Bruxelles entame le 30 janvier un « dialogue stratégique sur l’avenir de l’industrie automobile européenne » avec les industriels de ce secteur crucial pour le commerce extérieur et l’économie de l’UE. Objectif : mettre en place des solutions pour lui redonner de la compétitivité tout en poursuivant sa décarbonation.
Fermetures de sites et suppressions d’emplois chez les constructeurs et les équipementiers (32 000 au cours du premier semestre 2024 d’après la fédération européenne des équipementiers), ventes de véhicules neufs au ralenti (+ 0,8 % l’an dernier selon l’association des constructeurs), concurrence chinoise dans l’électrique, futurs droits de douane américains, objectifs en matière de décarbonation perçus comme difficiles à tenir… L’industrie automobile européenne, qui emploie 17 millions de personnes sur le Vieux Continent et représente 7 % de son PIB, affronte depuis des mois une crise sans précédent.
Annoncé en novembre dernier par Ursula von der Leyen, « le dialogue stratégique » entamé le jeudi 30 janvier à la Commission doit permettre de mettre en place des solutions concrètes afin de relancer la compétitivité du secteur. « Les principaux sujets de discussion seront l’innovation, la transition propre et la décarbonation, la compétitivité et la résilience, les relations commerciales et l’instauration de conditions de concurrence équitables au niveau international, ainsi que la simplification de la réglementation et l’optimisation des processus », précise un communiqué.
Les industriels appellent à relancer la demande
De leur côté, les industriels, qui attendaient de pied ferme l’ouverture de ce dialogue, ont présenté le 27 janvier leurs priorités dans un communiqué de l’ACEA. « Plus de temps pour les rapports – le dialogue stratégique doit aujourd’hui avoir un impact réel sur la base des recommandations Draghi, a déclaré Sigrid de Vries, directrice générale de l’association. Nous devons passer d’une approche de la transition axée sur les sanctions à l’approche axée sur le marché et à l’initiative de la demande. A titre prioritaire immédiate, l’action de l’UE visant à remédier aux amendes paralysantes en matière de CO2 en 2025 pour les véhicules utilitaires légers est un devoir essentiel pour maintenir la compétitivité de notre industrie. »
En outre l’ACEA réclame notamment la mise en place d’un système d’incitation pour les voitures et de mesures spécifiques pour stimuler la demande de véhicules utilitaires lourds à émissions nulles (par exemple, marchés publics) ainsi qu’une évaluation de l’impact négatif des tensions commerciales avec les Etats-Unis et la Chine. Les hausses de droits de douanes promises par Donald Trump compromettraient les perspectives d’un marché pourtant crucial pour les constructeurs européens. Avec plus de 700 000 voitures livrées en 2023, les Etats-Unis sont la deuxième destination des exportations de voitures, derrière le Royaume-Uni et devant l’Ukraine et la Chine.
Flambée de protectionnisme
Cette dernière a entamé un bras de fer avec l’UE sur les aides qu’elle accorde à ses constructeurs de véhicules électriques qui s’est soldé par un relèvement des droits de douanes européens et des mesures de rétorsion de la part de Pékin, dont des restrictions à l’exportations de métaux rares, indispensables pour la production de batteries. Bref, la Commission et les représentants de la filière auront fort à faire pour proposer des solutions dans ce contexte de flambée mondiale du protectionnisme.
L’enjeu du dialogue stratégique ouvert par la Commission est d’autant plus important pour l’avenir économique de l’UE qui la filière automobile demeure un solide pilier du commerce extérieur de l’Union. Tous véhicules confondus (voitures, utilitaires, camions et bus), sa balance commerciale a enregistré un excédent de 106 milliards d’euros (Md EUR) en 2023 avec des exportations en hausse de 13,8 % à 195 Md EUR. Même si la part du secteur a baissé dans les exportations totales de l’UE ces dernières années (8% en 2015 contre 6,1% en 2022), il contribue à 7 % de son PIB et fait vivre non seulement des constructeurs ultra-mondialisés, mais aussi tout un réseau de PME et d’ETI qui les fournissent. En France la filière compte ainsi 139 000 entreprises et plus de 400 000 salariés.
Sophie Creusillet
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