La Suisse, ce n´est pas que la finance. Si le pays et certains de ses fleurons bancaires sont touchés de plein fouet par la crise internationale, la solidité de son économie et de ses entreprises lui permet de résister.
Dans beaucoup de secteurs, notamment high tech, les possibilités de partenariat sont nombreuses. Enquête réalisée par « Le Moci » en partenariat avec la revue « Aspects » de la Chambre France-Suisse pour le commerce et l´industrie (CFSCI).
Progression de 0,1 %. La consommation des ménages suisses a légèrement augmenté en octobre-décembre 2008. Preuve que l´économie du pays est solide et lui permet de résister à la crise. Même si les prévisions de récession des experts se sont confirmées. En effet, pendant le dernier trimestre de 2008, le PIB suisse a reculé de 0,3 %, et c´était le deuxième trimestre consécutif de baisse. Les entreprises helvétiques subissent le contrecoup de la contraction de l´économie mondiale. L´industrie horlogère a vu ses exportations diminuer de 21,5 % en janvier 2009 par rapport à janvier 2008. Pendant ce même mois, le chiffre d´affaires d´Addeco, le numéro un mondial du travail temporaire, a baissé de 25 % et le groupe a annoncé une accélération des suppressions d´emplois.
Pour la Banque nationale de suisse (BNS), « l´économie suisse sera affectée de plein fouet » et la prévision de recul du PIB se situera dans une fourchette comprise entre 0,5 et 1 % en 2009. Le KOF, le Centre de recherches conjoncturelles de l´École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), table sur un repli de 0,5 %. Au vu des chiffres récents de l´économie, le recul pourrait être toutefois plus prononcé.
À cela s´ajoute la tourmente dans laquelle se débat la première banque suisse, UBS, qui a enregistré en 2008 une perte nette de 19,7 milliards de francs (13,45 milliards d´euros). Pire encore, l´établissement se trouve attaqué aux États-Unis sur son secret bancaire.
Après avoir obtenu la divulgation d´une centaine d´informations de comptes de riches Américains ayant fraudé avec le fisc, les autorités américaines veulent forcer l´UBS à révéler 52 000 noms supplémentaires. Un banquier genevois s´empresse d´ajouter que la situation d´UBS est un « cas particulier » lié à des erreurs dans la stratégie et qu´« une crise systémique du système bancaire suisse est exclue ».
Pour autant, et en dépit de ces chocs, l´économie suisse dispose d´atouts. Certes, le taux de chômage a fortement augmenté en janvier 2009 puisqu´il a atteint 3,3 % de la population active (contre 3 % en décembre 2008). Mais on est loin des taux d´autres pays européens et la caisse d´assurance chômage est en excédent. Du coup, aucun économiste n´envisage un effondrement de la consommation des ménages.
De plus, le pays aborde la crise avec une situation financière favorable. Le département fédéral des Finances (DFF) annonce comme une grande « nouveauté » l´apparition d´un déficit des finances publiques. La dette publique se situe en dessous de la barre de 50 % du PIB et la solvabilité de l´État ne fait aucun doute. D´autant que les autorités fédérales sont prudentes en matière de relance. Elles restent fidèles à leur philosophie libérale traditionnelle et sont réticentes à accroître l´intervention de l´État.
En novembre 2008, un premier plan de relance a été mis en place. En février 2009, le conseil fédéral (gouvernement) a annoncé un deuxième paquet de « mesures de stabilisation conjoncturelle ». La Confédération financera une série de projets pour un total de 700 millions de francs suisses (474 millions d´euros). Il s´agit pour moitié (390 millions) d´investissements anticipés et pour moitié (310 millions) de nouvelles dépenses. Le gros de cette somme, soit 300 millions, ira aux infrastructures routières et ferroviaires. Le conseil fédéral envisage un troisième paquet de mesures conjoncturelles qui pourrait être adopté l´été prochain. Doris Leuthard, ministre de l´Économie, a indiqué récemment que le gouvernement étudiait une nouvelle série de mesures, « si la crise s´avère plus longue et plus grave ».
De leur côté, les milieux privés disposent également d´atouts solides. Nestlé, le géant mondial de l´alimentation, peut compenser les marchés en récession par d´autres en expansion, notamment dans les pays émergents. Une noria d´entreprises moins connues en France affichent des résultats étonnants, preuve d´un dynamisme propre à ce pays. La société pharmaceutique Actelion a plus que doublé ses bénéfices en 2008.
« Il y a ici une détermination à démontrer que le business model suisse est valable et qu´il peut permettre de surmonter la crise », explique un consultant français installé à Genève. Les entreprises suisses sont positionnées sur des niches très spécialisées, leur permettant souvent d´être des leaders mondiaux ou de figurer parmi les principaux acteurs. Cette stratégie est rendue possible grâce aux savoir-faire développés dans le réseau d´universités et de centres de recherche.
Dans les TIC, les sciences de la vie ou la mécanique, elles vont continuer à se développer, même si le rythme ne sera pas le même. Ceci ouvre des perspectives intéressantes, notamment sous forme de partenariats entre PME. L´enquête que Le Moci a réalisée sur place montre qu´il existe un grand intérêt pour des collaborations avec des entreprises françaises.
Y compris, du côté français, les appuis officiels (Oséo-Anvar) jugés plus généreux que ceux accordés en Suisse où, libéralisme oblige, le mot subvention n´est guère apprécié ! Le capital-risque est considéré comme le mode « normal » de financement d´un projet dans les nouvelles technologies.
La facilité de contact et la proximité culturelle avec la Romandie ne doivent pas pour autant réduire le champ de vision des entreprises au territoire francophone. Le centre de gravité de l´économie suisse et les principaux centres de décision se trouvent en Suisse alémanique, une zone souvent perçue en France, de façon erronée, comme « opaque » voire inabordable ! Résultat : la présence française est bien en dessous de son potentiel.
Le Moci a pu constater que la Suisse alémanique demeure un marché tout à fait abordable pour les entreprises françaises, pour peu que celles-ci tiennent compte des spécificités du marché et de ses besoins. La Chambre France-Suisse pour le commerce et l´industrie (CFSCI), de son côté, met l´accent sur le renforcement de la présence française en Suisse alémanique.
Enquête réalisée par Daniel Solano,
avec le concours de la revue « Aspects de la CFSCI