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Trois questions à Marie-Andrée Ngwé, présidente de la section Cameroun des CCEF

Le Moci. L’Afrique attire un nombre croissant d’exportateurs et d’investisseurs d’Asie, notamment de Chine, ou encore de Turquie. Qu’en est-il au Cameroun ? 
Marie-Andrée Ngwé. Si la Chine a une implantation antérieure à celle de la Turquie, cette dernière, bien organisée, a une démarche globale qui intègre les axes économiques, politique et culturel, et qui mérite que la France soit très attentive. La vigilance est d’autant plus de mise que les Camerounais sont des partenaires commerciaux pragmatiques très ouverts sur le monde et aptes à saisir les opportunités offertes par d’autres pays, que ce soit en termes d’offre, de coût et/ou de mode de partenariat. 

Face à cette concurrence internationale féroce et au dynamisme des entreprises camerounaises, la France conserve un atout majeur qui est l’image de qualité de ses produits et services. Aujourd’hui, avec l’évolution du marché local qui n’assure plus un flux continu d’affaires, on note un recul des PME françaises au Cameroun. Aussi, l’option la moins risquée pourrait consister à se positionner en appui, comme sous-traitants, plutôt que d’essayer de faire cavalier seul ou de tenter une expansion régionale. On observe qu’un grand nombre de petits entrepreneurs français, commerçants, restaurateurs, artisans ou peintres disparaissent sans être remplacés.

En revanche, les grandes entreprises continuent elles, à prospérer, souvent au travers de grands projets structurants, et surtout parce qu’elles sont plus à même de trouver des solutions de contournement des lourdeurs administratives, de juguler les problèmes de transport et de logistique, pour mieux rayonner dans la sous-région. 

Le Moci. Est-ce que la nouvelle loi portant incitation à l’investissement va amener plus de sécurité et donner plus confiance aux opérateurs extérieurs ? 
M-A. N. Si l’on compare avec les espoirs nés de la Charte des investissements et des Codes sectoriels qui y étaient prévus, c’est plutôt décevant. En effet, la nouvelle loi portant incitation à l’investissement est on ne peut plus classique, offrant des avantages fiscaux aux entreprises qui s’installent. Or, l’aspect fiscal ne peut à lui seul séduire les investisseurs. Il faut des marchés, de la sécurité juridique et judiciaire. Cette approche me semble trop partielle et peu susceptible de booster l’investissement. Vous me permettrez donc d’être sceptique. Alors que c’était l’occasion de légaliser la procédure relative aux Conventions d’établissement utilisées pour les gros investissements comme ceux de GDF Suez, Rio Tinto d’Alcan et de Sundance dans l’agro-industrie, celle-ci n’a même pas été abordée. Aujourd’hui, on se base sur la pratique, ce qui crée des incertitudes. 

Le Moci. Quel est, dans la pratique, l’apport du droit de l’Ohada dans un pays comme le Cameroun ? 

M-A. N. Le droit de l‘Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) est capital. Au Cameroun, le sentiment au début était que les règles juridiques Ohada étaient non seulement élaborées par des auteurs étrangers, mais faites de surcroît pour des investisseurs étrangers. Cette perception initiale n’est plus, puisqu’il est aujourd’hui reconnu que ces règles, protègent aussi le petit commerçant ou l’entrepreneur camerounais.
 
En effet, le droit Ohada, non seulement aide les banques et les établissements financiers dans leur activité de recouvrement, mais il constitue, en outre, une nécessité absolue en matière de sûretés pour les investissements nationaux et internationaux. Sans compter que lorsque les sociétés sont implantées dans la région ou sur le continent, celles-ci peuvent réaliser des économies d’échelle en créant, par exemple, des banques de données qui sont ensuite transposables dans d’autres États. 

Propos recueillis par François Pargny

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