Annoncée par le président Macron début janvier, l’organisation d’un conseil présidentiel du Commerce extérieur en mai vise à booster les performances à l’exportation de la France. Lors de la soirée Leaguexport organisée par les acteurs privés de l’accompagnement des entreprises, le 12 mars, le ministre du Commerce extérieur a appelé à une valorisation du conseil à l’export et plusieurs organisations se sont positionnées pour faire entendre leur voix.

Pour Laurent Saint-Martin, ministre délégué au Commerce extérieur, par les temps de guerre commerciale qui courent, pas question de laisser les patrons d’entreprises céder à la tentation du repli. « On doit valoriser plus que jamais le conseil à l’export », a-t-il déclaré dans une intervention en ouverture de la soirée Leaguexport, le 12 mars au Medef, réunissant les principales organisations privées de l’accompagnement export : Medef International, OSCI, CCI France International, Stratexio, Fabrique de l’exportation. Et c’est dans cet objectif que, selon le ministre, le président Macron a décidé de convoquer un conseil présidentiel du Commerce extérieur en mai, à une date qui n’est pas encore arrêtée.
« Un bâton de dynamite dans une fourmilière »
Mais cette annonce agite depuis quelques semaines tout l’écosystème du soutien à l’export français, public et privé.
Le ministre a déjà quelques idées de sujets à aborder lors de ce conseil. En premier lieu, la simplification des dispositifs « pour que cela soit plus compréhensible pour les entreprises ». Il y a encore trop de chapelles, il faut « simplifier avec les acteurs et rapprocher les acteurs publics et privés » a estimé celui qui a dirigé Business France -principal agence publique nationale dans le domaine de l’accompagnement export- pensant deux ans, avant de rejoindre le gouvernement Barnier, en tant que ministre des Comptes publics, puis celui de François Bayrou, en tant que ministre du Commerce extérieur et des Français de l’étranger.
Il faut aussi, selon lui, faire « une vraie cartographie de l’accompagnement export ». Et enfin promouvoir une vraie marque France : « il va falloir être beaucoup plus audacieux pour qu’elle soit visible sur les salons, dans la communication ». « Il faut que la Team France soit globale, publique et privée » a poursuivi le ministre, estimant que la division « n’est pas un luxe qu’on peut se payer en temps de guerre commerciale ». Et d’enfoncer le clou : « C’est le drapeau français, pas le nom de l’accompagnateur, qui fait la différence à l’étranger ».
Le ministre consulte dans le cadre des préparatifs de ce conseil présidentiel afin de préparer des propositions. Laurent saint-Martin a laissé entendre que son cabinet contactera les acteurs privés avec lesquels il n’a pas encore échangé. « Ce conseil présidentiel, c’est un peu comme un bâton de dynamite dans une fourmilière » a -t-il assuré sans plus de précision.
Pour l’heure, plusieurs participants à cette soirée ont confié au Moci ne pas savoir grand-chose des préparatifs de ce conseil, ni d’ailleurs de ses objectifs précis, et espérer que les représentants du secteur privé seront effectivement écoutés pour contribuer à des propositions.
Une réflexion sur ce que font les autres pays
Certains ont néanmoins pris les devants pour fournir matière à réflexion concrète lors de ce conseil.
C’est le cas de la Fabrique de l’exportation, Think Tank présidé par Alain Bentéjac, qui animait une table ronde composée de différents représentants des organismes du privé lors de la soirée Leaguexport. L’actuel président du groupe Artelia et ancien président des conseillers du commerce extérieur a dévoilé que le Think Tank a lancé une réflexion commune s’appuyant sur l’étude des dispositifs d’autres pays, notamment européens, en matière d’accompagnement export, public et privé. L’objectif est de délivrer des conclusions avant le conseil présidentiel pour nourrir ses travaux.

Concernant les autres organismes, ils sont dans l’attente d’en savoir plus sur ce que l’on attend d’eux. Mais on a eu un avant-goût de l’état d’esprit de leur représentants lors de la table ronde où intervenaient (de gauche à droite sur la photo ci-contre) Chloé Berndt, co-présidente de l’OSCI, fédération des sociétés de conseil et d’externalisation des activités export (140 membres, à 60 % à l’étranger), Géraldine Lemblé, directrice-générale adjointe de Medef International, association qui organise des missions d’entreprises à l’international et entretien un réseau de conseil d’affaires bilatéraux, Emmanuelle Butaud-Stubb, directrice générale d’ ICC France, la branche française de la Chambre de commerce internationale, et Arnaud Vaissié, président du réseau CCI France International, tête de pont des 120 CCI françaises à l’étranger, dans 95 pays.
Pour une application du principe de subsidiarité
Pour Arnaud Vaissié, la diversité des acteurs n’est pas un problème et correspond à la diversité des entreprises et de leurs besoins lorsqu’elles s’internationalisent. En revanche, le président de CCI France International espère que l’objectif du président de la République est bien de « faire mieux travailler ensemble » les secteurs publics et privés, encourager davantage le privé car « il est plus flexible », et « utiliser le public là où il est vraiment utile, par exemple les salons ».
« Le financement public des participations aux salons est plus utiles que faire concurrence au secteur privé sur l’accompagnement des PME », a estimé Arnaud Vaissié. Pour beaucoup d’observateurs, il visait sans la nommer Business France, qui a beaucoup développé des prestation d’accompagnement individuel ces dernières années et est devenu l’opérateur du volet export de France 2030. Et d’ajouter qu’ « on a des marges de simplification considérables des procédures plus que des organismes ».
Géraldine Lemblé est sur cette même longueur d’onde. « Il faut que ce Conseil présidentiel permette au secteur public d’écouter le secteur privé », car ce dernier dispose de compétences. « Là où on est bon, il ne faut pas que le secteur public s’en occupe » a-t-elle complété. Autrement dit, un retour au principe de subsidiarité qu’avait édicté l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, dans son discours de Roubaix, lorsqu’il avait lancé la réforme du dispositif public d’aide à l’export, en 2018.
Chloé Berndt partage ce point de vue. « Parfois, des financements ont tendance à aller vers le public, a-t-elle indiqué. Mais nous nous sommes battus pour que le chèque relance export puisse également bénéficier au privé ». Le chèque relance export, distribué par Business France, faisait partie des mesures du premier plan export mis en place après la crise de la Covid 19 afin d’aider les PME à repartir à l’international. Il a été applaudi par les consultants privés. « Il faut que le principe de subsidiarité s’applique » a estimé la co-présidente de l’OSCI.
ICC France sur un « strapontin »
La co-présidente de l’OSCI a toutefois indiqué que les choses allaient mieux depuis cette fameuse réforme qui a donné naissance au dispositif Team France Export (TFE, réunissant pour assurer un guichet unique des aides publiques à l’export Business France, les CCI, les agences régionales, Bpifrance et leurs partenaires) et aux plateformes régionales de solutions TFE. « 30 % des dossiers d’assurance prospections sont portés par le privé » et « le référencement fonctionne bien, les leads remontent des équipes locales de Business France » a-t-elle assuré. De même, selon elle, les consultants membres de l’OSCI sont plus facilement identifiables sur les plateformes TFE.
Ce qui pêche surtout à ses yeux, c’est le manque de communication commune autour de l’international et des complémentarités des compétences publiques et privées dans le domaine de l’accompagnement, y compris dans les pays étrangers, où les PME françaises méconnaissent les offres de solution possibles émanant de professionnels français localement. Une expérimentation serait en cours, dans neuf pays tests, de « Team France Pays ». « Il faut faire découvrir aux PME toutes les possibilités » a-t-elle insisté.
Emmanuelle Butaud-Stubb a pour sa part saisi l’occasion de son intervention pour s’étonner de voir ICC France marginalisée dans cette « Team France ». « Nous sommes sur un strapontin » a-t-elle déploré, assurant que l’organisme qu’elle représente n’est même plus référencé sur la plateforme TFE. Or, a rappelé la directrice générale d’ICC France, cet organisme est la référence en matière de règles juridiques du commerce international, « il y a de la place pour tout le monde », « il faut utiliser ce qui a été fait ». « Nous ne proposons pas moins de 17 modèles de contrat et une vingtaine de clauses type », a-t-elle précisé.
Sa priorité, pour le conseil présidentiel, sera de pousser pour la digitalisation des opérations de commerce international, domaine dans lequel ICC France, avec Paris Europlace, ont déjà obtenu des avancées importantes pour que la France se dote d’un cadre juridique approprié, à travers la Loi Holroyd, et mobilise ses Fintech.
Autant de pistes de réflexion à faire remonter vers l’Elysée.
A suivre…
Christine Gilguy