L’événement Bercy France Export est traditionnellement l’occasion d’annonces sur l’évolution des dispositifs de financement et d’accompagnement à l’export proposés par la direction générale du trésor et Bpifrance assurance export (BAE). L’édition du 4 février, qui a rassemblé 400 dirigeants d’entreprises et d’institutions financières, n’a pas dérogé à la règle. Après un premier tour d’horizon, voici en détail les principales annonces que nous avons relevées.
1-Carte de la politique de financement export
Dévoilée le 4 février, la carte de la politique de financement export qui renseigne sur le degré d’ouverture du guichet d’assurance-crédit export de l’État français, mis en œuvre par Bpifrance assurance export BAE), a subi peu de changements.
Pour rappel (voir notre premier article sur Bercy France Export 2025), deux pays font l’objet d’un durcissement avec une fermeture officielle du guichet des financements export : la Birmanie et l’Iran. Une fermeture très symbolique car peu d’entreprises s’aventuraient sur ces marchés sous sanctions internationales.
En revanche quatre pays ont bénéficié d’assouplissements : le Kirghizistan et le Kosovo, qui passent de la couleur orange (ouvert pour des cofinancement internationaux) à vert clair (ouvert avec vigilance) ; le Surinam, qui reste en couleur orange mais bénéficie d’une ouverture sur certains secteurs ; et enfin le Costa Rica, qui passe de vert clair à vert foncé, soit une ouverture sans condition.
Malheureusement, la carte, qui est en ligne sur le site de la direction générale du Trésor (DG Trésor), n’est plus interactive : aucun détail n’est donné sur les conditions d’octroie des aides par pays.
Pour rappel, mode d’emploi de la carte des financements export
Pour rappel, la carte de la politique de financement export utilise quatre couleurs ayant chacune une signification : rouge : fermé ; orange : ouvert sous condition ; vert clair : ouvert avec vigilance ; vert foncé : ouvert.
La carte est en ligne : cliquez ICI.
2-Evolutions de la politique de financement export
Lors d’une table ronde réunissant les responsables des principales agences et administrations intervenant dans la politique de financement export, Magali Cesana, cheffe du service des Affaires bilatérales et de l’internationalisation des entreprises (Sabine) à la DG Trésor, a fait un certain nombre d’annonces, dont certaines précisant celles d’Éric Lombard, ministre de l’Economie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
– « Verdissement » de la politique de soutien export
« Le soutien financier aux projets verts s’accentue » a indiqué Magali Cesana, renvoyant aux chiffres du rapport de la coalition « Export Finance for the futur » (E3F) réunissant 10 pays, dont la France. D’après les chiffres qu’elle a cités, l’encours garanti pour des projets de décarbonation sont passés de 400 M EUR à 1 Md EUR en 2024.
La priorité donnée aux secteurs de la transition énergétique, de la décarbonation ou encore de l’adaptation au changement climatique est une tendance lourde la politique française de financement export, depuis 2020. Elle s’aligne, pour les critères d’éligibilité des projets, sur la taxonomie européenne. Symbole de cette tendance, la France a été l’un des pays pionnier pour l’arrêt progressif du financement export des projets d’énergie fossile,malgré les réticences de certains grands pays de l’OCDE (dont les États-Unis).
-Bonus verts
Les PME de la transition écologique vont bénéficier d’un coup de pouce supplémentaire : BAE proposera désormais, dans ses offres d’assurance-crédit, une quotité garantie rehaussée de 95 à 98 % pour cette catégorie d’entreprise. En outre, pour tenir compte de l’évolution de la taxonomie européenne -la bible pour déterminer si un projet peut bénéficier ou non des aides réservées aux secteurs prioritaires de la politique climat de l’Union européenne, notamment dans le cadre du Pacte vert (Green Deal) – le champ d’application de ce bonus est élargi aux projets contribuant à la biodiversité et à l’économie circulaire.
-Cap Export réajusté
Magali Cesana a également annoncé que le dispositif de réassurance public Cap export serait réajusté cette année pour soutenir davantage les exportations de céréales françaises vers certains pays cibles pour lesquels les exportateurs peinent à trouver des couvertures d’assurance-crédit. Des travaux en ce sens ont été menés par la DG Trésor avec Intercéréales et une annonce sur ce sujet est attendue dans les prochaines semaines.
-Prêts du Trésor
Cet instrument piloté par la DG Trésor mais géré comptablement par BAE permet à la France, dans un cadre bilatéral (prêt d’État à État), de contribuer au financement de projets de grande envergure, principalement dans les infrastructures. En 2024, 11 prêts ont été octroyés pour un montant global de 1,4 milliard d’euros à 11 pays. Les projets qui en ont bénéficié concernent les transports, l’eau, la santé, le sport et le tourisme.
Pour 2025, Magali Cesana a annoncé qu’un effort de simplification de la procédure serait mené afin de la rendre « plus lisible » aux entreprises. Elle a également indiqué qu’en matière de recherche de cofinancements, l’effort serait porté sur les partenariats avec les banques de développement comme l’Agence française de développement (AFD, française) et les institutions financières internationales.
-Fasep
Le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (Fasep), qui permet de financer par des dons des études de faisabilité et des démonstrateurs réalisés par des entreprises françaises pour des projets export, ne sera pas aussi bien doté en 2025 que les années précédentes en raison des restrictions budgétaires mais reste à un niveau proche : 24 M EUR en autorisation d’engagement (au lieu de 25 M EUR) selon les documents budgétaire. L’an dernier, quelque 46 projets, dont beaucoup en lien avec les secteurs du développement durable (décarbonation, énergies renouvelable, gestion de l’eau, etc.), en ont bénéficié, dont une partie via des appels à manifestation d’intérêt. La reconstruction de l’Ukraine est également une des priorités du Fasep (voir également ci-après) : six projets d’entreprises françaises contribuant à la résilience du pays, notamment sur le plan énergétique, ont été soutenus depuis 2022 pour un montant de 3 M EUR.
-Bonus Ukraine
Autre annonce, cette année, concernant les PME participant à la reconstruction de l’Ukraine, pour laquelle la France s’est dotée d’un fonds de 200 millions d’euros en 2023 renouvelé en 2024, la quotité garantie par BAE pour ces projets export a été relevée à 97,5%.
Le bilan 2024 des soutiens à l’export
Pour rappel, voici les principaux chiffres du bilan 2024 dévoilés lors de Bercy France Export le 4 février dernier.
- Assurance-crédit export :
Opérations : 177 ; Entreprises : 119 (+ 11,2 %, dont 10 % de PME et ETI) ; montant total (M EUR) : 19 000.- Prêts du Trésor :
Projets : 11 ; montant total (M EUR) : 1400 (+ 150 %)
(Secteurs : transports, eau, santé, sport, tourisme)- Cautions et garanties préfinancement export :
Opérations : 563 ; Entreprises 401 (+ 2 %) ; montant total (M EUR) : 1400 (+32,8 %)- Assurance change :
Opérations : 178 ; Entreprises : 76 (+ 9 %) ; montant total (M EUR) : 828 (+7,1 %)- Fasep :
Projets : 46 ; montant total (M EUR) : 25- Assurance prospection :
Opérations : 1040 (-23,1 %) ; Entreprises : 1040 (-23 %) ; montant total (M EUR) : 246 (+14 %)Source : DG Trésor + Bpifrance assurance export
3- Les tendances chez Bpifrance assurance export
Comme Le Moci a déjà eu l’occasion de le préciser, le montant des soutiens financiers accordés en 2024 par Bpifrance assurance export (BAE), l’agence de crédit export française, reste élevé : 21 Md EUR au total, dont près de 19 Md au titre de l’assurance-crédit export. Le nombre d’entreprises bénéficiaires est en progression de 10 %, selon Denis Le Fers, directeur général de BAE. Ce dernier a mis en exergue plusieurs tendances intéressantes ressortant du bilan des réalisations de BAE en 2024 :
-Le recentrage « réindustrialisation » de l’assurance prospection
Si les montants octroyés aux entreprises au titre de l’assurance prospection ont augmenté en 2024 (+14 % à 240 M EUR), le nombre d’entreprises bénéficiaires a chuté de 23 % (à 1040). Selon Denis Le Fers, « il y a un vrai virage en faveur de la réindustrialisation ». Autrement dit, vers des PME et ETI dont les activité export nourrissent la croissance et les investissements industriels en France. Le budget moyen couvert par l’assurance prospection est ainsi passé de 140 000 à 235 000 euros par entreprise et 60 % des bénéficiaires ont été des industriels en 2024, contre 30 % en 2023. Rappelons que l’assurance prospection, aide à l’export phare pour les PME, est une forme d’avance remboursable pour financer les investissements immatériels de prospection commerciale des entreprises tout en en réduisant les risques financiers.
– « Rayonnement » à l’international
BAE s’efforce de nouer des accords avec de grands partenaires financiers étrangers afin de faciliter les transactions commerciales des entreprises françaises. Exemple évoqué par Denis Le Fers : un accord de garantie signé avec le Public Investment Fund (PIF), un fonds souverain d’Arabie saoudite doté d’une enveloppe de 10 milliards d’euros. « On va bientôt rencontrer les responsables du PIF pour examiner à qui peut bénéficier ce dispositif » a indiqué Denis Le Fers. Parmi les autres accords internationaux signés en 2024, citons également l’accord de garantie signé par BAE avec le comité de Garantie souverain d’Irak visant à sécuriser les échanges commerciaux entre la France et l’Irak.
-Le potentiel de Garantie de projet stratégique (GPS)
Depuis que ce dispositif a été élargi aux projets industriels réalisés sur le sol français, la GPS décolle, comme nous avons déjà eu l’occasion de le signaler. Le mécanisme pourrait encore évoluer cette année mais aucun détail n’a été fourni. En revanche, le ministre Eric Lombard a indiqué que la GPS pourrait bénéficier cette année à de nouvelles filières comme l’hydrogène ou le transport vélique.
4-Les nouveautés 2025
Denis Le Fers a fait peu d’annonce de nouveautés pour 2025, sinon quelques axes de travail.
-Stratégie de « verdissement »
La mise en œuvre de la stratégie de « verdissement » de la politique de financement export, entamée en 2020, se poursuit. BAE travaillera cette année en particulier sur : l’actualisation du calcul de l’empreinte carbone du portefeuille d’assurance-crédit avec la méthodologie PCAF (Partnership for Carbon Accounting Financials) ; la présentation d’une stratégie de décarbonation en assurance-crédit pour les secteurs aéronautique et naval ; l’application de la taxonomie.
– Simplification
Les efforts de digitalisation et simplification vont être poursuivis. Denis Le fers a notamment cité les procédures relatives aux petits crédit export (crédit acheteur de 5 à 25 M EUR en prêteur unique, jusqu’à 70 M EUR en cofinancement avec des banques ; rachat de crédit fournisseur de 1 à 25 M EUR).
-Coopération avec l’AFD et la BEI
Denis Le Fers a par ailleurs indiqué que BAE poursuivrait le travail de coopération engagé en 2024 avec les partenaires comme l’AFD et Proparco pour étudier les possibilités de cofinancement sur certains projets ayant un impact en termes d’exportations françaises, ainsi qu’avec le groupe BEI (Banque européenne d’investissement) et les autres agences de crédit export européennes pour mieux identifier les possibilités de financement export sur des projets internationaux du type de ceux intégrés dans l’initiative Global Gateway.
– Politique de réassurance
Récemment mise en place, la politique de réassurance auprès du marché privé de l’assurance va également être poursuivie. Elle est intéressante pour les exportateurs car elle contribue indirectement à dégager de nouvelles capacités de couverture. L’an dernier, BAE a négocié des traités de réassurance qui lui ont permis de placer un portefeuille de 18 polices pour un montant total de risque d’environ 1,8 Md EUR et 76 M EUR de primes.
– Promotion auprès des entreprises exportatrices et de leurs clients
Enfin, BAE va poursuivre ses efforts de promotion, via la participation à des conférences et des salons, auprès des PME et ETI françaises, qui ne connaissent pas toujours très bien les possibilités offertes par sa gamme d’instruments pour leurs opérations à l’export, qu’il s’agisse des financements export, de l’assurance-crédit ou encore des cautions, préfinancements, assurance change et autre assurance prospection. L’agence de crédit export française fera de même pour se faire mieux connaître des contractants EPC (Engineering Procurement and Construction, en français « Ingénierie, approvisionnement et construction») ainsi que des acheteurs étrangers, et favoriser leur mise en contact avec des exportateurs français.
A suivre…
Christine Gilguy