Maroc : les opportunités d’une puissance montante

Le Maroc peaufine son positionnement international. Dans des industries stratégiques, des plateformes intégrées sont créées, l´agriculture est réorganisée en filières. Signe d´une modernisation des modes de vie urbains, la franchise et les centres commerciaux se développent. Enquête du « Moci » réalisée en partenariat avec la revue « Conjoncture » de la Chambre française de commerce et d´industrie au Maroc.

Quelle transformation pour qui connaît Casablanca ! Il est loin le temps où le cœur de la capitale économique battait le long de l´ancienne médina, boulevard Mohammed V ou avenue Hassan II. Quitter par l´avenue Moulay Hassan Ier la place des Nations Unies, où se trouvent le siège de la BMCI (BNP Paribas) et le grand hôtel Hyatt Regency, et un nouveau monde s´ouvre. C´est l´univers des grands boulevards, avec leurs magasins de luxe, leurs boutiques de mode. Les grandes artères comme Anfa et Massira El Khadra forment autour du quartier Gautier le « triangle d´or ». « C´est là qu´il faut être », assure Elarbi Benmlih, le patron de Maison & Objet, qui possède la franchise de Guy Degrenne, avenue du Phare.

D´après le Guide de la franchise 2008, « la distribution en franchise a connu une croissance de 20 % en moyenne pendant les cinq dernières années ». Le pouvoir d´achat des Marocains s´est accru. Aujourd´hui, malgré la crise économique mondiale, on ne note pas encore de signe très visible d´essoufflement de la consommation. « Soutenue par la demande interne, la croissance économique devrait osciller entre 5 et 5,5 % cette année. Les secteurs d´exportation, comme les composants automobiles et le textile, liés à la conjoncture en Europe, sont très touchés. Mais l´exportation contribue pour moins de 1 % à la croissance économique », rappelle Abderrahmane Ouali, patron du cabinet Invest Conseil.

L´année 2010 s´annoncerait plus difficile. D´après le Haut-commissariat au plan (HCP), la croissance économique devrait tomber à 2,4 %. « Les investissements extérieurs s´essoufflent avec la crise et la demande intérieure devrait fléchir », annonce M´hamed Sagou, président de la Commission économique et financière de la Chambre française de commerce et d´industrie au Maroc (CFCIM) et ancien ministre des Finances (1993-1994). Somme toute, rien de très inquiétant ! Les sociétés étrangères qui opèrent au Maroc s´engagent généralement sur le long terme. Ainsi, Carlos Ghosn, le P-dg de Renault, a confirmé, le 15 juin, la construction de l´usine de Tanger, au nord. L´unité de production ne sera pas opérationnelle en 2010, comme prévu initialement, mais en janvier 2012. « Je n´ai aucun doute sur le fait que cette usine, à terme, aura une capacité de production de 400 000 voitures par an et qu´à un moment déterminé Nissan viendra se joindre à Renault », a expliqué le patron de la marque au losange.

D´autres entreprises françaises font aujourd´hui le pari du Maroc (voir encadré ci-dessous). La confiance affichée par les sociétés étrangères est le résultat de la stratégie adoptée par le gouvernement depuis plusieurs années. Les réformes ont permis, par exemple, de maîtriser les dépenses publiques et l´inflation. L´État a aussi investi dans les infrastructures, comme le grand port de Tanger Med, et dans l´établissement de plans sectoriels, tels Azur (construction de six stations balnéaires) et Émergence (développement de l´industrie dans plusieurs secteurs : automobile, offshoring…). Enfin, la mise en place d´une relation stratégique avec l´Union européenne (UE) a contribué à donner une visibilité aux opérateurs et à l´administration marocaine.

Pendant longtemps, nul ne savait vraiment quelle utilisation pouvait faire le Maroc de l´accord de libre-échange signé avec l´UE en 1996. Mohammed VI a décidé de miser en partie sur le nord du pays, la rive de la Méditerranée étant géographiquement la plus proche de l´Europe. Sans Tanger Med, jamais Renault n´aurait installé d´usine à Tanger. Cette ville est maintenant reliée à Marrakech par autoroute, via Rabat et Casablanca. La première station du plan balnéaire a été ouverte fin juin dans le nord, à Saïdia. La rocade méditerranéenne entre Tanger et Oujda doit être achevée l´an prochain. En 2015, le TGV, financé pour moitié par la France (coût total : 1,8 milliard d´euros), devra relier Tanger à Casablanca.

Enfin, Oujda va être dotée d´un technopôle dans l´offshoring (externalisation des traitements informatiques) et surtout les énergies renouvelables. Cet ouvrage sera l´une des 22 plateformes industrielles intégrées (P2I) prévues par le Pacte national pour l´émergence industrielle, établi par le ministère de l´Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies (MIC) (voir carte ci-contre). Ce « plan de mise en œuvre d´Émergence » comprend « 111 mesures » et « précise le rôle du privé et du public », expose Abdellatif Maâzouz, le ministre du Commerce extérieur, (voir entretien pages suivantes).

Parallèlement, le gouvernement a concocté un nouveau plan sectoriel, en faveur de l´agriculture. Nommé Maroc vert, il poursuit un double objectif : d´une part, aider à l´essor de l´agriculture « sociale », d´autre part, développer un secteur « moderne », en favorisant des partenariats entre agriculteurs et investisseurs pour réaliser des projets à forte valeur ajoutée.

Conçu par le ministère de l´Agriculture, Maroc vert trouve naturellement son prolongement dans le Pacte national pour l´émergence industrielle, avec la création de six agropôles sur tout le territoire : Berkane (près d´Oujda), Kenitra, Meknès, Beni Mellal, Marrakech et Agadir. .

Les entreprises françaises investissent

> Faurecia a inauguré en juin dernier une unité de production de coiffes de sièges à Kenitra.?

> Axa a pris possession de locaux à Technopolis, site dédié à l´externalisation des traitements informatiques (offshoring) à Rabat.

> Un groupement d´entreprises, comprenant Bouygues Travaux Publics, a décroché un contrat de 825 millions d´euros pour réaliser un deuxième port méditerranéen à Tanger (Tanger Med II).

> Nexans, le leader mondial du câble, a ouvert en mai une usine de transformateurs à Casablanca.

> Veolia Transport, à la tête d´un groupement franco-marocain, a emporté la concession sur quinze ans des bus de Rabat, Salé et Témara.

> Dans la distribution, Carrefour apporte sa franchise à la famille Bennani, propriétaire des supermarchés Label Vie.

> Accor prévoit de porter à 29 à 60 le nombre de ses hôtels d´ici à 2012.

François Pargny,  envoyé spécial au Maroc