Le secteur de la mécatronique produisant les systèmes intelligents pour l’automobile et les transports en général, pour la robotique, les machines-outils ou encore l’énergie, il constitue un excellent baromètre de l’industrie en général et de ses perspectives. Fortement exportatrice, la filière française s’inquiète d’une conjoncture internationale morose, en particulier Outre-Rhin, et n’anticipe pas d’amélioration avant le deuxième semestre 2025.
Rien ne bouge. En cette fin d’année, les 150 entreprises d’Artema, la fédération professionnelle de la mécatronique, retiennent leur souffle. En témoigne le dernier « indicateur global » dans lequel l’organisation sonde les acteurs de la filière sur leur activité et à court et moyen termes. Toutes professions confondues, la prévision en valeur se situe autour de – 5 %.
Relevant à la fois de la mécanique, de l’informatique, de l’électronique et de l’automatique, les différents segments de ce secteur impliqué dans de très nombreuses branches de l’industrie représentent un chiffre d’affaires de 8,8 milliards d’euros (2023), dont 50 % à l’export. Et force est de constater que la plupart d’entre eux anticipent un recul de leur activité. Ainsi des transmissions hydrauliques, des mécaniques et pneumatiques, des fixations, des roulements et du guidage linéaire.
Des investissements industriels dans l’expectative
« La bonne santé de secteurs comme l’aéronautique, le ferroviaire, la défense et certaines énergies (nucléaire, gaz, hydroélectrique…) libèrent un peu d’air mais ne compensent pas la baisse générale », constate Artema dans un communiqué. En cause, les investissements industriels qui « ne se débloquent toujours pas »et les reports de commandes dans le machinisme agricole, l’agroalimentaire et la mécanique. Seul le bâtiment reste porteur.
En revanche, et c’est un des rares éléments positifs de cet indicateur, les prix des intrants n’augmentent plus et, en France, l’inflation est passée à 1,5 % (IPCH) en octobre. Mais si ce relâchement de la tension sur les coûts de production pourrait laisser augurer un gain de productivité, l’inquiétude des entreprises de la mécatronique se focalise sur l’international. Et en premier chef, sur la situation de l’industrie allemande, actuellement à cours de commandes.
Inquiétudes sur le marché allemand
Les récents déboires des constructeurs automobiles, poids lourds de l’économie allemande et de son commerce extérieur, illustrent cette crainte de voir rapidement ce marché traditionnel se tarir. Alors qu’elle peine à prendre le virage de l’électrique, l’automobile allemande a enregistré en octobre une baisse de 11 % de ses ventes en glissement annuel et de 28 % par rapport à 2019.
Les équipes sont mises au chômage partiel et des usines sont temporairement ou définitivement fermées comme l’ont récemment annoncé Volkswagen et Audi. De plus, Artema estime que la mise en place du règlement européen CAFE en 2025 « risque d’entraîner des conséquences dévastatrices dans la filière amont », en particulier la pièce embarquée auto et les machines. En effet, l’an prochain, les constructeurs automobiles devront réduire leurs émissions de 95 g/km à 81 g/km par véhicule neuf (toutes technologies confondues), sans quoi ils risqueront d’importantes pénalités.
Plus largement c’est la santé de l’ensemble de l’économie allemande, première cliente de la mécanique française, qui fait peser une grande incertitude sur les carnets de commande de la mécatronique tricolore. Les industriels sondés par Artema indiquent que la crise allemande « ne s’est pas encore propagée en France et devrait intervenir en 2025 ». L’indicateur allemand IFO de l’industrie manufacturière note un taux d’utilisation des capacités de production en baisse de 1,2 point. A 76,5 %, il est nettement inférieur à la moyenne à long terme qui est de 83,4 %.
La géopolitique, principal risque de la filière
Au grand export, le marché américain décélère. L’activité manufacturière américaine a en effet atteint en octobre sont plus bas niveau depuis 15 mois. Surtout, l’élection de Donald Trump, officiellement en poste le 20 janvier prochain, promet une augmentation des droits de douane et une accentuation des tensions commerciales avec la Chine. Dans la mécatronique comme dans le reste du tissu industriel français, les entreprises restent suspendues aux décisions de ce président aux discours ultra protectionnistes. Et de ses prises de position en matière de politique internationale.
Si les menaces chinoises sur Taïwan, capitale mondiale des puces électroniques, venaient, par exemple, à se concrétiser, l’approvisionnement de la filière mécatronique s’en trouverait sérieusement hypothéqué. Les entreprises d’Artema (70 % des acteurs français) placent d’ailleurs la géopolitique en pole position des risques pesant sur leur activité à court et moyen termes. Leur principal source d’inquiétude porte « principalement les futures décisions du président américain sur le soutien à l’Ukraine dans son conflit avec la Russie, sur les menaces chinoises sur Taïwan [… ] ainsi que sur la guerre économique avec la Chine », rapporte la fédération professionnelle.
A l’instar de tous les secteurs très tournés vers l’export, la mécatronique française est donc dans une situation d’entre-deux, attendant le dénouement de situations géopolitiques sur lesquelles elle n’a pas de prise. Elle table cependant, et certes prudemment, sur une reprise de l’activité fin 2025.
Sophie Creusillet