La Chine a inauguré début février une nouvelle route maritime vers la Colombie, renforçant son empreinte en Amérique latine. Un revers pour Washington, malgré la menace de droits de douane brandie par Donald Trump. Revue de détail dans cet article proposé par notre partenaire La newsletter BLOCS.
Une étape majeure dans les relations commerciales entre la Colombie et la Chine a été franchie le 5 février avec l’inauguration d’une liaison maritime directe entre les deux pays. Cette nouvelle route relie le port de Buenaventura (notre photo en couverture) à Shanghai via l’océan Pacifique, avec une escale stratégique au mégaport péruvien de Chancay, une infrastructure de 3,5 milliards de dollars détenue à 60 % par l’armateur chinois Cosco et inaugurée en grande pompe par le président Xi Jinping en novembre dernier.
« Bonne nouvelle : Buenaventura renforce ses échanges avec la Chine grâce à une liaison maritime directe assurée par Cosco Shipping », s’est félicité Zhu Jingyang, ambassadeur de Chine en Colombie, en saluant une initiative qui devrait fluidifier les échanges entre la Colombie et la deuxième puissance économique mondiale avec ce nouveau trajet de 25 jours contre 39 jours auparavant.
Le ministre colombien du Commerce extérieur, Luis Carlos Reyes, a également exprimé son enthousiasme, soulignant l’opportunité pour son pays de diversifier ses exportations. « L’inauguration de cette route commerciale maritime entre Shanghai et Buenaventura est un motif de célébration. C’est un grand pas vers le renforcement des relations commerciales entre la Colombie et la Chine », a-t-il déclaré.
Empreinte chinoise en Amérique latine
Cette nouvelle connexion maritime s’inscrit dans le vaste projet chinois de la Nouvelle route de la soie, auquel la Colombie a officiellement adhéré en octobre dernier. Lancée en 2013, cette initiative titanesque, financée par Pékin, vise à renforcer son influence commerciale à travers le développement d’infrastructures portuaires, ferroviaires et terrestres dans des pays tiers.
Les chiffres confirment cette montée en puissance : en 2023, les pays d’Amérique du Sud ont exporté pour 91,2 milliards de dollars de produits vers les États-Unis, contre 181 milliards vers la Chine. Si Washington reste le premier partenaire commercial de pays comme la Colombie et l’Équateur, il y a vingt ans, il dominait l’ensemble de la région, à l’exception du Paraguay.
Mais cette nouvelle route maritime intervient également dans un contexte de relations tendues entre la Colombie et les États-Unis, marqué par le retour au pouvoir de Donald Trump.
Tensions autour du protectionnisme américain
Le 26 janvier dernier, à peine six jours après son investiture, le président américain a menacé d’imposer immédiatement des droits de douane de 25 %, puis de 50%, sur les importations d’origine colombienne après le refus du président colombien Gustavo Petro d’accueillir deux avions militaires transportant des migrants expulsés. Contraint de céder, Petro a finalement accepté les exigences américaines afin d’éviter une escalade économique.
Cette posture protectionniste ainsi que la suspension de la quasi-totalité de l’aide étrangère américaine à travers le programme USAID pourrait cependant avoir des conséquences stratégiques pour Washington.
« À la suite de ce conflit très public, la tactique de Trump pourrait pousser la Colombie à s’éloigner davantage des États-Unis, analyse Gimena Sánchez-Garzoli, de l’Ong WOLA (Washington Office on Latin America). La Colombie est le principal allié des États-Unis en Amérique du Sud en ce qui concerne le commerce et la coopération en matière de migration, de lutte contre les stupéfiants et de sécurité. Le soutien des États-Unis à la Colombie est crucial pour la paix, la justice, le développement économique et la résolution des crises humanitaires et migratoires. Si les affrontements se multiplient et que l’aide américaine continue d’être gelée ou annulée, les États-Unis perdront de l’influence en Colombie, ce qui la conduira directement dans les bras ouverts de la Chine », prévient l’experte.