Alors que l’administration Trump a supprimé les exemptions de minimis pour les produits expédiés de Chine et de Hong Kong, à compter du 1er mai, l’Union européenne (UE) tergiverse sur sa propre réforme dans ce domaine. En attendant, Bercy, qui craint une réorientation des flux du e-commerce chinois des Etats-Unis vers l’UE, sonne le branle-bas de combat pour sensibiliser les consommateurs et muscler son dispositif de contrôle.
[Mis à jour le 29 avril, 14H25, avec les détails du plan d’action du gouvernement]
« 600 avions gros-porteurs s’envolent chaque nuit de Chine pour livrer des colis en Europe » selon Eric Lombard, ministre français de l’Economie, qui intervenait le 25 avril sur l’antenne de BFM. A 91 %, ces colis de faible valeur – 4,6 milliards dans l’UE l’an dernier, 800 millions rien qu’en France-, très émetteurs de CO2, viennent de Chine, commandés via des plateformes telles que Shein ou Temu, les géants de la « fast fashion » et des objets à bas prix.
Bercy estime même que 20 % des achats de vêtements en France s’effectuent actuellement via les trois grandes plateformes que son Shein, Temu et l’américaine Amazon, au grand dam des acteurs du prêt-à-porter.
Vêtements, bijoux, jouets, gadgets, électroménager, bricolage… Pourvu que la valeur soit inférieure à 150 euros, seuil en dessous duquel ces produits sont exemptés de droits de douane dans l’UE -la fameuse exemption de minimis-, tout et n’importe quoi se vend sur ces plateformes. Y compris de la contrefaçon et des produits ne respectant pas les normes de qualité européennes, jusqu’à 86 % des jeux et jouets par exemple selon une enquête menée par un laboratoire indépendant pour le compte de plusieurs fédérations européennes de jouets, dont la Toy Industries of Europe (TIE), et rendue publique en octobre dernier.
Ce 29 avril, Eric Lombard, accompagné de pas moins de trois autres ministres (Amélie de Montchalin, en charge des Comptes publics, Véronique Louwagie, en charge du Commerce, de l’artisanat, des
PME et de l’économie sociale et solidaire, et Clara Chappaz, en charge de l’Intelligence artificielle et du numérique) a donc annoncé depuis la plateforme de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, un des hubs névralgiques de ce E-commerce international en France, de nouvelles mesures visant à endiguer un nouveau déferlement de ces produits à bas coût venus de Chine.
Une crainte de tsunami de petits colis venus de Chine
Depuis les hausses de droits de douane décrétées par l’administration Trump, comme toute l’Europe, Paris, qui estime que 20 % des colis postaux qui entrent sur son territoire proviennent déjà de Chine, craint que les flux du e-commerce chinois initialement destinés aux États-Unis ne se réorientent vers le marché européen.
Le 2 avril dernier, en effet, l’administration Trump a supprimé l’exemption de minimis – dont le seuil était de 800 dollars- pour les produits fabriqués Made in China et expédiés par voie postale depuis la Chine et de Hong Kong. A compter du 2 mai, tous ces colis entrant par voie postale aux États-Unis soit supporteront un droit de douane de 120 % ad valorem, soit une taxe spécifique de 100 USD à compter du 2 mai, porté à 200 USD le 1er juin.
L’UE, sont le seuil de minimis est bien moins élevé à 150 euros, planche sur une réforme similaire, qui pourrait entrer en vigueur en 2028, mais cela prend du temps.
Un plan d’action et le projet d’une taxe pour « frais de gestion »

En attendant, pour faire face, le gouvernement français a décidé de sensibiliser les consommateurs, et a prévu de prendre « des mesures concrètes » qui devront « répondre à ce flux de marchandises, préserver la sécurité des consommateurs ».
Le plan d’action présenté le 29 avril par Eric Lombard mise d’abord sur un renforcement des contrôles sur la sécurité et la conformité des produits, avec une meilleure coordination avec les voisins européens.
Selon le document officiel diffusé auprès de la presse, dès cette année, le nombre de contrôles aléatoires de la DGCCRF (répression des fraude) sur les colis expédiés via des plateformes étrangères seront triplés et augmenteront encore les trois années suivantes. En outre, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) fait évoluer sa doctrine et effectuera désormais un contrôle simultané et à 360° sur plusieurs aspects : sécurité, étiquetage, allégations environnementales, pratiques commerciales. En outre, des campagnes de communication auprès des consommateurs sur les produits interdits à la vente à la suite de contrôles seront menées.
Une meilleure coordination entre la DGCCRF, la Douane et leurs homologues européens sera également activement recherchée : non seulement les résultats des contrôle seront partagés avec leurs homologues, mais en outre un partage d’information entre Etats membres sera effectués afin que les produits retirés de la vente dans un pays soient également retirés en France.
Le deuxième grand axe du plan d’action reposera sur une lutte plus active contre les distorsions de concurrences générées par les plateformes étrangères. Dans une logique de « juste proportionnalité », la hausse des contrôles sera dirigée prioritairement vers les plateformes les plus importantes, et
notamment les plateformes étrangères. Un contrôle sur un acteur de petite taille s’accompagnera du même contrôle sur les acteurs de plus grande taille. « Cette évolution de la doctrine de contrôle vise à rétablir le déséquilibre existant entre des acteurs européens et les acteurs extra-européens ».
La lutte contre la fraude à la TVA va être également musclée : l’identification précoce des opérateurs les plus à risque sera renforcée et « les importateurs qui ne présentent pas leurs registres après demande de
l’administration ou les représentants fiscaux sans garanties requises de solvabilité seront radiés ».
Enfin, the last but not the least, la France va évidemment soutenir la réforme européenne des exemptions de minimis. Mais en attendant que celle-ci soit mise en en place, au plus tard en 2028, elle compte proposer au niveau européen l’instauration d’une nouvelle taxe sous la forme de « frais de gestion forfaitaires appliqués à chaque colis ».
Pour Amélie de Montchalin, citée par Les Echos, l’idée serait de faire « payer aux importateurs, aux plateformes, et non pas aux consommateurs, un petit montant forfaitaire sur les colis ». La ministre des Comptes publics a estimé à « quelques euros » par colis le montant d’une telle taxe.
CG