Le sujet brûlant de la guerre commerciale lancée par l’administration Trump était dans tous les esprits lors de la soirée Leaguexport, organisée par les professionnels privés du conseil de l’accompagnement des entreprises à l’international, le 12 mars, sur le thème : « Au-delà des frontières, la croissance ». Si beaucoup soutiennent la fermeté de la réponse européenne, certains ont aussi invité à voir les nouvelles opportunités nées de la perte de confiance dans l’allié américain.
« Nous avons intérêt à un commerce libre et ouvert mais avec des protections ». C’est ainsi que Fabrice Le Saché, vice-président et porte-parole du Medef, a résumé la position générale du Medef sur la question de la politique commerciale, dans une intervention en ouverture de la soirée Leaguexport, organisée par les acteurs privés du conseil et de l’accompagnement à l’export* le 12 mars au siège de la fédération patronale. Les quelque 300 professionnels présents ont eu des applaudissements approbateurs à la fin de cette intervention.
Autrement dit, ces spécialistes français des marchés internationaux soutiennent la réponse ferme de l’Union européenne à la guerre tarifaire déclenchée par Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche. Ils approuvent aussi les mesures antidumping prises à l’encontre de la Chine, même si les enquêtes de la Commission sont trop longues à aboutir. « Elles mettent deux ans, nous on demande à ce qu’elles mettent deux mois » a lancé celui qui dirige le groupe Aera.
Attention aussi à l’inflation normative engendrée par les nouvelles législations du Pacte vert : « la décarbonation, ça ne se fait pas par des normes ». Le Medef, comme d’autres organisations patronales européennes, a bataillé pour la simplification d’un certain nombre de textes européens régulant les obligations des entreprises en matière environnementale et sociale, dont la première salve a été le « paquet omnibus » récemment lancé par Bruxelles.
Dans le contexte actuel, l’UE dispose d’atouts pour d’éventuelles négociations, et le principal est son marché intérieur. « C’est un levier pour un accès négocié ». C’est aussi un levier dont elle doit user pour négocier de nouveaux accords commerciaux que le Medef appelle de ses vœux. Le Medef soutient l’accord conclu entre la Commission et le Mercosur et celui en préfiguration avec l’Inde.
La guerre commerciale lancée par Donald Trump est même « une opportunité phénoménale de construire de nouvelles relations avec les pays tiers, a lancé Fabrice Le Saché. Il y a des pays qui ne veulent pas, comme nous, se retrouver entre le marteau américain et l’enclume chinoise ». Et de citer pêle-mêle l’Inde, mais aussi les Émirats arabes unis, le Nigeria, l’Indonésie ou encore la Thaïlande. Pour pousser de nouveaux accords, « nous travaillons main dans la main avec les services de l’État », a assuré le porte-parole du Medef.
Considérer la guerre commerciale de Trump comme une opportunité
Considérer la guerre commerciale de Trump comme une opportunité ?

Etienne Vauchez, vice-président du Think Tank la Fabrique de l’exportation et ancien président de l’OSCI (ci-contre), la fédération française des sociétés de conseil et de gestion déléguée de l’export, partage totalement ce point de vue. « Il y a une perte de confiance dans les Etats-Unis, c’est une opportunité de développer une stratégie USA+1 » a-t-il développé, faisant allusion à la vogue des stratégies Chine + 1 depuis le durcissement des relations économiques entre les pays occidentaux et l’ex. Empire du milieu et la Covid-19. « Le Canada cherche actuellement de nouveaux fournisseurs » a relevé Etienne Vauchez.
Pour lui, en s’attaquant au commerce des biens, les États-Unis de Donald Trump cherchent en réalité à pousser leurs services digitaux. Une analyse que partage de nombreux observateurs. « C’est le sens de la défense du free speech, de la liberté d’expression » a estimé le vice-président de la Fabrique de l’exportation, faisant référence aux discours agressifs du président américain et de son vice-président JD Vance sur le supposé recul de la liberté d’expression en Europe.
C’est aussi pourquoi les Américains veulent mettre dans la balance d’éventuelles négociation avec Bruxelles les législations fiscales telles que la TVA et la taxe sur les services numériques improprement surnommée « taxe Gafam », acronyme désignant les grands acteurs américains du numérique (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft…), alors qu’elle touche aussi les grands acteurs européens du numérique.
La France, au sein de l’UE, ne manque pas d’atouts dans ce contexte : si elle est déficitaire sur les biens et souffre de l’insuffisante internationalisation de ses PME industrielles, sa marque France est forte pour peu qu’elle soit davantage mise en avant, ses services sont performants (exportations quadruplées en 25 ans, grâce au BtoB) et ses entreprises disposent d’un réseau d’implantations dans le monde puissant, qui totalise 1600 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie 7 millions de personnes, un million de plus que celui de l’Allemagne. Enfin, elle peut tirer son épingle du jeu dans la compétition pour attirer les talents qui commencent à fuire les États-Unis de Trump.
Pour Etienne Vauchez, « on peut gagner cette guerre, notre pays doit le faire ». Et pour l’heure, la peur ne semble pas être de mise dans cet écosystème de professionnels de l’accompagnement des entreprises à l’international.
Christine Gilguy
*Medef International, OSCI, CCI France International, Stratexio, ICC France.