Pourquoi donc 500 kg de mimolette affinée de la coopérative d’Isigny Ste-Mère sont-ils bloqués au port de New-York depuis près d’un mois ? Pour l’instant, mystère.
La Food and drug Administration (FDA) a bloqué il y a bientôt un mois
une cargaison de mimolette affinée d’un an d’âge destinée à aller
rivaliser avec les tomes italiennes ou hollandaises sur les étals des
fromageries qui fleurissent, depuis deux ans, dans les grandes
métropoles américaines. Motif invoqué : le taux de mites dans la croûte serait trop élevé, susceptible de provoquer des allergies.
« Mais nous exportons depuis 20 ans de la mimolette aux Etats-Unis, la qualité n’a pas changé, souligne Jérôme Goulard, chef de groupe marketing de la coopérative normande. La mite façonne la croûte du fromage, elle permet de l’affiner. C’est une méthode de fabrication naturelle. Mais la mite ne pénètre pas dans le fromage, il n’y a pas de danger ». Aucune colère ni agacement chez ce cadre dirigeant. Juste un peu de
lassitude.
Depuis un mois, l’entreprise essaye d’avoir des éclaircissements
Depuis un mois, l’entreprise essaye d’avoir des
éclaircissement sur ce que veut faire la FDA, qui n’a pas dit qu’elle interdisait formellement la mimolette affinée mais n’a toujours pas précisé quel taux de mite est autorisé, ni de quelle durée serait cette attente. Une mise en quarantaine à l’issue, pour le moment incertaine. L’article « French Mimolette: The Hardest Cheese to Get Your Hands On » du site d’information Yahoo ! Shine, dont une journaliste a pu consulter les courriers adressés par la FDA à Benoit de Vitton, le représentant d’Isigny Ste Mère en Amérique du Nord, confirme la situation de flou dans lequel reste la situation.
« Nous restons en contact avec la FDA avec l’aide des services de l’ambassade de France », précise Jérôme Goulard, contacté sur son lieu de congé. Heureusement, la cargaison ne risque rien : « c’est du fromage affiné pendant un an, il se garde, il ne risque rien, poursuit-il. Mais on aimerait bien qu’on trouve une solution pour la cargaison bloquée : soit pour qu’elle puisse entrer aux Etats-Unis, soit qu’on puisse la réexpédier en France « .
Financièrement, l’affaire n’est pas de nature à mettre en danger la coopérative : la mimolette, fromage originaire du nord de la France qu’elle produit depuis 70 ans, n’est qu’un produit parmi bien d’autres. Elle en élabore près de 3000 tonnes par an, dont à peine 10 % est exporté. Les Etats-Unis sont certes un marché porteur, mais encore marginal.
Isigny Ste-Mère a un plan B : le brossage des croûtes
Reste qu’Isigny Ste Mère ne veut pas passer à côté d’un marché américain qui se réveille. Manger du fromage de caractère est devenu tendance aux Etats-Unis : de plus en plus d’Américains y prennent goût. Isigny Ste-Mère a pleinement bénéficié de cette engouement : ses exportations, qui progressaient mais doucement, ont bondi de 25 % l’an dernier. « Nous avons exporté une soixantaine de tonnes de mimolette en 2012 », confirme Jérôme Goulard.
Si jamais la FDA exigeait que le taux de mites soit réduit, la coopérative à son plan B : « Dans les adaptations que nous envisagerions, nous ne remettrions pas en cause la technique de fabrication naturelle du fromage, ni sa qualité intrinsèque : nous ferions des brossages de la croûte avant expédition », explique Jérôme Goulard. Les Etats-Unis valent bien cette étape supplémentaire dans le processus de fabrication.
Car en attendant, l’affaire de la mimolette d’Isigny Ste-Mère suscite des réactions de soutien aux Etats-Unis même, sur les réseaux sociaux notamment, se transformant en une belle opération de marketing auprès d’un public gastronomes. A Greenwich Village, le quartier bobo au coeur de New York, une quarantaine de fans ont rallié le 13 avril une dégustation de rue initiée par Benoit de Vtiton avec ses dernières boules en stock, alimentant blogs et rubriques des sites d’information en ligne. Une journaliste française basée en Californie a créé une page facebook « Save the mimolette » (un peu plus de 1600 « j’aime en quelques jours).
Cette affaire, pour le moins étrange, est en tout cas du pain béni pour les gouvernements européens qui préconisent, à l’instar de la France, la prudence dans l’ouverture des négociations de libre échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis…
Christine Gilguy