D’autant que si l’Europe est en crise, ce n’est pas le cas de l’Allemagne.
« La consommation se porte bien, il y a de l’argent et les femmes allemandes sont aujourd’hui ouvertes à la notion de plaisir », se félicite le représentant de Comptoir des Cotonniers. Tim Schippelbaum assure qu’il n’aurait pas accepté ce poste en Allemagne s’il ne croyait pas en « l’ADN de la marque : le naturel des matières dans les collections, l’atmosphère cosy et intime des boutiques et des matières authentiques comme le bois ».
F. P.
Red Lands Roses essaime la rose kenyane dans la célèbre Königsallee
Depuis Noël 2011, la Française Lorraine Spindler propose aux habitants de Düsseldorf des roses originaires du Kenya. Ces fleurs sont produites par l’exploitation de son frère, propriétaire d’une ferme biologique de 20 hectares près de Nairobi.
Avantages de la démarche : pour le vendeur, la livraison en 24 heures de produits haut de gamme (des roses dotées de longues tiges, de beaux boutons et disposant d’une durée de vie longue en vase : trois semaines) ; et pour l’acheteur, la certitude de disposer de produits uniques en Allemagne, puisque la marque Red Lands Roses, qui est aussi le nom de la société kenyane, a été déposée auprès de l’Office mondial de la propriété intellectuelle à Madrid pour aborder le marché allemand.
Lorraine Spindler a choisi Düsseldorf, « la cité de la mode en Allemagne », précise-t-elle, une ville que cette ancienne directrice ajointe de l’Institut culturel français qualifie de « riche et dynamique », avec « une population amicale et francophile ». Aussi, a-t-elle voulu installer son magasin le long de la prestigieuse avenue Königsallee. Toutefois, compte tenu du prix élevé des locations (550 euros le m2 en août 2011), la directrice de Red Lands Roses GmbH s’est contentée d’un espace moins onéreux (144 euros le m2), légèrement en retrait dans la galerie marchande Kesting. A noter qu’elle a reçu pour créer son entreprise une aide à l’accompagnement et financière de la Chambre de commerce et d’industrie de Düsseldorf.
D’une superficie globale de 16 m2, dont 12 m2 dévolus à la vente, le magasin à l’enseigne Red Lands Roses propose une grande variété de roses et de couleurs, a pu observer Le Moci. « Dans un pays où on ne connaissait que les roses rouges Baccarat, je compte maintenant des clients fidèles », se félicite Lorraine Spindler. Reste que si les Allemands sont de gros acheteurs de fleurs, ils sont aussi économes. De façon concrète, les acheteurs, essentiellement des femmes, privilégient le bouquet de 12 roses à 25 euros sur le plus gros, avec 25-30 roses, vendu à 50 euros. Une autre alternative
est le bouquet de 10 roses à 15 euros. Il a aussi fallu s’adapter aux habitudes locales. « Si le Français est friand de gros bouquets avec des fleurs pures, l’Allemand, comme le Néerlandais, veut des petits bouquets ronds, déjà préparés avec des ceintures de feuillage », explique Lorraine Spindler, qui recherche aujourd’hui un atelier pour préparer à l’avance ses bouquets. « Un atelier de préparation est indispensable, affirme-t-elle, pour conserver l’image de haut de gamme » qu’elle veut donner de son magasin.
Par ailleurs, les Allemands travaillent ou vivent en réseau dans des associations et des clubs. Une particularité qui ne pouvait échapper à l’ancienne directrice adjointe de l’Institut français, qui a ainsi adhéré à l’Association des commerçants de la Königsallee. Une adhésion payante, puisqu’elle a facilité ses partenariats avec les responsables de boutiques désirant enrichir la décoration de leurs vitrines. Red Lands Roses GmbH compte aussi convaincre les dirigeants des hôtels de Düsseldorf. Selon sa directrice, la société atteindra le seuil de rentabilité à l’été 2013.
F. P.