Alors que Donald Trump était sur le point d’annoncer des droits de douane de 25 % sur les importations de biens européens, FranceAgriMer, qui donnait une conférence sur le marché américain à l’occasion du Salon international de l’agriculture, se veut rassurante. Les professionnels, eux, sont dans l’expectative.
« Il est temps de voir les choses de manière dépassionnée », a lancé Christian Ligeard, conseiller aux affaires agricoles de l’ambassade de France à Washington, pour introduire son propos. Sur le stand de FranceAgriMer, entreprises agricoles et agroalimentaires sont venues en nombre prendre la température de ce marché crucial pour elles et le commerce extérieur français.
Les États-Unis sont en effet le sixième client de ces deux secteurs, avec des exportations ayant atteint 5,4 milliards d’euros en 2023, soit 6,7 % du total de nos exportations agricoles et agroalimentaires. Et ces dernières pourraient être frappées de plein fouet par les nouveaux droits de douane de l’administration Trump II s’ils sont mis en application.
C’est pourtant un discours rassurant qu’a tenu le conseiller agricole, avançant les bons indicateurs macroéconomiques des États-Unis (hors inflation sous-jacente, toujours à 2,8 %) et la légitimité politique de Donald Trump, démocratiquement élu.
Principe de réciprocité…
« Il ne s’agit pas d’un coup d’État, comme on a pu l’entendre. Il bénéficie du soutien du peuple, a-t-il rappelé. Selon les derniers sondages, 46,9 % des Américains approuvent sa politique. » Reste que le mécanisme tarifaire que le président américain compte mettre en place unilatéralement et ses déclarations erratiques pendant sa campagne électorale ont de quoi inquiéter.
« Avec un déficit de 120 milliards de dollars en 2024, les États-Unis sont le premier client du monde, a développé l’expert. La mise en place de droits de douane répond à une volonté de retour à la souveraineté, comme dans les semi-conducteurs ou la pharmacie, mais aussi à une politique économique centrée sur le travailleur et non le consommateur. En effet, proposer les prix les plus bas s’il n’y a personne pour les acheter ne sert à rien. »
Pour réduire leurs importations (et donc leur déficit commercial), a poursuivi Christian Ligeard, « les Américains regardent pour chaque ligne tarifaire les taux pratiqués par leurs partenaires commerciaux » et, envisagent d’éventuellement imposer les mêmes. Par exemple, les produits laitiers américains sont taxés à 20 % par l’Union européenne, soit beaucoup plus que les droits de douane américains sur les produits laitiers européens. Même état d’esprit du côté des formalités phytosanitaires.
… et art du compromis
« En cas de réciprocité, des barrières sanitaires pourront tomber, avance Charles Martins-Ferreira, conseiller adjoint aux affaires agricoles à l’Ambassade de France à Washington. Par exemple, si l’Union européenne n’assouplit pas ses règles sur le bœuf aux hormones, les États-Unis pourraient utiliser l’outil tarifaire. La question est de savoir si l’Union européenne est prête à faire des compromis. »
En outre, et de manière assez paradoxale, a observé le conseiller, « Robert Kennedy, le nouveau ministre de la Santé, est assez UE compatible : il entend s’attaquer aux maladies chroniques infantiles dont l’obésité et fait la promotion du lait cru. Il a également annoncé vouloir réformer la FDA ». Malgré ces signaux positifs, le conseiller adjoint a regretté « une incertitude la plus totale » et des « annonces qui changent du jour au lendemain » alors même que « les tensions commerciales sont déjà là ».
Un constat que partage Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux. « Pour l’instant nous n’avons aucune visibilité et notre crainte est que des mesures et contre-mesures s’enchainent dans le temps. Pourtant les États-Unis n’ont aucun intérêt à se fermer : ils importent un tiers de leur consommation de vin. » L’enjeu est important pour les producteurs français : le marché états-unien représente 25 % des exportations de vins et spiritueux français.
Même son de cloche du côté des produits laitiers, deuxième secteur exportateur après les alcools. « Nous sommes dans l’expectative », résume Jean-Paul Torris, président du pôle agriculture et agroalimentaire de Medef international. « Si les droits de douane sont de 10 % sur tous les produits, ce sera plutôt pas mal. Mais les choses peuvent devenir plus compliquées si l’administration Trump décide d’un tarif par ligne de produit. »
Selon les dernières déclarations du président américain, qui restent à confirmer, les droits de douane seraient donc finalement non pas de 10 %, mais de 25 %.
Sophie Creusillet
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