Le Pont de commerce, organisé chaque année par la Confédération des hommes d´affaires et des industriels de Turquie (Tuskon) début juin, est à la fois une conférence et un forum international. Sa 9e édition révèle un pays qui a la volonté et les moyens de tenir une place de premier ordre sur le marché mondial, en particulier dans les pays émergents et en développement.
Les huit précédentes éditions du Pont de commerce étaient orientées sur des régions spécifiques du monde (Afrique, Europe centrale et orientale…). Cette année, ce rendez-vous s´est élargi au monde entier, devenant le premier « Pont de commerce Turquie-monde ». Au programme, une conférence internationale le 1er juin, à Istanbul, ainsi qu´une exposition et des rencontres d´entreprises du 2 au 5 juin. C´était la première fois que l´Amérique latine était concernée. L´hôte de cette grand-messe internationale des échanges était le ministre du Commerce extérieur turc, Zafer Caglayan. Ce ministre d´État du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, à l´issue de la conférence, a signé un accord commercial avec la Serbie.
Les ministres, secrétaires d´État et ambassadeurs de 39 États ont participé à cette opération très médiatisée. Toutefois, les grandes nations occidentales, comme les États-Unis, l´Allemagne et la France, n´étaient pas représentées. Ce que n´ont pas manqué de remarquer les journalistes étrangers présents, originaires de quelque 50 pays (dont Le Moci, seul journal français invité). La Turquie voudrait devenir un pont pour le commerce des pays en développement ou émergents. Cette ambition, alors que l´Union européenne représente encore 55 % de ses exportations, s´inscrit dans une politique « de diversification des exportations turques », souci majeur partagé par l´ensemble des opérateurs privés et publics depuis plusieurs années, a rappelé Zafer Caglayan.
Cette politique de diversification a donné lieu à la mise en place de stratégies régionales d´exportation, tour à tour dans les pays « voisins et environnants » (Asie centrale…), l´Afrique ou encore l´Asie — Pacifique, jusqu´à la petite dernière, l´Amérique latine. La plupart des entreprises turques interrogées par Le Moci, exposant ou participant aux rencontres d´affaires, parfois les deux, ont souligné leur volonté de prospecter ou de se renforcer dans les pays arabes et, surtout, sur l´ensemble du continent africain (voir pages suivantes). « Les pays africains sont moins affectés par la crise mondiale que d´autres », constatait Rizanur Meral, qui préside Tuskon.
Mise en place en 2003, la stratégie de développement des exportations dans la région Afrique a également prévu des outils et des aides (voir Le Moci n° 1845 du 25 juin 2009, p. 12). « Ces trois dernières années, environ 6 500 PME turques ont exporté en Afrique », affirme Rizanur Meral, et « les ventes sur ce continent sont passées de 2,5 milliards de dollars en 2005 à 9 milliards en 2008 ».
Il s´agit vraisemblablement d´une tendance lourde. Les exportations turques ont chuté de 10 % pendant les quatre premiers mois de cette année par rapport à la période correspondante de 2008, et de près de 40 % en mai. « Fin 2009, elles devraient juste dépasser la barre des 100 milliards, puis remonter à 121 milliards en 2010 », détaille Mehmet Büyükeksi, le président de l´Assemblée des exportateurs turcs (TIM). Quant au PIB, il devrait se contracter de 3,6 % en 2009. D´après la société de services financiers Merrill Lynch, la croissance serait, toutefois, de retour en 2010, avec un taux de 3,2 %.
François Pargny,
envoyé spécial à Istanbul