Promises par Donald Trump, nouveau président élu, lors de sa campagne présidentielle, les hausses de droits de douane pourraient amputer de 4,2 milliards de dollars les exportations françaises aux Etats-Unis même si une guerre commerciale totale est évitée, selon une estimation d’Allianz Trade.
Alors qu’avant le scrutin les analystes d’Allianz Trade tablaient sur 64 milliards de dollars (Md USD) de gains cumulés à l’exportation pour la France, la guerre commerciale qui se dessine après l’élection de Donald Trump les a fait revoir leur copie. Leur estimation est désormais de 59,8 Md USD, soit 4,2 Md USD de moins, sur la période 2025-2026 avec une hypothèse de croissance du commerce international inférieure à 5 %.
Cette baisse de 6,5 % pour la France surviendrait avec des droits de douane portés à 25 % sur les importations chinoises et 5 % sur les produits venant du reste du monde (à l’exclusion du Mexique et du Canada) selon un scénario optimiste excluant une guerre commerciale totale (avec un hausse des tarifs portés à 60 % pour la Chine et à 10 % sur le reste du monde).
En suivant ce scénario, la Chine et l’Union européennes cumuleraient une perte de 67 Md USD et la croissance du commerce mondial baisserait de 0 ,6 % pour passer sous la barre des 5 %. L’automobile, les équipements de transport et les métaux seraient les secteurs les plus touchés tandis que les mesures de rétorsion européennes et chinoises viseraient également l’automobile et les métaux, mais aussi l’agroalimentaire et les machines, anticipe l’assureur-crédit.
Les droits de douane, une arme à double tranchant
Ce dernier a également formulé un scénario « extrême de guerre commerciale totale » comprenant des droits de 60 % sur les produits chinois et de 10 % à 20 % sur les autres origines, mexicaine et canadienne comprises. La Chine, le Mexique et le Canada verraient alors leurs exportations chuter de 217 Md USD en 2025-2026 et la croissance du commerce mondial dévisserait de 2,4 %. Pour la directrice de la recherche économique chez Allianz Trade Ana Boata, « ce scénario semble peu probable car les Etats-Unis devraient également faire face à un coût économique important ».
Par ailleurs, depuis la pandémie de Covid-19 et l’enchaînement de crises et conflits ces trois dernières années, les flux commerciaux suivent de plus en plus les alignements géopolitiques. Ainsi, l’étude d’Allianz Trade montre que le commerce bilatéral entre pays alignés a augmenté de 2 % en deux ans et concerne désormais 60 % des échanges mondiaux. Les importations américaines se sont détournées de la Chine qui exporte elle-même d’avantage vers ses partenaires. La Russie, l’Inde, les pays de l’Asean, les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite, augmentent leurs achats au géant chinois au moment même où celui-ci peine à écouler sa production sur son marché domestique.
Les émergents aux avant-postes
Ces nouveaux hubs commerciaux pourraient représenter jusqu’à 21,3 % des exportations mondiales d’ici 2029, ce qui nécessitera d’importants investissements dans les infrastructures portuaires de ces pays, estimés à 120 Md USD. Alors que ces étoiles montantes du commerce international appartiennent tous au monde émergent, la majeure partie du bloc occidental reste dans plus proche des Etats-Unis.
En Europe, cependant, ce partage est loin d’être aussi net. Le Royaume-Uni, l’Irlande et les Pays-Bas ont ainsi développé de longue date des échanges commerciaux privilégiés avec les Etats-Unis tandis que la Grèce, par exemple, a maintenu un équilibre entre Chine et Etats-Unis. Dans ce contexte, les mesures protectionnistes promises par Donald Trump affecteront diversement les économies européennes. Pour en mesurer les conséquences encore faut-il avoir une idée de leur ampleur. Si les deux scénarios proposés par Allianz Trade ont le mérite de dresser un panorama des échanges transatlantiques à brève échéance, les déclarations erratiques du candidat Trump sur les détails de ces mesures protectionnistes laissent une grande part à l’imprévu.
En revanche, une chose est sûre : le fait que Robert Lighthizer, qui a déjà occupé le poste au cours du premier mandat de Trump, soit pressenti pour devenir le prochain représentant au Commerce laisse augurer d’une ligne dure.
Sophie Creusillet