Lancé dans une politique ambitieuse de modernisation, le Maroc mène parallèlement des chantiers très différents, allant de la transformation des produits agricoles à l’énergie solaire, en passant par l’aménagement urbain. D’autres secteurs offrent des opportunités, comme les services, la santé et le bien-être.
Santé et bien être : cibler la classe moyenne
Dans les grandes villes comme Casablanca, Rabat, Tanger, Marrakech, Agadir, une classe moyenne est en train d’apparaître. Leurs besoins primaires satisfaits, les consommateurs marocains se tournent notamment vers le secteur du « bien-être » et des soins.
Aujourd’hui, des médecins de toutes les spécialités ont investi les cabinets de la capitale. Le premier salon du bien-être, Plénitude, a été organisé les 21 et 22 mai 2013, à Casablanca, dans le but de structurer la profession. Dans la même veine, Paraexpo, le premier salon de la parapharmacie, a été organisé un mois plus tard avec des exposants venus de Belgique, de France et de Suisse. À Casablanca, les salles de sports, adressées aux femmes notamment font flores, mais manquent d’originalité et offrent souvent des services proches les uns des autres.
Plusieurs franchises internationales se sont déjà fait une place : Vao, Lady Fitness Vit’Halles, Moving et Gymnasia. Des enseignes marocaines d’envergure sont nées comme Sport Plazza. Les salons de beauté connaissent le même succès. Du petit salon de quartier au centre de luxe, le panel installé est large, laissant place aux concepts originaux. Marché de 32 millions de consommateurs, le Maroc peut également fabriquer des cosmétiques. Ses produits de beauté traditionnels comme l’huile d’argan, le savon noir ou le rhassoul, bénéficient déjà d’une publicité internationale opérée par d’autres à la faveur de la mode du bio et du naturel. Rares sont pourtant les marques proprement marocaines à exploiter exclusivement cette base. Tiyya, Marocmaroc et quelques autres ont fait timidement leur apparition.
Aménagement urbain : rénovations, schéma directeur, grand programme, ville verte
L’espace urbain et son aménagement forment un vaste marché depuis qu’ils sont devenus une préoccupation importante des pouvoirs publics.
Les réalisations les plus médiatisées sont les deux nouveaux tramways, inaugurés en 2011 et 2012, à Rabat et Casablanca. En faisant ce choix en matière de transport public, clairement calqué sur l’expérience française, le Conseil de la ville de Casablanca a également rénové toutes les rues traversées par le tramway. La place des Nations-Unies, en centre-ville, a été totalement réaménagée.
Le Maroc a achevé un vaste programme de création de villes nouvelles étendu sur trois ans. Cette année, « il est question de réfléchir à un nouveau programme « New Medina II ». Nous avons entre-temps conclu cette convention de coopération pour continuer sur cet échange d’expériences et faire bénéficier de l’appui de l’Agence française des villes et territoires méditerranéens durables les villes nouvelles au Maroc, qui sont gérées par le Groupe Al Omrane », a affirmé Badr Kanouni, président du directoire du Groupe Al Omrane. Le grand chantier urbain du Maroc se situe à présent à Benguerir (entre Marrakech et Settat) où se construit la première ville verte du royaume, depuis 2012. La ville verte Mohammed VI dans son ensemble sera conçue sur près de 650 hectares pour un investissement de près de 5 milliards de dirhams (445,65 millions d’euros). Portée par l’OCP (Office Chérifien des Phosphates), première société du pays, la ville sera construite selon les normes strictes des labels LEED ND (Leadership in Energy and Environmental Design for Neighborhood Development), et accueillera 90 000 habitants et un vaste pôle universitaire.
Les villes plus anciennes ne sont pas en reste. Tour à tour, elles s’engagent dans un Schéma directeur d’aménagement urbain (SDAU). En 2010, Casablanca finalisait le sien. À la fin de l’année, elle devrait disposer d’un plan d’aménagement par commune pour la région du Grand Casablanca. Marrakech, en retard, a lancé son étude pour la définition de son SDAU en 2012. Chacun de ces plans engage des travaux publics et autant de marchés publics.
L’ensemble de ces chantiers urbains ouvrent des marchés pour les bureaux d’études et de conseils, pour les entreprises aptes à répondre aux appels d’offres qui ne manqueront pas d’être lancés, mais aussi aux PME des secteurs connexes.
Agroalimentaire : la priorité à la transformation et la création de valeur ajoutée
L’agroalimentaire fait partie des priorités du Maroc depuis 2009. Il est l’un des secteurs à fort potentiel de croissance inscrit dans le Plan Emergence et concentre les efforts du plan Maroc Vert.
« Néanmoins, les performances de nos exportations agroalimentaires demeurent mitigées et nos avantages comparatifs dans ce secteur connaissent une forte érosion en raison, en particulier, de la faible optimisation des interventions publiques, de la diversification insuffisante des marchés à l’export et de la forte concurrence exercée, notamment, par des pays méditerranéens », identifie un rapport publié par le ministère marocain de l’Économie et des Finances en juin 2013. Le marché agricole marocain est un marché vraquier : les produits alimentaires sont exportés à l’état brut. Aucune transformation, ou presque, n’est réalisée directement sur le sol marocain. Le pays souhaite donc et soutient une mutation du secteur pour voir se développer une industrie de trans- formation, dont la valeur ajoutée est bien supérieure. Tout ce qui n’a pas été fait reste à faire. Ce que le Maroc n’est pas parvenu à réaliser dans ce secteur depuis 2009, il peut le faire, espère-t-il, avec le concours des investissements étrangers d’ici l’échéance du Plan Emergence, en 2015.
Des subventions et des aides financières sont accordées par le Fonds de développement agricole. Les droits d’importations sont réduits à 2,5 % sur les principaux intrants des filières de la Biscuiterie et de la Chocolaterie (BCC), à savoir le sucre raffiné, le lait en poudre écrémé et entier, et le blé tendre, dans le cadre de quotas annuels. L’État a également entamé la construction de deux des six Agropoles prévus – pôles industriels expressément prévus pour l’agroalimentaire. La Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc croit dans les potentialités de ce marché pour les sociétés françaises. Le 21 novembre, à Casablanca, elle a organisé une journée rencontre agroalimentaire. « Les produits agricoles et alimentaires français occupent déjà une place de choix sur le marché marocain. La France jouit d’une très bonne image et les marges de progression sont considérables », estime-t-elle.
Services aux entreprises : un besoin crucial de formation et ressources humaines
« Le marché marocain a atteint une taille critique qui explique l’apparition de certains besoins. Les entreprises marocaines comptent plusieurs champions nationaux, comme l’OCP (Office Chérifien des Phosphates), qui ont un immense besoin de cadres », estime Jean-Christophe Batlle, directeur adjoint de la région Méditerranée et Afrique pour Coface.
La gestion des ressources humaines pour des sociétés qui comptent des milliers d’employés, les ressources humaines, le consulting, la formation continue ou initiale sont autant de secteurs porteurs propres aux marchés dans lesquels les sociétés sortent de leur statut de PME familiale. Multicibles, Vitae, Crit Job, Micheal Page, Manpower se sont déjà lancés sur le marché marocain. Il a la particularité de présenter aujourd’hui des sociétés privées qui étaient hier des administrations. Un défi en terme de gestion du personnel et de management quand on sait la propension des administrations marocaines à embaucher en période de fortes tensions sociales.
Tourisme casablancais : attirer les hommes d’affaires et développer les croisières
« Le taux d’occupation des chambres des hôtels de Casablanca est l’un des plus élevés du pays.
C’est aussi la première destination marocaine en terme de rentabilité pour les opérateurs », annonce Hamid Benlafdil, président du Centre régional d’investissement (CRI) de Casablanca. La capitale économique du royaume a « explosé » les objectifs qui lui avaient été fixés par son contrat programme. De près de 450 000 touristes en 2003, elle n’a pas atteint 1,2 million en 2012, comme prévu, mais 2,1 millions.
La ville mise sur sa spécificité : le tourisme d’affaires. Il présente le grand avantage de ne pas dépendre de la saisonnalité habituelle. La ville compte un nombre déjà considérable de grands hôtels particulièrement appréciés par les hommes d’affaires : Hyatt Regency, Sofitel tour Blanche, Sheraton, Royal Mansour… Ils reçoivent régulièrement les grands événements internationaux accueillis par le Maroc. Tous les services qui peuvent accompagner ce type de tourisme trouveront dans la ville un terreau fertile. Grossière lacune, cependant, la ville ne dispose pas encore de Palais des Congrès. Ce devrait être chose acquise au moment de la finalisation de la Marina de Casablanca, espérée pour 2016. En attendant, les événements les plus importants ont lieu à Marrakech qui dispose, depuis mai 2013, de son propre Palais des Congrès.
Le tourisme de croisière est le second créneau touristique de Casablanca avec 300 000 croisiéristes en escale en 2012. La ville tente également de développer ses centres de loisirs et de consommation. En 2011 et 2012, ont été inauguré le Morocco Mall et Anfaplace, deux immenses centres commerciaux, installés sur la corniche, face à l’océan. Ils totalisent à eux deux 286 000 m2 d’espace de shopping.
Energie solaire : une volonté politique affirmée
Le Maroc a entamé la construction de sa première centrale solaire, à Ouarzazate, cette année.
L’appel d’offres a été remporté par le consortium hispano-saoudien Accwa Power-Acciona constitué des plus grandes sociétés mondiales du secteur. Derrière ce projet d’envergure qui fait la fierté du pays, les technologies solaires et leurs applications les plus pragmatiques se développent discrètement. L’agence pour l’efficacité pour le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ADEREE) lancera à partir de janvier un programme d’aide au financement de l’achat d’une pompe solaire pour les petites exploitations agricoles qui fonctionnent aujourd’hui au gaz ou au fioul. Dans le bâtiment, elle soutient l’installation de chauffe-eaux solaires. L’Institut de Recherche en Énergies Solaires et Énergies Nouvelles croit, pour sa part, à l’utilité de l’énergie solaire, sans passage par la production d’électricité, pour le processus de séchage des phosphates, dont le Maroc est l’un des premiers pays producteurs. Autant de marchés de niches dont les besoins iront crescendo.
Julie Chaudier