Jeudi 5 décembre, la CCI de Paris Île-de-France accueillait le 2e forum économique franco-polonais avec pour toile de fonds un resserrement des liens entre les deux pays. Rare pays à ne pas avoir connu de récession après la crise sanitaire, la Pologne continue de cultiver son dynamisme économique malgré des difficultés et la proximité de l’Ukraine en guerre. Et d’offrir des opportunités de marché aux entreprises françaises.
La foule se presse dans la salle des lustres et les espaces accueillant ateliers et tables rondes à l’hôtel Potocki, siège de la CCI de Paris-Île-de-France et ancienne demeure du comte polonais Potocki. Bref, un endroit tout indiqué pour accueillir un forum d’affaires franco-polonais. Non seulement les deux pays cultivent des liens culturels et politiques de longue date, mais l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne en 2004 les a conduits à intensifier leurs liens commerciaux.
« Depuis l’adhésion de la Pologne à l’UE, il y a 20 ans, les échanges commerciaux entre nos deux pays ont augmenté de 350 % et ont atteint 33 milliards d’euros en 2023 », a précisé le président de la Pologne Donald Tusk dans un message vidéo diffusé lors de ce forum. De fait, en 2023, selon les données de la Direction générale du Trésor, les exportations françaises en Pologne se sont élevées à 14,4 milliards d’euros (Md EUR), en progression de 4,2 % en glissement annuel, tandis que les importations de produits polonais ont atteint 16,3 Md EUR.
Des exportations dominées par l’automobile
L’automobile (construction et équipements) concentre à elle seule 16,2 % des livraisons françaises, suivie par la chimie (15,5 %), les machines (10,5 %), le matériel électrique (5,8 %), le matériel électrique (5,8 %) ainsi les produits en matière plastique et caoutchouc (5,4 %). Du côté des investissements la France est le deuxième pourvoyeur d’IDE derrière l’Allemagne avec un stock d’environ 24 Md EUR (en 2022), soit 9,2 % des investissements directs réalisés en Pologne.
Le pays compte 459 filiales françaises sur son sol, principalement dans le secteur bancaire, la distribution, l’énergie, l’hôtellerie-restauration, les médias, la construction, la santé, les cosmétiques et l’agroalimentaire.
Dans le domaine du transport, Alstom, présent dans le pays depuis 25 ans, exploite aujourd’hui trois sites de production et emploie 4 500 personnes. « Le marché polonais est très important pour nous, du fait du développement des infrastructures et de l’importance du transport ferroviaire dans la région, relate Philippe Delleur, vice-président sénior des affaires publiques du groupe. Nous avons trouvé sur place des compétences, un coût horaire plus faible et une localisation stratégique car cette implantation couvre également les pays Baltes et l’Ukraine. Aujourd’hui nous pensons que devions travailler plus en Pologne ».
Baisse graduelle des fonds européens
Egis, spécialiste de l’ingénierie des infrastructures, est également en Pologne depuis un quart de siècle. Ces entreprises, comme d’autres, françaises ou non, ont accompagné le développement économique du pays après son adhésion à l’Union européenne, il y a 20 ans. « Beaucoup d’infrastructures ont été financés avec des fonds européens mais cette force peut devenir une faiblesse avec le déclin progressif de ces fonds, estime Mathieu Loussier directeur Europe et Afrique du groupe. D’autant qu’il y a en ce moment de fortes tensions sur les finances publiques. »
Rien cependant, qui ne semble contrarier durablement le dynamisme de l’économie polonaise. « La Pologne est l’une des plus grandes réussites économiques au monde au cours des 30 dernières années », a déclaré Geoff Gottlieb, représentant régional principal du FMI pour l’Europe centrale, orientale et du Sud-Est, lors d’une interview en octobre dernier.
La Pologne table en effet sur une croissance de 3,9 % en 2025, contre 3,1 % attendus en 2024, tirée essentiellement par la consommation grâce à des salaires en augmentation, mais qui, c’est le revers de la médaille, forcent l’inflation et rendent le marché polonais moins compétitif.
Présidence de l’UE sous le signe de la« sécurité »
Signature à venir d’un nouveau traité d’amitié franco-polonaise, prochain déplacement d’Emmanuel Macron, qui s’y est déjà rendu en 2020, visite de Donald Tusk en février dernier… Les entreprises des deux pays devraient profiter de ce réchauffement franco-polonais. En outre, la Pologne prendra la présidence du Conseil européen le 1er janvier. Lors de ce forum France Pologne, Jan Emeryk Rościszewski, ambassadeur de Pologne en France, a résumé d’un seul mot cette future présidence qui sera placée sous le signe de la « sécurité », eu égard à la guerre que mène la Russie contre l’Ukraine.
Alors qu’il a pu être reproché à la Pologne d’acheter des armements américains plutôt qu’européens l’ambassadeur a estimé le secteur de la défense « comme très important dans nos relations libérales ». Des perspectives pourraient donc rapidement s’ouvrir pour les entreprises de ce secteur car les besoins sont là. « La Russie produit quatre fois plus de munitions que tous les pays de l’UE », a rappelé l’ambassadeur.
Cette sécurité, maître-mot de la présidence polonaise, concernera aussi la sécurité alimentaire, mais aussi celle du business. Et celle-ci passera par un appel à la simplification des normes, notamment environnementales, ce qui provoquera sûrement des débats parmi les Vingt-Sept.
Sophie Creusillet