Que ce soit pour percer sur le marché chinois ou pour y trouver des fournisseurs, s’appuyer sur un partenaire chinois fiable reste une clé pour réussir en Chine. Les difficultés sont nombreuses mais pas insurmontables. Quelques conseils, et le regard neuf d’un fonds d’investissement franco-chinois.
Étude de cas : PME française souhaite produire en Chine pour l’export et/ou le marché local. Comment faire ? « C’est un cas classique », sourit un entrepreneur français, installé à Pékin depuis 6 ans. La priorité : bien choisir son ou ses partenaires. « Trouver un fournisseur fiable est en effet l’une des clés du succès », confirme-t-il. Mais rien de moins simple dans ce pays-continent qui compte des dizaines de millions d’usines en tous genres : de la cahute transformée en vague atelier de production, à la structure entièrement équipée d’un parc machines dernier cri.
« C’est affaire d’expérience. Mais quand on débarque et qu’on ne connaît rien au pays, mieux vaut faire appel à une société de services spécialisée dans le sourcing », estime depuis Shanghai la responsable qualité d’une entreprise française qui produit localement (1). « Nous avons ouvert nos bureaux ici il y a moins de 10 ans. Auparavant, nous travaillions depuis la France avec un certain nombre de fournisseurs ou traders, rencontrés sur les grandes foires commerciales, celle de Canton notamment ». Un premier réseau « très précieux », lorsque l’entreprise décide de s’installer sur place pour contrôler au plus près sa production. « Aujourd’hui, nous faisons appel à plusieurs usines – une dizaine environ – de façon très régulière. Nous sommes très proches de ces fournisseurs ».
Rester proche de ses partenaires
Une chose est sûre : la Chine ne s’improvise pas. Ici les fournisseurs et sous traitants n’ont pas la réputation d’être les partenaires les plus fiables au monde. Il faut être très vigilant et surveiller de près la production sur l’ensemble de la supply chain, jusqu’à la mise du produit sur le marché. « Le fournisseur local n’est pas tenu pour responsable en cas de défaut qualité constaté sur le marché européen par exemple », commente un autre français, spécialisé dans le secteur du jouet.
Mais quelle est « la recette miracle » pour trouver dans cette usine du monde qu’est la Chine le bon partenaire sur lequel appuyer sa production ? Réponse : le terrain. Il faut en effet les « tester » autant que possible, et « faire des enquêtes – même à petite échelle – en vérifiant consciencieusement les licences, le matériel ou l’environnement de travail de tel ou tel partenaire », conseille Karim Hayab, quality manager chez Konaxis à Shanghai. « Il ne faut pas négliger non plus le relationnel avec le partenaire : aller au restaurant, au karaoké… Il faut établir une relation personnelle. La frontière en Chine entre la sphère privée et publique n’est pas la même qu’en Occident », explique-t-il.
Plus le client est proche de son fournisseur, plus celui-ci s’implique dans la relation et le suivi de production. Car le Chinois, dans le peuvent changer avec un changement de management », prévenait ainsi une étude sur la Chine de Bureau Veritas publiée en 2011. « Si une opportunité se présente sur un nouveau marché, le fournisseur peut décider du jour au lendemain d’arrêter d’investir sur sa relation (avec tel ou tel client) ». Il est donc primordial d’entretenir le lien et de rappeler régulièrement aux équipes de production et au management (au risque de se répéter) les détails du projet.
Dès le départ, bien définir son projet
Il est par ailleurs conseillé d’éviter les partenaires qui ont prospéré sous l’ère Deng Xiaoping il y a plus de trente ans et de privilégier les plus jeunes – plus « dynamiques et ouverts sur l’international », dixit Karim Hayab, et surtout « au niveau techniquement et sur les normes ». Il n’empêche, de plus en plus d’ateliers chinois atteignent désormais les standards de qualité européens et américains. D’après une récente enquête de l’IFOP pour le compte du magazine Connexions de la Chambre de commerce et d’industrie française en Chine (CCIFC), 83 % des entreprises françaises en Chine notent « une amélioration de la qualité chez leurs fournisseurs chinois, révélant un changement de stratégie chez beaucoup ».
Et l’indice de confiance entre ces fournisseurs et leurs donneurs d’ordres s’améliore… doucement. D’après cette même étude, un peu plus de 50 % des entreprises françaises en Chine ont ainsi une relation de confiance totale ou suffisante avec leurs fournisseurs et partenaires. Mais la « méfiance (entre eux) reste grande » insiste l’institut de sondage. Et d’expliquer : « Cette relation difficile implique alors la mise en place de contrôles qui permettent de réduire ces problèmes de façon significative pour 2/3 des entreprises. Deux stratégies sont alors possibles, la mise en place de mesures préventives ou la mise en place de mesures de vérification et protectrices. » En tout état de cause, l’important est – dès le départ – de bien définir son projet et d’insister sur la qualité recherchée.
Cap sur la Chine de l’intérieur
Reste aussi à déterminer très tôt l’endroit de production approprié pour trouver ce partenaire, en fonction du coût et du niveau de formation de la main-d’œuvre locale ainsi que du réseau logistique disponible. Les régions du centre (Sichuan, Hubei, Henan) sont aujourd’hui privilégiées pour les très grosses structures, type le taiwanais Foxconn, tandis que les régions de la côte-est – zones historiques de développement et d’export – offrent une qualité d’infrastructures sans équivalent dans le pays.
Mais d’une région à l’autre, le salaire minimum légal varie quasiment du simple au double. Depuis le 1er mai, le Guangdong (sauf Shenzhen) a par exemple annoncé une nouvelle « augmentation de 19 % du salaire minimum », selon les services économiques de l’ambassade de France en Chine. Le SMIC y est depuis fixé à 1 550 yuans/mois et à 15 yuans par heure, contre 800 à 1 000 yuans dans le Henan, notamment. Un élément de plus en plus déterminant pour de nombreuses entreprises françaises, et plus globalement européennes, qui visent à la fois l’export et le marché chinois. Pour 52 % d’entre elles, l’augmentation du coût de la main-d’œuvre en Chine a affecté (lourdement pour certaines) leurs chiffres d’affaires en 2012 (2).
« Le partenaire idéal en Chine doit être capable de fournir un service et une production qui correspondent aux standards en vigueur à un coût le plus stable possible », résume un importateur français de pièces textile « made in China ». Une équation finalement pas si simple à tenir dans la deuxième économie du globe…
P. T.
(1) Cette entreprise préfère ne pas être citée.
(2) D’après la Business Confidence Survey 2013 de la Chambre européenne de commerce en Chine. Il s’agit de la première raison invoquée, devant l’impact de la crise mondiale sur leurs chiffres d’affaires en Chine.
La voie royale dans le secteur des transports urbains
Nouer des partenariats avec des acteurs chinois semble être la voie royale pour les acteurs français des transports urbains. Il s’agit certes de grandes sociétés mais leur démarche illustre un des chemins qui mènent au succès en Chine.
La co-entreprise tricolore Transdev/RATP Développement a ainsi créé une société d’exploitation en joint-venture
49 % / 51 % avec la municipalité de Shenyang (capitale de la province chinoise du Liaoning avec 7,2 millions d’habitants) pour obtenir le contrat d’exploitation du tramway de cette ville de 7,2 millions d’habitants, avec une mise en service le 1er juillet 2013. Un contrat, d’une valeur de plus de 330 millions de yuans (soit plus de 41 millions d’euros) pour trois ans, paraphé lors de la visite du président Hollande en Chine, qui porte sur l’exploitation de 30 rames sur 4 lignes réparties sur 60 km de voies du tramway le plus moderne du pays actuellement.
Kéolis, filiale de la SNCF et concurrent des précédents, a, pour sa part, décidé de s’allier avec son homologue chinois Shanghai Shentong Metro Group – qui gère un réseau de 12 lignes, 437 km et 277 rames de métros en Chine- pour aller à la conquête du marché et, au-delà, de l’Asie. L’objectif de cet accord – signé également lors de la visite présidentielle – est en effet de répondre ensemble à des appels d’offres de métros, tramways et trains régionaux. Le groupe chinois a pour lui sa connaissance du marché, le groupe français son expérience des appels d’offres internationaux.
C. G.
Comment Micropole a réussi son entrée sur le marché chinois
« En Chine, l’état des systèmes d’information, c’est l’Europe d’il y a 20 ans ». C’est ainsi que Christian Poyau, co-fondateur et P-dg de Micropole, une SSII française cotée en bourse, décrit le terrain de jeu chinois. Sa société est spécialisée dans le conseil et l’ingénierie des systèmes de business intelligence, web et IT, de CRM et d’ERP. Elle accompagne ses clients, parmi lesquels de grands noms du retail ou des services (Sodexo, Auchan, Club Med…), dans le développement de systèmes et d’applications informatiques de plus en plus complexes. Avec 30 % de son chiffres d’affaires (119,7 millions d’euros en 2012) à l’international et 1 300 salariés, dont 1 000 en France et 350 à l’étranger, son internationalisation a d’abord été européenne (Suisse, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg) avant d’être… Chinoise.
Un concours de circonstance heureux. Le marché chinois est un terrain d’avenir pour une SSII comme Micropole. En effet, les entreprises occidentales y amplifient leurs développements sans avoir d’outils informatiques spécifiques pour l’Asie. De leur côté, les sociétés privées chinoises ont connu des croissances rapides mais leurs outils informatiques n’ont pas toujours suivi. Les solutions chinoises existent mais ne répondent pas toujours aux contraintes de l’internationalisation. Mais pour une SSII occidentale sans attaches locales, impossible de s’y risquer sans un partenaire chinois de confiance. « Nous n’avions pas les moyens d’y entrer seuls » estime Christian Poyau.
Les dirigeants de Micropole cherchaient la perle rare depuis le début des années 2000, participant à des missions organisées par le réseau français, en vain. Jusqu’à ce que son associé, Thierry Letoffe, lui parle du projet d’un de ses amis, Ping Lin, cadre chez Lafarge. Ping Lin voulait reprendre une SSII chinoise pour voler de ses propres ailes. Les dirigeants de Micropole décidèrent de tenter l’aventure avec lui. Création d’une société holding à Hong Kong, rachat d’Easteq, une SSII chinoise de 50 personnes, tranfert des actifs de cette dernière dans une nouvelle société basée à Shanghai : ainsi naquit Micropole China, dont les rênes furent confiées à Ping Lin. « Sans cette chaîne, nous n’y serions pas allés » indique Christian Poyau.
Opérationnelle depuis janvier 2012, Micropole China a ouvert depuis, un bureau à Pékin. Elle a réalisé 25 % de croissance dès la première année, avec 1 million d’euros de CA. Mais Christian Poyau voit à long terme. « C’est un projet à trois ans ».
C. G.