Malgré un taux de chômage élevé
de 17,6 %, la Tunisie aura connu un taux de croissance de 3,6 % en 2012. Selon la Deutsche Bank, elle
devrait encore afficher une hausse de 3 % de son produit intérieur brut (PIB),
ce qui prouve la capacité de l’économie à résister à l’instabilité politique et
à la crise de la zone euro. Les exportations ont baissé, y compris dans les
grands secteurs d’avenir (automobile, aéronautique, électronique), mais
l’activité est diversifiée, allant des phosphates aux technologies de
l’information et de la communication (TIC), de l’agriculture à la plasturgie,
en passant par le textile-habillement.
Deux semaines après la démission
de Hammadi Jebali, le nouveau Premier ministre Ali Larayedh vient d’annoncer un
nouveau gouvernement, dont les seules véritables surprises auront été, à des postes
jugés essentiels pour les hommes d’affaires, la nomination de deux technocrates :
Mehdi Jomaa, jusqu’alors directeur de la division Hutchinson
à Aerospace, comme ministre de l’Industrie, et Lamine Doghri qui occupait le
fauteuil de directeur à la Banque d’investissement de développement (Bid),
comme ministre du Développement régional et de la coopération internationale.
L’impératif du développement régional
En remplaçant
« investissement » par « développement régional », le
nouveau gouvernement formalise un peu plus sa priorité de départ, qui est
l’investissement dans les régions défavorisées de l’intérieur du pays. Lors du séminaire
« Tunisie : construction politique, opportunités d’investissement et
partenariats », organisé et animé par Le Moci dans ses locaux à Paris, le
7 mars, le directeur général de l’Agence de promotion de l’investissement
extérieur (Fipa), Noureddine Zekri, expliquait que le nouveau Code
d’investissements offrirait des avantages conséquents aux opérateurs sur place
et qu’une politique de décentralisation serait menée sur place de façon à
alléger les formalités et favoriser les initiatives en capital.
A côté des grands projets
transnationaux, comme l’interconnexion avec l’Italie, l’autoroute et la ligne à
grande vitesse à travers le Maghreb, les bailleurs de fonds internationaux
auront à cœur de faciliter le désenclavement et le développement des régions. A
moins que certaines de ces infrastructures puissent être financées dans le
cadre de partenariat public-privé (PPP), comme dans l’environnement
(assainissement, dépollution et épuration des eaux).
Des grands projets en cascades
Lors du séminaire du Moci, Habib
Gaïda, le directeur de la Chambre tuniso-française de Commerce et d’Industrie (CTFCI),
énumérait les investissements prévus par grand secteur : infrastructures,
3,78 milliards USD ; énergie, 2,06 milliards USD ; agriculture,
854 millions USD ; transport, 726,8 millions USD ; environnement, 439
millions USD ; santé, 72,2 millions USD ; éducation, 41,6 millions USD. Parmi les
projets, peuvent être citées les quatre stations de dessalement d’eau de mer de
Djerba, Gabes, Mahdia et Sfax, représentant chacune une capacité de 50 000 m3 par
jour et un coût global de 320 millions EUR.
Il est aussi prévu d’injecter
entre 1,6 milliard et 2 milliards EUR dans des centrales électriques, dont
une unité de 1 200 mégawatts à construire en BOT (Buil-Operate-Transfer) à
El Haouaria (nord du Cap Bon). Entre 2,5 et 3 milliards USD doivent
aussi être engagés dans une raffinerie au port de Skhira et 2,1 milliards dans
l’exploitation d’une nouvelle mine au Kef. Certains projets d’envergure du
régime Ben Ali semblent jusqu’à présents conservés, comme le grand port eau
profonde d’Enfidha, l’aménagement du Lac nord de Tunis pour 5 milliards de
dollars (création d’une cité du sport par le groupe émirati Bukhatir) et le méga projet d’immobilier
touristique de Tozeur pour 3,3 milliards USD (projet de Qatari Diar
Tunisia Services Company).
Certaines villes du sud, comme
Sfax pour Gafsa ou Sidi Bouzi, d’où est partie la révolution du 14 janvier
2011, devraient jouer un rôle important dans le désenclavement des villes de
l’intérieur. Les fonctions d’entreposage et de stockage devraient ainsi être
développées dans le port de Sfax.
La mise à niveau des PME locales
Au-delà des infrastructures,
c’est tout le tissu économique qui mérite d’être rénové ou modernisé. Car si
les grands domaines d’exportation sont, par nature, compétitifs, ce n’est pas
le cas de la petite industrie, tournée vers le marché local. « La France,
qui a maintenu ses exportations en 2012 à 3,6 milliards d’euros comme en 2011,
met à la disposition des banques tunisiennes une ligne de crédit de 40 millions
d’euros permettant à des PME-PMI tunisiennes d’investir dans des biens
d’équipement et des services spécialisés d’origine française pour des montants
variant entre 100 000 et 2 millions d’euros », explique Michèle Féki,
directrice du bureau d’Ubifrance à Tunis.
« Le gouvernement tunisien a
aussi mis en place des programmes de mise à niveau dans l’industrie, les
services et le tourisme », souligne Habib Gaïda. Enfin, les entreprises
françaises pourraient trouver de nouvelles opportunités d’affaires avec la
libéralisation des services, qui fait, à l’heure actuelle, l’objet de
négociations entre la Tunisie et l’Union européenne. « Les services
financières, le tourisme, la grande
distribution et la franchise sont concernés », énumère Michèle Féki.
En avril 2012, ISMS, holding pour
les supermarchés Auchan, a pris une participation de 10 % dans Magasin général,
un groupe tunisien de 52 supermarchés, 6 magasins et 9 magasins
d’électroménager. De son côté, à la fin de la même année, Accor a annoncé son
intention d’opérer une vingtaine d’hôtels supplémentaires à son enseigne au
pays du jasmin.
François Pargny
Pour prolonger
Cliquer sur notre site sur la
rubrique « Pays & marchés », puis choisissez
« Tunisie » pour accéder à tous nos contenus sur ce pays.