Faisant suite à la tenue d’une Conférence Etat-Régions à l’Elysée le 12 septembre, au cours de laquelle le président François Hollande a confirmé vouloir confier aux Régions le rôle de chef de fil du développement économique dans le cadre de sa stratégie de redressement productif, les grandes orientations du nouveau partenariat Etat-Région en matière de commerce extérieur ont été précisées le 18 septembre dernier. A l’issue d’une réunion entre Nicole Bricq et les représentants des Régions, un communiqué commun du ministère du Commerce extérieur et de l’Association des Régions de France (ARF) a confirmé le rôle de « pilote de l’export » des Régions, avec le soutien de l’État, les mettant en première ligne pour participer aux objectifs de réduction du déficit commercial hors énergie.
Mais cette feuille de route n’impose aucun modèle d’organisation, laissant aux Conseils régionaux le pouvoir de décider de modifier ou de conserver les conventions signées sous Pierre Lellouche, prédécesseur de Mme Bricq, dans le cadre de sa Charte nationale de l’exportation de juillet 2011. Ces conventions avaient pour principal objectif d’amplifier la coopération entre les différents acteurs du dispositif de soutien public –Ubifrance, CCI, Régions, CCEF, Oséo, Coface, etc.- à travers la création de « guichets uniques » de l’export régionaux pour les entreprises. Alors que les Régions présentent des problématiques, des degrés d’engagement et des schémas d’organisation extrêmement variés en matière de politique de soutien à l’internationalisation de leurs entreprises, il est à parier que les débats tourneront, dans les prochaines semaines, autour du modèle à promouvoir sur leur territoire : se doter de « mini-Ubifrance », à l’instar de Rhône-Alpes avec Erai, ou mutualiser avec les compétences des autres acteurs, comme CCI International, la structure des CCI dédiée à l’accompagnement export qui était devenu l’animateur de ces « guichets uniques » conçus dans le cadre de l’ancienne charte de l’export ?
De fait, les Régions françaises sont loin de présenter une homogénéité en matière de stratégie et de moyens mis au service d’objectif de commerce extérieur. Cas extrême : Rhône-Alpes, deuxième région exportatrice de France (et excédentaire en plus), qui s’est dotée dès 1987 d’une agence dédiée à l’internationalisation des entreprises de son territoire, Erai. Chargée tout autant de promouvoir l’internationalisation des entreprises rhônalpines que d’attirer les investissements étrangers sur le territoire, elle dispose d’un budget de 15 millions d’euros et de 28 implantations dans le monde.
Beaucoup d’autres Régions ont préféré mutualiser voire déléguer la gestion de leurs ressources à d’autres organismes jugés plus compétents, qu’ils soient étatiques (Ubifrance, Coface, Oséo), consulaires (chambre de commerce et d’industrie) voire privés (Sociétés d’accom- pagnement à l’international, CCI françaises à l’étranger). Citons la Normandie, les Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA). Mais il y a des cas intermédiaires de Régions qui se sont dotées d’une stratégie et de structures dédiées, mais beaucoup plus modestes que Erai, et qui jouent plus ou moins le jeu de la mutualisation avec les CCI. Citons Nord France Invest pour le Nord-Pas-de-Calais, qui n’a qu’un seul bureau de représentation à l’étranger, à Bruxelles (voir encadré), Bretagne Commerce International (issue d’une fusion entre l’ancienne association Bretagne International subventionnée par la Région et CCI International Bretagne) qui n’a aucune implantations directe à l’étranger, ou encore le Languedoc Roussillon avec Sud de France Export, le volet export de Sud de France Développement, qui compte 4 implantations à l’étranger.
Dans la nouvelle configuration qui se dessine, ce sont les CCI de France qui semblent le plus sur la défensive. Car elles avaient bien su tirer leur épingle du jeu en se positionnant, via leur structure mutualisée CCI International, comme les partenaires de proximité incontournables en région d’Ubifrance, et inscrites comme telles dans une convention conclue avec l’Agence en 2008 sous l’égide, à l’époque, du secrétariat d’Etat au Commerce extérieur (alors occupé par Anne-Marie Idrac). A la suite de ce processus, qui avait nécessité une modernisation de leur propre organisation, assez émiettée à l’époque, les CCI avaient réussi à faire en sorte que CCI International devienne de facto, dans de nombreuses régions, le « guichet unique de l’export » pour les PME prévu par les chartes régionales de l’export signées à partir de juillet 2011.
Sur le terrain, la coordination des acteurs de l’aide à l’export a fait des progrès. Même en Rhône-Alpes, Région où les querelles de chapelles ont pris des tours légendaires par le passé. « L’équipe Rhône-Alpes de l’export existe déjà » rappelle ainsi le président de la CCI de région (CCIR) Rhône-Alpes, Jean-Paul Mauduy (voir article page 11). La charte régionale de l’export intègre aujourd’hui la quasi-totalité des protagonistes : Région, préfet, CCIR, Erai, Ubifrance, CGPME, Medef, CCEF, Coface, Oséo, et même OSCI depuis mi-septembre (qui regroupe les sociétés privées d’accompagnement à l’international). « Nous travaillons en complémentarité avec Erai en croisant les informations », souligne Jean-Paul Mauduy. Mais beaucoup s’interrogent sur leur rôle dans les futurs « guichets uniques » revus et corrigés par les Régions. Plutôt discrètes jusqu’à présent malgré nos sollicitations, les instances nationales des chambres de commerce, CCI de France, et leur structure commune dédiée à l’international CCI International ont finalement publié un communiqué commun avec l’Uccife (qui rassemble les CCI françaises à l’étranger), le 24 septembre, qui témoigne de leurs inquiétudes sur l’avenir de leur rôle dans le nouveau dispositif : elles « entendent se monter vigilantes sur la lisibilité des dispositifs qui seront mis en place, avertissent-elles. Elles veilleront à ce qu’ils ne génèrent pas de superpositions d’actions et de structures et à ce que soit maintenue l’exigence d’une bonne connaissance du terrain ». Alain Rousset, président de l’Association des Régions de France (ARF), jure pour sa part que les Régions travailleront avec tout le monde avec un réelle « souci d’efficacité » (voir son interview page 9). Tout en précisant qu’elles « ne peuvent pas continuer à simplement signer des chèques et ne pas apporter leur pierre à l’édifice. » Une autre manière de dire : la stratégie, l’organisation, la coordination, les patrons, c’est nous.
Christine Gilguy